Texte de l’homélie
Quel est le premier des commandements ? On se rappelle de ces paroles :
« Sh’ma Israël, Adonaï elohenou, Adonaï ehad. »
« Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un. »
L’écoute
C’est bien avec cette parole que commence cet évangile que nous venons d’entendre :
"Mes brebis écoutent ma voix. »
Vous le savez, le quatrième dimanche de Pâques, on prie de façon plus particulière pour les vocations sacerdotales et religieuses. Et c’est heureux de voir que cet évangile commence par le sujet de l’écoute. Car, si l’on ne peut pas vraiment dire qu’il y a une crise des vocations, il est certain qu’il y a une crise de l’écoute, il y a une difficulté à écouter la Parole du Seigneur, à se laisser rejoindre par elle.
Il est également assez intéressant de voir que, en Hébreu, le verbe écouter se dit – ou a à voir avec le fait de - « lever les yeux vers plus grand que soi », « lever les yeux vers le haut ». Au fond, écouter, c’est se laisser déplacer intérieurement, se laisser bousculer. Et certainement, la difficulté de notre société moderne a à voir avec la difficulté à répondre à l’appel.
Il n’y a pas de crise de l’appel, il y a une crise de l’écoute.
Écouter n’est pas simple. Il s’agit d’accueillir la Parole de Dieu et vous le voyez, dans une célébration eucharistique, qui est le logiciel même de la vocation, c’est la manière d’appeler que le Christ emploie : nous avons commencé par écouter la Parole de Dieu. Ensuite, Il fait appel à notre regard : nous regarderons Celui qui Se donne à nous, Celui qui est vraiment Dieu et qui se donne dans le pain et le vin consacré.
Il est intéressant de dire que chacun de nous, nous sommes invités à nous laisser transporter intérieurement, à nous laisser nous déplacer intérieurement pour pouvoir écouter cette parole de Dieu, rentrer dans une forme d’intériorité.
Il n’y a pas de crise des vocations, il y a une crise d’intériorité… Et c’est parce que nous avons du mal à rentrer à l’intérieur de nous mêmes que nous avons du mal à répondre aux appels.
Les appels
Il existe toutes sortes d’appel : l’appel à la vie religieuse et sacerdotale, ces appels où la vie bascule, mais il y en a beaucoup d’autres. Frères et sœurs bien-aimés, nous qui sommes ici pour vivre cette célébration, nous y avons été appelés. Nous ne serions pas ici si, d’une manière ou d’une autre, nous n’avions pas reçu un appel.
Nous - comme religieux - l’appel qui fait que la vie bascule, vous - comme fidèles – l’appel à venir nous accompagner dans la prière. D’une manière ou d’une autre, si nous sommes ici, c’est que nous avons reçu un appel du Seigneur. Et répondre à un appel du Seigneur, c’est rentrer dans une vie intérieure.
L’intériorité
L’intériorité est vraiment importante car c’est comme ça que le chemin de la vocation se fait : par l’intériorité, on découvre en soi-même plus grand que soi-même. C’est le propre de la vie chrétienne : prendre conscience qu’en nous-même, habite plus grand, quelque chose qui a à voir avec le Royaume de Dieu, le fait de lever les yeux vers le Seigneur, le fait de nous laisser déplacer intérieurement, le fait d’aller vers l’invisible.
L’invisible est aussi ce qui fait nous avons une raison d’être dans cette chapelle. C’est parce que l’invisible est au rendez-vous que nous sommes ici.
Oui, frères et sœurs bien-aimés, le fait d’accepter ce regard intérieur, de se laisser bousculer, de privilégier une dimension contemplative dans notre vie fait qu’on va répondre aux différents appels qui nous ont été lancés.
Certainement, nous sommes invités à prier pour les vocations, à avoir une vie intérieure et contemplative. Et l’on voit bien la signification de cette phrase de Bernanos dans La France contre les robots. Il disait :
C’était en 1946 et on peut se demander quel commentaire en ferait-il aujourd’hui ?
Il est vrai que l’intériorité est un combat : sortir de chez soi et de se rendre dans un lieu de culte est parfois de l’ordre du combat. Si ce n’était pas le cas, tout le monde y courrait. Pourtant, nombre de nos contemporains ont d’autres activités : laver la voiture, courir les brocantes, faire du sport…
Mais nous avons choisi l’invisible, de lever notre regard vers le Seigneur, d’écouter Sa parole, de nous laisser déplacer intérieurement. Et parce que nous avons choisi ce mode de vie, car il nous emmène plus loin que nous-mêmes, nous sommes dans une attitude contemplative qui nous aide à découvrir que nous sommes habités par une présence.
La présence
C’est certainement cette question de la présence qui est au cœur de notre vie chrétienne. Le Chrétien se sait habité par une présence. Il n’est ni mieux ni moins bien qu’un autre, il est comme les autres, mais il sait qu’en lui-même, il y a quelqu’un qui habite. Et la dimension contemplative nous emmène justement dans cette habitation intérieure, cette inhabitation – mot compliqué que l’on pas beaucoup l’habitude d’entendre. Cette inhabitation de la Trinité en nous fait que nous découvrons que nous sommes appelés intérieurement à quelque chose de plus grand que nous-mêmes.
Certainement, cette question du regard est quelque chose de très important dans l’appel. L’appel est une certaine manière d’envisager événements et personnes. Et c’est pour cela que la messe à laquelle nous participons est une manière d’envisager notre existence et nos relations : nous nous tournons vers un regard, ce regard que nous avons envers l’Eucharistie, et c’est avec ce regard que nous avons envers le Seigneur.
Nous le savons, la Foi c’est le cheminement du regard : se laisser intérieurement à évaluer événements et personnes de façon différente que les autres hommes et femmes de notre temps le font. Pour nous, ces événements et ces personnes sont des signes de la présence de Dieu.
Nous sommes habités par les signes de la présence de Dieu. Cette présence de Dieu est là à nos côté et en même temps, elle n’est pas extérieure à nous-mêmes. Nous le savons, cette parole habite notre cœur et elle est intérieure.
Ainsi découvrir l’appel du Seigneur, c’est rentrer dans cette intériorité, dans cette attitude qui fait que je renonce à une forme d’extériorité, de force centrifuge. Je renonce au fait d’être analphabète de moi-même, car c’est ce que la société actuelle nous propose : elle nous emmène loin de nous-mêmes et de cette vie intérieure.
Mais si nous avons fait le choix aujourd’hui de venir dans cette chapelle, c’est parce que nous avons répondu à l’appel. Le fait d’être membre de cette assemblée est notre manière de montrer que la vie intérieure est fondamentale dans notre vie. Elle trace une manière de vivre et nous emmène bien plus loin que la manière humaine de voir. Cela nous permet de répondre aux appels du Saint-Esprit.
« Sh’ma Israël, écoute Israël ! »
« Mes brebis écoutent ma voix et moi je les connais. »
Oui, frères et sœurs bien-aimés, à travers cette écoute de cette parole de Dieu, nous sommes invités à découvrir que nous sommes dans une attitude de progression spirituelle. C’est vrai que de rentrer dans une logique, une culture de l’appel, c’est choisir de progresser spirituellement. Au fond, le fait de progresser spirituellement, c’est rentrer dans l’intimité plus intérieure à nous-même que nous-même, rentrer dans une attitude de découverte de la présence de Dieu en nous, de cet appel du Saint Esprit en nous.
C’est vrai que c’est un cheminement et un combat intérieur : nous avions tant d’autres choses à faire ce matin que d’être ici présents dans cette chapelle, tant d’autres occupations, tant d’autres activités à réaliser… Mais non, nous avons choisi d’être là parce que la vie intérieure compte pour nous.
Alors, demandons au Seigneur qu’il nous accorde des grâces particulières pour répondre à l’appel. Que dans nos familles, cette question de l’intériorité soit valorisée, que la question de l’appel à la vocation sacerdotale et religieuse soit valorisée. Aujourd’hui, on le voit, les vocations naissent là où il y a un terreau chrétien, là où il y a une famille chrétienne, là où il y a un vrai désir de Dieu. Certes, parfois, elles naissent en dehors de ces milieux, mais la plupart du temps, c’est là où elles sont attendues que des vocations naissent.
Alors, en ce dimanche des vocations, demandons au Seigneur d’être des témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 13,14.43-52.
- Psaume 100(99),1-2.3.5.
- Livre de l’Apocalypse 7,9.14b-17.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 10,27-30 :
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »