Homélie du 6e dimanche de Pâques

6 mai 2018

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

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Texte de l’homélie :

Il est providentiel qu’au cœur de cette retraite pour fiancés nous lisions cette page d’Evangile que nous connaissons bien : le commandement nouveau de nous aimer les uns les autres. Cette retraite est ainsi éclairée par cette parole, tout comme celle de la première lecture :

« Aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. »

Nous sommes tous précédés par un amour, c’est vrai pour chacun d’entre nous. Si nous sommes capables d’aimer, c’est à dire de vouloir le bien de l’autre, et de se laisser aimer – cela se passe dans les deux sens – c’est que l’on reçu quelque chose soi-même.
Dans les préparations au mariage, lorsque l’atmosphère le permet, j’invite les fiancés à écrire à leur famille, à leurs parents, pour les remercier de ce qu’ils ont reçu de leur part. Parce que c’est aussi grâce à cet amour reçu dans la famille qu’aujourd’hui, vous pouvez faire ce pas décisif de l’engagement devant le Seigneur.
Nous sommes le fruit du don des autres. Ce que nous pouvons faire de bien, c’est d’autres qui l’ont semé en nous. Cela nous invite à un grande humilité, car on découvre que cette capacité d’aimer a été semée tout au long de notre cheminement humain et spirituel à travers de nombreuses personnes qui se sont donné la peine pour accompagner, transmettre et soutenir,– en famille, à travers les enseignants, les aumôniers, les catéchistes et les prêtres.

Nous sommes précédés par ce don. Et faire mémoire de ce don – avec humilité – c’est précisément le sens de l’Eucharistie, de la messe. Pourquoi participer à la messe si ce n’est pour faire mémoire que ce don nous entoure, nous accompagne, nous fortifie. Cet amour de Dieu est plus fort que nous :

« Si ton cœur t’accuse, Dieu est plus grand que ton cœur. »

Frères et sœurs bien-aimés, chers fiancés, c’est avec une pleine espérance que nous nous tournons vers le Seigneur, et c’est là que le fait d’avoir la Foi ou de ne pas l’avoir change la façon d’aimer. Bien sur, ceux qui n’ont pas la Foi veulent aimer, c’est dans toute nature humaine, nous sommes à l’image et à la ressemblance d’un Dieu qui se donne. Mais, avoir la Foi donne une ouverture à l’espérance : participer à la messe dominicale, à l’Eucharistie, c’est se mettre face à quelqu’un de plus grand que soi. Le couple n’est plus seulement un face à face de psychologies plus ou moins équilibrées : la transcendance est au cœur du couple, et elle permet qu’il fonctionne bien, grâce à l’Espérance et au pardon. Plus grand que nous, cet amour de Dieu nous précède.
Il est important d’en prendre conscience, même progressivement, selon les étapes de la vie de couple. Si vous vous orientez vers le sacrement du mariage, c’est que vous prenez conscience que vous êtes comme des pauvres qui avez besoin d’aide.

Si Jésus nous commande d’aimer, c’est justement parce que ce n’est pas spontané. Il n’est pas nécessaire de commander quelque chose qui se fait spontanément, on le fait naturellement…
Nous devons tourner notre cœur vers Dieu et c’est pour cela que le sacrement du mariage – comme les autres sacrements – nous apporte le Salut. Quelque chose en nous a besoin d’être sauvé. C’est bien la difficulté de notre vie actuelle et de celle de nos contemporains : beaucoup pensent ne pas avoir besoin d’être sauvés. Et c’est un aveuglement considérable sur soi-même.

Le sacrement de mariage est aussi pour le salut du couple. Chers fiancés, vous avez besoin d’être sauvés de vous-même d’une certaine manière. Vous êtes les meilleurs artisans de votre couples, mais vous pouvez tout autant en être les plus grands opposants : les deux sont en vous. Au début de cette vie matrimoniale, vous avez le désir de construire, mais, lorsque vous rentrez un peu en vous-même, vous vous rendez compte qu’il y a des choses qui s’opposent dans votre attitude. Il faut un minimum de vie intérieure, et c’est pour cela que vous demandez à être sauvés. Le sacrement du mariage est un salut qui s’applique au couple. Le sacrement de l’Eucharistie est un salut qui s’applique aux baptisés, car ils se rendent compte que sans le Seigneur, on ne peut rien faire.

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »

Nous savons déjà ces choses, mais il est important de se les remémorer, car la société veut les mettre de côté, comme si tout était spontané, et que l’on n’avait pas besoin d’aide.

Quand on est croyant, on prend conscience que l’aide du Seigneur n’est pas une menace mais au contraire, une chance car elle nous emmène plus loin que nous-mêmes, plus loin que nos égoïsmes, plus loin que nos manières d’agir, plus loin que nos volontés de dominer. C’est ça être Chrétien : porter en lui-même plus grand que lui-même. Et ce plus grand que soi, cette dimension transcendante fait respirer dans la vie, dans les couples, dans les familles, dans les communautés. On s’ouvre à l’Esprit, et le cœur est au large. En Dieu, notre cœur et notre esprit est au large ; c’est en nous-même qu’il est étriqué.
Et c’est bien ce que le Seigneur nous demande :

  • de puiser dans Son amour, d’en prendre conscience,
  • de voir l’autre comme un don de Dieu pour ma vie.

« C’est moi qui vous ai choisis. »

Peut-être cela dépend des jours : la vie de tous les jours est plus ou moins détendue, mais au fond, est-ce que je vis l’autre comme une grâce, un cadeau de Dieu ? certains mettront des mots différents…
Interrogeons-nous si nous avons un regard de Foi sur l’autre, pas seulement un regard horizontal.

« Je vous ai choisis. »

Si nous sommes ici, dans cette chapelle, c’est que nous avons été choisis, sinon, nous n’y serions pas. Et c’est considérable : notre présence aujourd’hui ici est le fruit d’un amour qui nous précède et d’un choix qui nous emmène plus loin.

Oui, c’est vraiment un signe de la providence d’entendre ce commandement nouveau aujourd’hui, car cela nous tire vers le haut. La vie chrétienne est la religion de l’amour, en tous les cas, c’est comme cela que Jésus nous demande de le vivre.

C’est l’amour qui a renouvelé l’ancienne alliance - avec ses codes du pharisaïsme – résumée dans la loi et les prophètes, qui déjà dans la Torah nous transmettent :

« Tu aimeras le Seigneur ton dieu, ton prochain comme toi-même… »

Et Jésus vient réactualiser cela. Il emploie un terme important :

« Comme je vous ai aimés. »

On laisse trop souvent cette référence au Seigneur, et Jésus répond à notre question :
— « Comment aimer ? »
— « Comme je vous ai aimés ! »

Quand on regarde Jésus, on voit de quelle manière il faut aimer. Ainsi, il faut entrer dans le don désintéressé de soi-même. Et comme chacun le sait, cela n’a rien de spontané, car, inconsciemment, nous cherchons toujours un certaine rétribution, un retour, une valorisation… Et cette manière désintéressée se travaille, et nous croyons qu’avec la grâce de Dieu, ce travail se réalise, que nous soyons éveillés ou endormis – telle la graine plantée en terre – que ce Royaume de Dieu grandit en nous, dans votre couple.

Ainsi, nous avons ce regard d’espérance qu’au-delà de nos chipoteries, nos mesquineries, ce Royaume de Dieu est là en nous. C’est un acte de Foi, nous le croyons, et j’en suis personnellement persuadé.

Demandons alors au Seigneur Sa grâce dans cette communion, qu’Il vienne nous saisir pour que nous puissions nous replonger dans cette invitation forte au cœur de notre vie, pour que nous soyons les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 10,25-26.34-35.44-48.
  • Psaume 98(97),1.2-3ab.3cd-4.
  • Première lettre de saint Jean 4,7-10.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15,9-17 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
— « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »