Homélie du deuxième dimanche de l’Avent

12 décembre 2023

« Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

On peut se demander ce qu’il y a de plus fragile chez une personne qui a souffert : c’est sans doutes le désir. La souffrance est en nous cette force contrariée de vouloir quelque chose de mieux, de désirer un avenir meilleur pour ne pas risquer une nouvelle fois d’être trompé. Soyons clair, le peuple Hébreu, les Juifs qui avaient été déportés à Babylone n’était pas au mieux de leur forme. Comme spectacle juste avant qu’on ne lui crève les yeux, le dernier roi Sédécias avait vu ses deux fils massacrés. Puis, ce fut une nouvelle déportation, la perte de la terre, la destruction du Temple alors que c’était la prunelle de leurs yeux. Puis, il y a le risque de cette perte d’identité : comment chanterions-nous un cantique sur une terre étrangère ?

Qu’est-ce qui va donc permettre que ce peuple relève la tête et ne soit pas comme fasciné par son propre malheur, qu’il puisse recommencer à désirer l’avènement du Salut. Est-ce que ce sont des bons conseils ? est-ce que ce sont de vif reproches ? non, simplement une voix, nous dit Isaïe. Cette voix qui retentit dans le désert ne vient de nulle part. Par le prophète, elle dit :

« Consolez mon peuple. »

Elle passe par l’ambassadeur qu’est le prophète. Il porte avec lui tout un autre monde. Sans cette voix, le peuple reste prisonnier de sa tristesse et de sa culpabilité. C’est cette même voix qui résonne dans l’Évangile, elle crie. Et le peuple entend la parole, le Verbe. Il entend Dieu Lui-même qui parle et qui rompt le silence et la tristesse de l’homme.

Avec cette voix, c’est tout un monde nouveau qui surgit. Les yeux et les oreilles se tendent vers Jean-Baptiste, mais ce que l’on regarde et ce que l’on écoute en réalité c’est Dieu, c’est le Ciel.

On fait alors la queue pour se faire baptiser, non pas que l’on veuille s’acheter une conduite, qu’on veuille se purifier de ses vices par une espère d’hygiène morale. Non, on sait que le Ciel est en train d’advenir sur la Terre, et on veut s’y préparer. Sinon, la conversion n’a aucun sens.

Comme un nouvel Élie, Jean-Baptise a rouvert le Ciel parce qu’il l’a contemplé.

Vous souvenez-vous, lorsqu’il voit un homme marcher le long du rivage du lac de Tibériade, il perçoit Dieu qui marche sur le Terre :

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. »

Alors, que devient le signe distinctif de Jean-Baptiste ? c’est la joie ! La joie de celui qui voit au-delà des voiles, la voix de l’ami de l’époux qui se tient là, qui écoute et qui est rempli de joie à la voix de l’époux, nous dit l’évangile. C’est la joie de celui qui vit une intimité profonde avec le Seigneur. Joie étonnante, voire étrange, car elle paraît même suspecte aux contemporains de Jésus. Que vont-ils dire de Jean ? C’est un possédé ! Oui, il est illuminé, non par le démon, mais bien par Dieu.

Alors, frères et sœurs, en cet Avent, il serait peu-être bon que nous nous interrogions nous aussi sur notre manière d’être prophète puisque nous le sommes par notre baptême. Est-ce que la véritable prophétie de notre vie ne serait pas notre joie ?

J’aime cette phrase de Claire de Castelbajac :

« Je veux être la plus heureuse de ma génération ! »

C’est peut-être la phrase la plus prophétique ! car si on y regarde bien, le monde tout entier cherche le bonheur. Rien qu’en l’entendant nommer, tous se soulèvent et regardent nos mains pour savoir si on ne saurait leur donner ce que leur cœur attend, comme le dit Saint Augustin.

Nous voulons tous être heureux, c’est un point commun à tous, les bons comme les mauvais. Le bon veut être heureux et c’est pour cela qu’il est bon, le mauvais veut être heureux, et c’est pour cela qu’il est mauvais. Celui qui va se pendre veut être heureux, et c’est pour cela qu’il se pend, dit le philosophe Pascal.

Quoi donc de plus universel que cette nostalgie du bonheur ? C’est bien ce que nous dit l’Évangile : l’heureux message, c’est le début de la bonne nouvelle chez Saint Marc. C’est également ce que nous dit Isaïe :

« Consolez mon peuple ! »

Cette nostalgie du bonheur – comme le dit le Père Cantalamessa – est un point de contact extraordinaire entre les croyants et les incroyants. Pour ces derniers, c’est l’unique signe qui pourra les remettre en question parce que, à une vie heureuse, on n’a rien à opposer : pas une parole, pas un argument, une vie qui se vit, tout simplement, comme un simple témoignage.

Il faut alors que notre vie soit à la hauteur des attentes de notre monde, surtout des jeunes. Vous le savez bien, notre joie et notre bonheur constituent le témoignage le plus universel, le plus compréhensible et le plus accessible.

Alors, que cet Avent soit un exercice de bonheur et de joie. Deux figures nous sont données pour cela : Jean-Baptiste et la Vierge-Marie.

Jean-Baptiste nous enseigne la rigueur, n’ayons pas peur des mots. Sans rigueur, pas d’espérance, pas de bonheur, parce que notre énergie va se perdre dans les sables. Voyons tous ces égoïsmes, tous ces défauts que l’on s’accorde, nos petites pertes de temps : tout cela représente de l’énergie perdue, de la joie perdue.

Comme le disait la Petite Thérèse de Lisieux justement à ce sujet :

« Quand, dans ma journée, je n’avais pas consenti à tous les sacrifices que le Seigneur me demandait, je savais qu’au soir j’en aurais moins de joie et moins de paix. »

Au désert, Jean nous enseigne aussi la sobriété dans notre monde repus. A ce sujet, je me souviens juste de ces années que j’ai passées en Afrique, de ces villages de brousse où je passais parfois mes vacances, c’était extraordinaire : ces groupes de jeunes ou de moins jeunes si joyeux dans l’obscurité. Il n’y avait pas d’électricité, mais ils riaient et on sentait qu’il y avait une vraie fraternité qui les unissait. Ce sont des sourires lumineux que je ne peux pas dire avoir retrouvés de ce côté-ci de la Méditerranée…

Quand à Elle, la Vierge-Marie nous enseigne la patience. En Elle a été semé le germe du Royaume, l’Enfant-Dieu qui est encore une toute petite cellule fécondée, mais qui va grandir. Il faut du temps pour que ce royaume grandisse en Elle.

Je suis frappé par le témoignage de tous ces jeunes qui ont pris leur vie chrétienne au sérieux. Le premier fruit est que la vie commence à prendre un sens. : il n’est pas absurde, il n’est pas vain d’être sur la terre.
Le deuxième fruit est que la tristesse se retire.

Marie nous enseigne justement à savoir patienter, comme le dit Saint Pierre :

« Dieu prend patience envers vous, il ne veut pas en laisser quelques uns se perdre ! Il veut que nous parvenions à la conversion »

Dieu nous donne du temps pour tous rentrent dans le Royaume, à chacun d’entre nous pour que qu’il atteigne en nous sa plénitude, que nous parvenions à l’état de l’homme parfait, pour que la charité soit parfaite en nous. Il faut viser le Ciel directement sans passer par la case purgatoire !

A ce moment-là, nous comprenons que Dieu nous donne du temps, qu’Il a cette bonté avec chacun d’entre nous. Supplions que nous ayons assez de jours dans notre vie pour aller directement au Ciel. Ayons cette audace, elle est belle !

Pour que le désir soit vrai, il faut aussi qu’il soit persévérant. Ne soyons pas des hommes et des femmes d’un seul jour, d’une seule seconde comme cette rosée qui se dissipe au matin dont parle l’Écriture. Sachons durer pour que la flamme soit intacte, soit plus vive, après des années. Cela voudra dire que l’Esprit-Saint aura pris le relais de notre propre esprit. Dieu vivra en nous, Sa joie grandira et elle l’emportera, elle laissera sa discrète lumière dans nos propres cœurs, et autour de nous. Alors, le Royaume pourra se construire,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 40,1-5.9-11.
  • Psaume 85(84),9ab-10.11-12.13-14.
  • Deuxième lettre de saint Pierre Apôtre 3,8-14.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,1-8 :

Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu.
Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »