Homélie du 6e dimanche de Pâques

11 mai 2015

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

De quel livre de la Bible est tirée la première lecture des messes (que ce soit le dimanche ou la semaine) pendant le temps pascal ? Des Actes des Apôtres.
Pourquoi ? Parce que les Actes des Apôtres nous décrivent le déploiement de la Bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur.
Au départ, comme nous le voyons dans l’Évangile, les apôtres ont été lents à croire. Au départ, ils ne mesuraient pas la formidable nouvelle que constituait la résurrection. A partir de la Pentecôte, les Apôtres ne se lassent plus d’annoncer cette bonne nouvelle. On ne les arrête plus. On ne les reconnaît plus : ils ont une audace nouvelle ; ils ne craignent plus d’être persécutés. La foi en la résurrection les a fait entrer dans une vie nouvelle.
Dans un premier temps, je voudrais revenir sur l’épisode des Actes des Apôtres dont nous n’avons que la conclusion dans la première lecture.
Dans un deuxième temps, je vais revenir sur l’expérience que Pierre fait à cette occasion et qui va le guider pour conduire l’Église.
Enfin, dans un troisième temps, nous verrons comment, à partir de cette expérience, nous pouvons relire l’Évangile et la deuxième lecture.

La visite de Pierre à Corneille, étape très importante dans l’annonce de la bonne nouvelle

Au début du chapitre 11 des Actes, saint Luc montre comment Dieu a organisé cette rencontre. Ce n’était certainement pas dans les plans de Pierre : il n’avait pas imaginé entrer dans la maison de ce centurion de l’armée d’occupation, d’autant plus qu’il était païen.
Mais Dieu a préparé les choses. Pierre et Corneille ont eu ce jour-là une vision : Corneille a entendu un ange de Dieu lui dire « Le Seigneur t’a entendu ; fais chercher Pierre pour qu’il vienne chez toi. »
Quant à Pierre, à des kilomètres de là, lui aussi, il a eu une vision curieuse. Dans cette vision, il a devant les yeux des quantités d’animaux, dont certains considérés par la loi juive comme impurs étaient strictement interdits, et une voix lui dit : tue et mange ! Pierre qui est un juif fidèle, ne veut pas désobéir aux règles de son enfance ; alors la voix lui fait remarquer qu’il appartient à Dieu seul de décider ce qui est pur ou impur… Trois fois de suite, cette curieuse vision se reproduit… et Pierre reste bien perplexe.
C’est à ce moment précis que les envoyés de Corneille arrivent ; ils viennent demander à Pierre quelque chose de plus grave encore que de manquer chez soi aux règles alimentaires : ils viennent lui demander d’aller chez ce païen de Corneille ! Luc précise que l’Esprit Saint lui-même rassure Pierre sur ce qu’il va faire :

« Voici deux hommes qui te cherchent. Descends donc tout de suite avec eux et prends la route avec eux sans te faire aucun scrupule : car c’est moi qui les envoie. »

Pierre se laisse donc conduire et c’est alors que se passe la scène du passage que nous avons lu. Tout d’un coup, Pierre comprend la vision qui l’avait tellement intrigué : elle l’invitait à dépasser l’interdit de manger certains animaux considérés comme impurs. À travers cela, Pierre découvre qu’il lui faut dépasser un autre interdit : celui de fréquenter les païens.
Pourquoi cette interdiction de fréquenter des païens ? Ce n’était pas du mépris ; mais par une certaine peur de se laisser attirer par leurs pratiques et ainsi d’être infidèles à la Loi.

C’est un tournant décisif qui s’amorce : comment annoncer la bonne nouvelle aux païens si on s’interdisait de les fréquenter ?
Dans une première étape du plan de salut de Dieu, le peuple juif a été choisi et, pendant tout un temps de maturation nécessaire, il fallait préserver la foi et donc rester entre croyants. Mais, désormais, c’est une nouvelle étape : il faut ouvrir les portes aux païens pour pouvoir leur annoncer à eux aussi la Bonne Nouvelle.
C’est ce que Pierre comprend d’un coup et explique à Corneille et à son entourage : « Vous savez que c’est un crime pour un Juif de fréquenter des étrangers ; mais Dieu vient de me faire comprendre que, désormais, il ne faut plus faire de différence entre les hommes : car Dieu lui-même ne fait pas de différence entre les hommes ».

Pierre se laisse instruire par la manière de faire de Dieu

Si vous poursuivez la lecture des Actes des Apôtres, vous verrez que cette ouverture aux païens n’est pas encore gagnée. Au chapitre 11, lorsque Pierre arrive à Jérusalem, il se fait reprendre par des chrétiens d’origine juive :

« Tu es entré chez des hommes qui ne sont pas circoncis, et tu as mangé avec eux ! » (Ac 11, 3)

Pierre doit donc s’expliquer pour les calmer.
Au chapitre 15, des chrétiens d’origine juive viennent à Antioche en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela entraîne une nouvelle crise qui motivera ce que nous appelons souvent le Concile de Jérusalem.
À chaque fois, Pierre revient sur l’expérience déterminante qu’il a faite chez le centurion Corneille. Au chapitre 11, Pierre reprend l’affaire depuis le commencement et conclut en disant :

« Au moment où je prenais la parole, l’Esprit Saint descendit sur ceux qui étaient là, comme il était descendu sur nous au commencement. Alors je me suis rappelé la parole que le Seigneur avait dite : “Jean a baptisé avec l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés.”
Et si Dieu leur a fait le même don qu’à nous, parce qu’ils ont cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu ? » (Ac 11, 15-17)

« En entendant ces paroles, ils se calmèrent et ils rendirent gloire à Dieu, en disant : ’Ainsi donc, même aux nations, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie !’ » (Ac 11, 18)

« Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous ; sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux. » (Ac 15, 8-11)
« Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. En effet, on les entendait parler en langues et chanter la grandeur de Dieu. Pierre dit alors : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? »
Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ. » (Ac 10, 44-48)

Nous voyons très bien que Pierre a pris acte de la manière d’agir de Dieu. Il n’aurait pas imaginé que Dieu agisse ainsi. Mais en même temps, il a eu l’humilité de reconnaître l’action de Dieu là où il ne s’y attendait pas du tout. Dieu est vraiment libre de ses dons !
Pierre a assez de souplesse et d’humilité pour ne pas rester enfermé dans sa manière de voir et ses habitudes. Pierre a dû en quelque sorte ajuster sa pastorale à la pastorale du bon Dieu. A partir de ce moment-là, La bonne nouvelle de la résurrection du Christ a été annoncée à tous.

A partir de cette expérience, relire l’Évangile et la deuxième lecture

Cette expérience de Pierre peut nous aider à relire l’évangile de ce jour ainsi que la deuxième lecture sous un angle particulier.
Ce qui est premier, c’est de contempler l’amour de Dieu, de contempler la manière de faire de Dieu. Nous sommes invités à entrer dans la logique de l’amour de Dieu. Dieu veut sauver tous les hommes ; il ne veut en perdre aucun. Pour cela, il n’a reculé devant aucun moyen :

« Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui ». « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés. »
« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

L’amour de Dieu nous précède toujours.
Il ne s’agit pas de contempler l’amour de Dieu en général mais pour moi, personnellement :

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. »

« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l’accordera. »

Instruits par l’exemple de l’amour de Dieu et ce que nous en percevons personnellement, nous sommes invités à aimer à notre tour. C’est finalement être cohérents avec cet amour de Dieu, entrer dans la logique de cet amour :

« Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. » « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. » « Aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. » « Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Conclusion :

En conclusion, frères et sœurs bien-aimés, je vous invite à ne pas hésiter à prendre le temps et les moyens pour contempler l’amour de Dieu pour vous et pour tous les hommes. Laissons-nous instruire par cet amour de Dieu, c’est la voie d’une joie profonde que personne ne pourra nous ravir.
Accepter d’entrer dans la logique de l’amour de Dieu nous conduit à expérimenter la joie :

« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie. »

C’est cette joie que nous expérimentons d’une façon particulière dans l’évangélisation.
Demandons à la Vierge Marie de nous aider à entrer pleinement dans cette logique de l’amour de Dieu.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres (Ac 10,25-26.34-35.44-48)
  • Psaume (PS 98(97),1.2-3ab.3cd-4)
  • Première lettre de saint Jean (1Jn 4,7-10)
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 9-17) :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »