Homélie du premier dimanche de Carême

8 mars 2022

En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable.

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Texte de l’homélie

On a parfois l’impression que ce texte qui décrit Jésus au désert est un peu comme un examen de passage pour savoir comment Il va faire, comment Il va affronter les obstacles.
Nous l’avons pour le premier dimanche de Carême, et cela nous renvoie à notre expérience de il y a une tentation qu’il faut de temps en temps dépasser, qu’il faut vaincre. Mais si on est attentif, on voit bien que la tentation est quelque chose qui accompagne toute la vie de l’homme et qui en est un moment important.

En Grec, et en Hébreu aussi d’ailleurs, c’est le même mot « petrasmos » qui dit l’épreuve ou la tentation. C’est la même chose. Et le Seigneur nous invite tout au long de la vie, tout au long de l’évangile, à affronter les difficultés.

Et une grande difficulté de la vie c’est justement que nous passons bien souvent notre temps à éviter les épreuves, du moins à ne pas aller jusqu’au bout, ce que va faire Jésus.

C’est intéressant de voir que dans toute la condition humaine, la vie commence avec une épreuve. C’est le cas d’Adam, et aussi du peuple d’Israël dans le désert : c’est un temps de désert et de tentation - les deux d’ailleurs - dans lequel Adam et Israël vont succomber.

Et le texte nous dit ici que le diable s’éloigna « jusqu’au moment fixé », et ce moment fixé, c’est sur la Croix.

Certes, il y a de multiples tentations, mais la tentation la plus insidieuse pour Jésus, et pour nous souvent, c’est quand elle vient se placer sur la grâce que l’on a reçue, sur ce qui fait que nous sommes uniques, de ce qui nous est donné, de ce qui est précieux.
Qu’est-ce que nous allons faire de ce précieux que le Seigneur nous a donné, qu’Il a mis en nous et qu’Il a fait de nous.

Ici vous avez les trois tentations sur trois lieux le désert : la tentation du désert, la tentation de la montagne, et la tentation du Temple. Trois tentations différentes qu’on va retrouver d’ailleurs d’une même manière à la mort de Jésus sur la Croix dans l’évangile de Luc : par trois fois les gens qui y assistent à la crucifixion, d’abord ses compagnons de d’infortune et bien qui, comme en réponse à cette tentation du désert, demandent du pain, qui demandent toute la satisfaction immédiate, le soulagement immédiat de l’épreuve et de la difficulté en usant directement d’un certain pouvoir :

« Si tu es le fils de Dieu, sauve nous ! »

Et puis, le deuxième c’est les soldats qui se moquent de Jésus :

« Si tu es le roi d’Israël, si tu es le fils de Dieu, descends de la Croix ! »

Puis le troisième, c’est le temple, le prêtres qui sont là et qui demandent :

« Puisque tu es le fils de Dieu, tu en a sauvé bien d’autres ! Alors, sauve-toi toi-même ! »

Il s’agit toujours de toucher. Et, on le voit, c’est dans tout l’arc de la vie de Jésus : au début, à la fin et même au milieu. Dans l’évangile de Matthieu, dans le désert, Jésus dit : « Arrière Satan ! Retire-toi Satan ! », et en plein milieu de l’Évangile, au moment de la confession de foi, c’est la même chose :

« Tu es le fils de Dieu, le fils du Dieu vivant. »

Et puis, Il parle de Sa Croix tout de suite, et Saint Pierre lui dit : « Non ça jamais ! si Tu es le fils de Dieu, Tu dois l’être comme nous le pensons ! » Et Jésus répond à cela :

« Passe derrière moi Satan, retire-toi de devant moi. »

Nous le disons dans le credo, Jésus est descendu aux enfers pour venir nous y chercher. Mais, il ne faut pas croire qu’Il y est descendu aux enfers le samedi. Il est descendu comme Il l’a fait dans le Jourdain, comme Il est descendu dans la condition de pécheur sans être Lui-même pêcheur. Il est descendu dans nos fractures, dans nos fragilités, dans nos incohérences…Et Il est venu vivre avec nous et nous emporter là Haut. Partout où avant dans la Bible, avec Adam, Israël dans le désert etc…, ils avaient achoppé, Il est venu remporter cette victoire pour que nous puissions la remporter à notre tour.

Et cette explication vient tout au long de l’Évangile, et c’est pour ça qu’il nous faut euh il nous faut de manière urgente revenir à la lecture de l’écriture qui est si limpide si on veut bien se donner la peine d’y entrer.

Car, effectivement, on retrouve dans l’évangile de Luc les réponses à ces tentations, les attitudes qui vont nous permettre de vaincre.
Par exemple, pour vaincre cette tentation du pain, avec ce besoin de consommer immédiatement, vous avez le chapitre 12 de Saint Luc qui est consacré tout entier à l’utilisation des biens de ce monde. Il est notamment question de deux frères qui des problèmes d’héritage et demandent à Jésus comment partager et Il répond qu’Il n’est pas venu pour ce sujet là. Puis, il s’agit ensuite du trésor inaltérable, de la vigilance, et de la nécessité de discerner.

Pour la tentation de la montagne, de l’autorité et du pouvoir, nous aurons les chapitres 14 à 17 qui vont commencer par l’accueil des pauvres :

« Invite les pauvres. »
« Donne à celui qui ne peut pas te rendre. »

Puis, dans le chapitre 15, il sera question du pardon.
Les chapitres 16 et 17 indiquent comment se comporter par rapport au pouvoir que donne l’argent avec le riche et Lazare. Et Il termine en conseillant de ne pas se prendre pour des « grands » parce qu’on Le suit.

« Nous ne sommes que des serviteurs ordinaires. »

Nous faisons ce que nous devons, avec ce qui doit couler de notre cœur quand il est rempli de la grâce, mais ce n’est pas la peine de nous prendre pour des héros de séries !

Dans la première tentation du désert, Jésus nous montre que ce qui est important, c’est le partage. C’est dans cette aide qu’Il nous donne pour sortir de ce pouvoir et de cette autorité viciée, c’est d’utiliser la suprême autorité qui se trouve dans est le pouvoir de pardonner. C’est le pouvoir de délier, de ne pas être enfermé dans le mal.

Et ensuite, il y a les chapitres 17 à 21 qui parlent de cette montée de Jésus à Jérusalem, de la venue du règne etc… Jésus arrive dans le Temple, dans cette intimité où Il révèle justement comment Il est élu. Il nous montre ainsi cette patience de savoir attendre pour discerner le moment de Dieu et non pas d’agir simplement de notre propre chef, de notre propre maîtrise pour notre propre gloire.

Et en ce début de Carême, avec ces injonctions et ces invitations au pardon et au partage, au pardon et à la patience, nous avons les outils qu’il nous faut pour avancer. Il est donc important de ne pas fuir la tentation.

Quand à Jésus, Il va au désert, et il est accompagné de l’Esprit Saint. Et comme le racontent aussi tous les moines du désert, à commencer par Saint Antoine qui prend conscience que c’est pas tout seul qu’il lutte, c’est parce que le seigneur a remporté le combat.
Et on va demander que le Seigneur remporte en moi la victoire. Je ne trouve pas abandonné tout seul, mais il s’agit vraiment de s’ouvrir à sa grâce. Et là, dans l’évangile, Il vient de nous en donner les moyens.

Une dernière chose, une clé que nous donne la première lecture d’aujourd’hui avec ce don des prémisses. Effectivement, le peuple d’Israël est arrivé et confortablement entré après bien des épreuves - qui ont été dépassées et même si elles ont été longues - dans la terre de Canaan qui devient Israël, puis il s’installe. Et comme nous tous qui, une fois que nous nous installons, nous relâchons et prenons nos aises et nous pensons que nous sommes arrivés.
Et ici, il y a ce rite des prémisses - ici les prémices des fruits mais vous trouverez des tas de prémisses - offerts tout au long de premiers livres de la bible, dans la Torah. Mais ces prémisses sont autant de pratiques qui ont pour but d’exalter la générosité, de ne pas oublier d’où tu viens, de ne pas oublier ces batailles ont été gagnées sur les tentations.

Voilà, ils ne voient plus parce qu’ils sont dans un pays où ruissellent le lait et le miel. Leur cœur se relâche et c’est finalement de nouveau cette vie où l’homme est un loup pour l’homme, où on ne s’occupe pas des pauvres, où grandit la disparité.

Mais, rappelle-toi d’où tu viens ! Ton père est un Araméen errant comme Caen, qui est descendu en Egypte, qui n’était rien du tout quand il est descendu et puis qui est devenu un peuple puissant. Il s’est fait prendre dans les rets justement de cette installation et qui est devenu esclave, qui a eu du mal mais que le Seigneur est venu faire sortir.

Cette mémoire de la Pâque, cette mémoire de cette libération dit que le Seigneur nous donne.

Bien sûr, pour être Chrétien, pour commencer à témoigner, il nous faut faire mémoire. Jésus est le Sauveur : de quoi nous sauve-t-Il ? de quelles ténèbres nous sauve-t-Il ?
C’est bien dans cette expérience fondamentale que nous rencontrons le Seigneur. Et toute notre prière est de l’appeler « au secours », de Lui demander Sa grâce. Ce sont parfois des appels qui nous demandent d’aller jusqu’au bout, encore une fois, d’affronter le mal.

Et d’ailleurs, pour nous prouver que ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire, Jésus nous le montre bien dans sa prière qui est devenue notre prière. Et la dernière demande « ne nous laisse pas entrer en tentation » signifie « ne nous laisse pas nous perdre à l’intérieur de la tentation, mais délivre nous du mal »… C’est vraiment « de tout ». Et le mal, ce n’est pas simplement des préceptes. C’est tout ce qui barre la vie, ce qui barre la communion, ce qui barre la joie et la paix, l’harmonie et le pardon. Il faut leur redonner une place à chacun.

Alors, demandons cette grâce de regarder Jésus, de nous laisser accompagner dans nos épreuves par Jésus. Il est là, Il veille et toute la vie de Jésus. On pourrait le voir au début, à la fin et au milieu et même tout ce que va faire Jésus montre cette volonté de donner le pardon et de guérir. On le constate à chaque fois : c’est cette lutte contre le mal parce que Dieu qui est le bien « diffusif » de soi, qui donne ce bien, veut que nous recevions Sa grâce et que nous soyons libérés et que nous puissions communiquer aux autres sans attendre. Il veut que nous puissions communiquer cette grâce qu’Il a mis dans nos cœurs.

Alors, avec eux tous ceux qui sont venus ici apporter leurs prémisses, nous venons apporter nos offrandes à l’autel à travers ce pain et ce vin. Apportons aussi notre cœur, apportons ce que nous sommes, rendons grâce et faisons mémoire de cette mort et de cette résurrection pour nous relever et pour vaincre tous ceux qui menacent cet intime du cœur que le Seigneur a mis en nous, cette beauté qu’Il a mis en nous et que bien souvent nous ne savons plus voir ou que nous avons maltraitée, que nous avons gâchée.
Mais, c’est Lui-même qui vient nous restaurer - dans tous les sens du terme – nous restaurer par la communion à Son corps et Son sang, nous restaurer pour refaire de nous ce temple du Seigneur où chacun pourra venir trouver la grâce,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre du Deutéronome 26,4-10.
  • Psaume 91(90),1-2.10-11.12-13.14-15ab.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 10,8-13.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4,1-13 :

En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le diable lui dit alors :
— « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
Jésus répondit :
— « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »

Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.
Il lui dit :
— « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Jésus lui répondit :
— « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »

Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui fit cette réponse :
— « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »

Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.