Homélie du 5e dimanche de Pâques

15 mai 2012

« Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en donne davantage. »

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Texte de l’homélie :

Pourquoi avoir choisi cet Évangile pendant le temps de Pâques ?
Quel rapport entre cette image de la vigne et la grâce de Pâques ?

Le dimanche de Pâques et les jours qui suivent, nous reprenons les récits des apparitions de Jésus ressuscité à ses disciples. Cela se comprend aisément. Mais ensuite, l’Église nous propose d’autres passages d’Évangile. Est-ce parce qu’elle n’a pas assez de récits de résurrection ?

Non, c’est parce que nous passons peu à peu de la résurrection de Jésus, à l’effet de cette résurrection pour nous. Il y a comme une intériorisation de la grâce de Pâques. La résurrection du Christ nous ouvre l’accès à une vie nouvelle. Et cette vie nouvelle nécessite un soin tout particulier qui est bien mis en valeur par l’image de la vigne qui nous est donnée dans l’évangile de ce jour. Saint Paul a une image qui se rapproche de celle de la vigne lorsqu’il parle du baptême. Il nous dit que, par le baptême, nous sommes greffés sur le Christ.
Je vous propose de méditer sur trois étapes du développement de la vigne : la greffe, l’émondage et les fruits.

La greffe

Le pied de vigne, c’est le Christ. A Noël, « Il s’est laissé planter dans la terre. » (cf. Benoît XVI, Jésus de Nazareth). Comme le dit saint Augustin :

« Si le Christ n’avait pas été un homme, il n’aurait pas pu être la vigne. Cependant il ne fournirait pas cette grâce aux sarments, s’il n’était pas également Dieu. »

À Pâques, à partir de la mort et de la Résurrection du Christ, le moment est venu où nous pouvons être greffés en lui. C’est ce qui advient par le baptême. Le baptême ne nous rapproche pas seulement du Christ comme s’il s’agissait d’une simple juxtaposition. Par le baptême, nous sommes insérés dans le Christ, nous entrons dans une relation vivante avec Lui. Il ne suffit pas d’être relié d’une façon un peu extérieure au Christ car alors, la sève du Christ ne pourrait pas passer en nous. Jusque là nous ne donnions que des fruits sauvages souvent tout petits et pas très savoureux ; à partir de cette greffe qu’est le baptême nous est donné de donner des fruits savoureux.

Comment grandir dans la communion avec le Christ ? Par la foi et la prière. La première attitude consiste à croire en lui. Sans la foi, la sève de la grâce ne peut couler en nous.

Cette fois, ce n’est pas la foi d’un instant. C’est pourquoi un verbe revient 10 fois dans les 10 premiers versets du chapitre 15 de l’évangile de saint Jean : « demeurer ». La persévérance est mise à l’honneur, « le fait de se tenir patiemment dans la communion avec le Seigneur au milieu des vicissitudes de l’existence ».

« Au début, on est facilement enthousiaste, mais il faut ensuite marcher avec constance sur les chemins monotones du désert qu’on est appelé à parcourir dans la vie. Il faut avancer patiemment, laisser se briser l’élan romantique du départ pour ne laisser que l’adhésion profonde et pure à la foi. » (Benoît XVI)

L’émondage

Sans doute savez-vous que la culture de la vigne est très exigeante. Pour récolter de beaux raisins, on ne peut pas la laisser à l’abandon. Il faut en prendre vraiment soin. C’est pourquoi l’image de la vigne illustre la qualité des soins que nous sommes appelés à donner à notre vie spirituelle.

Si l’on plante une vigne, on ne peut attendre passivement la vendange : on ne récolterait alors que de petits et mauvais grains. De même, pour notre vie chrétienne : on ne peut se contenter de recevoir le baptême puis de laisser grandir cette vie spirituelle de façon spontanée jusqu’au moment de la vendange que constituera notre mort. Notre vie spirituelle demande des soins attentifs. Hélas, beaucoup de chrétiens se comportent comme s’il suffisait de planter un pied de vigne et d’attendre tranquillement l’époque des vendanges. La grâce du baptême appelle notre coopération. Comme le dit saint Paul :

« Nous vous exhortons à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu » (2 Co 6, 1)

Que faut-il faire ? Jésus nous invite d’abord à nous laisser purifier, émonder, par la Parole de Dieu. Quand nous parlons d’émondage, cela peut nous faire peur. Pourtant, il est essentiel de bien comprendre que l’émondage n’est pas un acte hostile envers le sarment. C’est précisément parce qu’il attend beaucoup de ce sarment que le vigneron le taille. Il ne s’agit pas d’une démarche un peu sadique du vigneron, bien au contraire. Il a bien conscience que la taille peut faire mal mais il sait qu’elle sera profitable. Ainsi en est-il de la Parole de Dieu qui telle une épée à deux tranchants peut quelquefois nous faire mal mais dans une perspective de salut.

  • D’une part, il faut enlever le bois mort, couper avec tout ce qui est mauvais.
  • D’autre part, il faut « rabbattre » les pousses inutiles qui absorberaient toute la sève mais pour des feuilles plutôt que pour des fruits. Nous pouvons hélas nous disperser dans des projets terrestres qui sont vains alors qu’il s’agit de nous concentrer sur les vraies valeurs. Cela comporte un renoncement à des choses qui ne sont pas mauvaises en soi mais qui nous disperseront. Il faut avoir le courage de faire des choix.

Porter du fruits

L’émondage n’est qu’une étape intermédiaire ; il n’a pas sa finalité en lui-même. Le désir de Dieu, c’est que nous portions du fruit. Et le plus beau fruit est la charité. Mais il ne faudrait pas lire le commandement : « Aimez-vous comme je vous ai aimés » comme une pure consigne morale.

Il faut de nous situer d’abord au niveau de notre être d’enfant de Dieu. Le christianisme n’est pas un moralisme. Dieu se donne Lui-même. Son être, son amour, précède notre agir. L’éthique est une conséquence de l’être : le Seigneur nous donne tout d’abord un nouvel être, tel est le grand don ; l’être précède l’agir et ensuite, de cet être, découle l’agir, comme une réalité organique. Le commandement : « Aimez-vous comme je vous ai aimés » n’est pas une pure consigne morale. Là encore, ce qui est nouveau, c’est que l’Esprit Saint est répandu dans nos cœurs pour aimer à la manière de Dieu. Ce n’est qu’en s’exerçant à aimer notre prochain que l’Esprit de Dieu peut vraiment circuler en nous.

Le chrétien n’est ni une source (dans le sens où il tirerait cet amour de son propre fonds), ni un réservoir (on pourrait en quelque sorte « stocker » l’amour de Dieu). Il est un canal : l’amour de Dieu m’habite dans la mesure où je suis relié à la source de cet amour et où je transmets cet amour.

Dieu nous appelle à porter du fruit. Notre vie intérieure se traduit à l’extérieur par les actes. Il ne suffit même pas d’avoir une vie de foi si cela ne produit pas de fruits de charité dans notre vie. Saint Jacques insiste beaucoup sur la nécessité des œuvres (Jc 2, 14.18.24.26).
Voici les bons fruits dont parle saint Paul, ce sont les fruits de l’Esprit : « charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22). Mais le fruit par excellence, c’est la charité (1 Co 14, 1).

En conclusion, je vous propose de relire ce passage d’Évangile en le laissant résonner dans votre cœur. Demandez-vous si vous prenez assez soin du plant de vigne qui vous est confié. Prenez-vous assez soin de votre vie spirituelle ? Recourrez-vous assez aux sacrements que l’Église met à notre disposition pour nourrir, fortifier, soigner la vie de Dieu en nous ? _ Avez-vous recours à l’aide d’un prêtre, d’un mouvement de vie spirituelle, … pour progresser dans cette union avec Dieu ?

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 9,26-31.
  • Psaume 22(21),26-27ab.28-29.31-32.
  • Première lettre de saint Jean 3,18-24.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15,1-8 :

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en donne davantage.

Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.

Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez.

Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples.