Homélie du quatrième dimanche de Pâques

9 mai 2022

« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. »

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Texte de l’homélie

Bien chers frères et sœurs, vous le savez, ce quatrième dimanche de Pâques est le dimanche du Bon Pasteur, jour où nous avons l’habitude de prier pour les vocations à la vie consacrée et au sacerdoce. C’est donc la journée de l’Appel, la journée des vocations, la journée de la Mission.

Un appel extérieur ?

Même si cette présentation paraît très claire, il faut bien admettre que cet appel risque fort de nous brusquer. Cela peut aussi faire penser à l’appel qui est fait au début du cours, ou même celui effectué dans la cour de la caserne… Ce n’est somme toute pas si réjouissant, et cela peut même faire peur. Cet appel retentit comme la voix extérieure du sous-officier ou du professeur, et j’ai tout lieu de m’y dérober.

Souvent, quand on parle d’appel, tout le monde se terre, se cache. Il y a cette crainte que l’appel du Seigneur s’oppose à mes désirs les plus profonds : ce n’est pas pour moi car cela suppose le sacrifice de ce que j’ai de plus cher et de plus intime, il me repousse, voire me révolte.

Comme vous le voyez, il manque une étape. Quelque chose d’autre se passe avant d’entendre l’Appel : c’est d’entendre la voix, la voix de Dieu.

Entendre la voix

La voix de Dieu ne nous dit rien dans un premier temps. Elle est comme la voix du papa qui tente de console le tout petit : il n’est pas capable de comprendre ce qu’il veut lui dire, mais il saisit sa présence, il sent sa bienveillance et son affection.

C’est justement ce que chaque jeune qui est appelé à suivre le Seigneur doit pouvoir faire, quelque soit son chemin : entendre cette voix, se laisser toucher par cette affection qui va le rejoindre dans les strates très profondes de son affectivité.

La Bible connaît cette voix :

« Aujourd’hui, si vous entendez sa voix. »

Et aujourd’hui plus que jamais, le Christ nous le redit :

« Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. »

Les brebis écoutent non pas l’appel mais la voix.

Chers jeunes, chers frères et sœurs, cette voix se fait entendre gratuitement. Elle ne va pas d’abord nous demander la conversion ni de nous engager dans un état de vie. Elle va s’offrir à nous dans la gratuité d’un amour, de l’amour du Père que le Seigneur nous révèle.

Cet appel est dynamique

Le Seigneur nous dit quelle est la caractéristique de cette voix :

« Je connais mes brebis et je les appelle par leur nom. »

Le Seigneur prononce notre nom. Cela veut dire qu’Il sait qui je suis en profondeur, et Lui seul le sait. Il va dire quelle est ma singularité qui m’échappe, tant qu’elle n’est pas prononcée par le Christ.

Tant de gens recherchent qui ils sont et font beaucoup d’études pour cela, jusqu’à en désespérer parfois… Le Seigneur prononce mon nom, et l’énigme de ma propre singularité s’évanouit à mes propres yeux. Oui, si j’entends mon nom prononcé par le Christ, c’est que nous sommes suffisamment proches Lui et moi, c’est l’indice qu’Il s’est approché au plus près de moi.

Pour illustrer cela, je voudrais partager une expérience que j’ai faite : lors des JMJ de Paris en 1997, j’ai été frappé par le regard du pape Jean-Paul II au moment de son passage. Il semblait connaître intimement chacun d’entre nous. Il avait une grâce très particulière de paternité qui s’adressait à chacun. C’était vraiment le bon pasteur. Il s’était approché de nous et il pouvait nous regarder aussi personnellement que s’il avait prononcé notre nom. Beaucoup en étaient bouleversés.

A plus forte raison, si le Christ connaît mon nom, c’est aussi qu’Il peut dire quelles sont mes potentialités, quel est l’avenir que je recèle à l’intérieur de moi-même.

Le pape François a donné un très beau message pour cette journée des vocations. Il cite la grand artiste Miquel Ange :

« Chaque bloc de pierre renferme une statue, mais c’est au sculpteur de la découvrir… »

Et le pape François poursuit :

« Si tel est le regard de l’artiste, c’est bien encore plus de cette manière que Dieu nous regarde : dans cette fille de Nazareth, il a vu la Mère de Dieu ; dans le pêcheur Simon, fils de Jonas, il a vu Pierre, la pierre sur laquelle il a construit son Église ; dans le publicain collaborateur des Romains, Lévi, il a vu l’apôtre et évangéliste Matthieu ; dans Saul, le dur persécuteur des chrétiens, il a vu Paul, l’apôtre des païens. »

Chers jeunes, dans chacun d’entre vous, Dieu voit celui que vous pouvez être. En Marie de Nazareth, Il a vu la mère de Dieu. En Pierre, ce patron des gaffeurs et cette grande gueule un peu caractérielle, Il a décelé le rocher sur lequel Il construit l’Eglise ! Il a perçu en Matthieu, ce collecteur d’impôts proche de ses sous, cet évangéliste, cet homme plein de zèle. Il a vu dans Saül, le dur, le persécuteur, celui qui aura ces entrailles infiniment tendres pour toutes les Eglises qui lui seront confiées…

Ainsi, le Seigneur voit en d’entre-nous, en chacun d’entre-vous chers jeunes. Au-delà de vos petitesses et de vos découragements, vous êtes grands au regard de Dieu.

Mais, il faut aller plus loin car, si le Seigneur voit tout cela en nous, tout reste à faire !

En route !

Ce n’est pas parce qu’Il a perçu toutes ces belles choses que je pourrais être que cela va se déployer du jour au lendemain. Il y a un certain travail à faire, il faut retrousser nos manches, mais je crois profondément que nous avons envie d’être celui que le Seigneur nous appelle à être.

Certes, il y a ce désir d’excellence, nous avons tous envie de valoir quelque chose et de sortir de la médiocrité. Mais, à travers l’intimité que nous avons avec le Seigneur dans cette vie de prière profonde, nous avons perçu une des facettes du regard du Christ, un des traits de Sa personnalité, et on veut la reproduire.

Nous aimons le Christ et quand on aime, on imite. Puissions-nous aimer profondément le Christ et l’imiter dans notre singularité, dans le style qui est le nôtre.

Et c’est là que finalement, le service que chacun d’entre vous pouvez rendre, chers jeunes : donner au monde ce visage de Dieu qu’Il vous appelle à reproduire. Vous êtes le seul, la seule à pouvoir le faire.

Enfin, si on perçoit cet appel dans la prière, si cet amour nous est donné par le Christ qui nous motive pour l’imiter, soyons réalistes au sujet de la naissance d’une vocation. Une vocation naît car elle est incarnée dans un homme ou une femme représentant l’idéal du Bon Pasteur, l’idéal de l’âme qui se donne à Dieu entièrement.
Voyant cet idéal incarné, nous avons envie de le reproduire à notre tour. Il est difficile de se mettre en route si nous n’avons pas cet exemple autour de nous. Pour beaucoup d’entre nous, frères sjm, prêtres et consacrées pourraient dire la même chose : c’est une figure de prêtre une figure de consacré qui nous a mis en route.

Voici pourquoi chers frère et sœurs, je vous demande particulièrement aujourd’hui de prier pour vos prêtres et vos consacrés, pour qu’ils puissent transmettre l’attraction que le Seigneur Lui-même exerçait sur ceux qui l’entouraient, Lui qui, élevé de terre, attirait à Lui toute chose. Oui, priez pour notre conversion, et nous, convertissons-nous pour que nous ne souillons pas cette eau très pure de la grâce que le Seigneur a mis dans notre cœur et qu’Il nous demande de transmettre. Cette eau pure qui dit et qui murmure à chacun d’entre vous selon votre état de vie :

« Viens vers le Père. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 13,14.43-52.
  • Psaume 100(99),1-2.3.5.
  • Livre de l’Apocalypse 7,9.14b-17.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 10,27-30 :

En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »