Homélie du quatrième dimanche de l’Avent

6 janvier 2017

‘Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel’, qui se traduit : « Dieu-avec-nous »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, avez-vous déjà prié Saint Joseph ?

Et si oui, quand l’avez-vous prié pour la dernière fois ? L’Évangile que la liturgie nous offre aujourd’hui est une belle invitation à le prier.
En effet, il nous présente Joseph dans un moment très délicat. Il avait fait des projets et voici que Dieu vient les bousculer :

« Marie, la Mère de Jésus avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. » (Mt 1, 18)

Que doit-il faire : continuer son chemin avec Marie ou se séparer ?
Puisque vous êtes venus passer ce week-end pour discerner s’il vous faut avancer vers le mariage ou non, il me semble que l’exemple de Joseph peut vous aider dans l’étape où vous êtes.
Je retiendrai trois points d’abord que le discernement a une dimension éminemment personnelle. Il faut voir aussi dans le discernement une occasion de croissance. Et enfin, ne jamais oublier de voir qu’un bon discernement porte de beaux fruits.

Le discernement a une dimension éminemment personnelle

Joseph est très proche de Marie. Mais cela ne le dispense pas de réfléchir, de se creuser la tête pour discerner la volonté de Dieu. Bien entendu, il est bon de demander conseil pour discerner sa vocation, pour discerner la volonté de Dieu. Mais personne ne pourra décider à notre place. Chacun est amené à interroger sa conscience pour savoir ce à quoi Dieu l’appelle. Joseph a dû affronter une certaine solitude.
D’ailleurs, il est intéressant de voir que Marie et Joseph ont chacun leur annonciation. Saint Luc nous présente l’annonciation à Marie, saint Matthieu l’annonciation à Joseph. Dans l’évangile de saint Luc, nous voyons que Dieu s’adresse immédiatement à Marie sans passer par Joseph, sans lui demander son avis. Et Marie, sans consulter Joseph, donne sa réponse à Dieu.

« Lorsqu’il se rend compte que Marie est enceinte, Joseph est un peu perdu : d’un côté, il a confiance en Marie ; d’un autre côté, il sait très bien que l’enfant que porte Marie ne vient pas de lui : Il en est déconcerté. L’évangile n’explique pas quelles ont été ses pensées, mais il nous dit l’essentiel : il cherche à faire la volonté de Dieu et il est prêt au renoncement le plus radical. » (Pape François, Angélus du 22 décembre 2013)

Joseph est déjà engagé vis-à-vis de Marie. Il faut savoir que les fiançailles juives étaient un engagement si réel que le fiancé était déjà appelé “mari” et ne pouvait se dégager que par une “répudiation” (v. 19). Joseph aime Marie et c’est réciproque. Ce n’est pas le vieillard que l’on représente parfois en pensant que cela protégerait la virginité de Marie.

On a beaucoup insisté sur le fiat de Marie. N’oublions pas que le oui de Joseph est lui-aussi indispensable pour l’accomplissement de l’incarnation. Il est vrai que ce “oui” est second mais il n’en est pas moins essentiel : en prenant Marie chez lui, il donne à Jésus une famille et soustrait Marie à la lapidation.

Dieu n’attend pas de nous un consentement passif mais un consentement vraiment actif. Dieu n’attend pas de nous seulement un « nihil obstat » (je n’y vois pas d’inconvénient) ; Il désire que nous soyons vraiment acteurs de notre vie. Autre chose est de ne pas dire « non », autre chose est de dire « oui ».
Dieu nous veut vraiment partie prenante et non pas des marionnettes.
Dieu nous respecte profondément comme il a respecté Joseph.

Pas seulement un discernement à poser mais un mûrissement à opérer

Ce temps de discernement est un temps d’épreuve mais aussi un temps de mûrissement. Il est important de voir l’aspect positif de ces périodes très inconfortables.

Nous pourrions nous dire : "pourquoi Dieu n’a-t-il pas envoyé son ange plus tôt ?"
C’est que Dieu se sert de ces situations difficiles pour nous obliger à un approfondissement humain et spirituel. Pour certains, cela peut être le temps de guérison de certaines blessures.
Ici, il s’agit d’avantage d’un mûrissement dans la foi.

L’un des pièges possibles dans ces situations, c’est de tomber dans l’accusation ou le ressentiment. Il n’est jamais facile de souffrir et cela peut se tourner en agressivité. Joseph n’entre pas dans une attitude de reproche à l’égard de Marie. Ce n’est pas de sa faute ! Des questions oui, du ressentiment non !
Comme le dit le Pape François :

« Joseph ne s’est pas obstiné à suivre son projet de vie, il n’a pas laissé la rancœur empoisonner son esprit, mais il a été prêt à se mettre à la disposition de la nouveauté qui lui était présentée d’une façon déconcertante. C’était un homme bon. Il n’avait pas de haine, et il n’a pas permis que la rancœur empoisonne son âme ! Cela fait du mal. Ne le permettez jamais ! Il est en cela un exemple.
Et c’est ainsi que Joseph est devenu encore plus libre et encore plus grand. » (Pape François, Angélus du 22 décembre 2013)

L’évangile nous dit quelque chose des dispositions intérieures de Joseph. Il veut être cohérent avec lui-même. En même temps, il ne veut pas faire le moins de tort possible à Marie.
Pourquoi une répudiation secrète sinon pour éviter que Marie soit lapidée (cf. Dt 22, 20s). Il y a le choix - la répudiation -, mais aussi les modalités du choix - en secret ou en public.
Joseph est attentif à ne pas blesser Marie. Il est prêt à un énorme sacrifice, car il aime vraiment Marie.

Dans ce discernement, nous pouvons voir une parenté spirituelle entre Joseph et Abraham.
Il est vraiment dans la ligne d’Abraham, notre Père dans la foi. Le livre de la Genèse nous dit que Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il lui dit :

« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai. » (Gn 22, 2)

Et Abraham se mit en route à la fois la mort dans l’âme comme on peut l’imaginer mais confiant encore en la Providence de Dieu puisqu’il répond à son Fils :

« Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste, mon fils. » (Gn 22, 8)

Toujours est-il que ce n’est pas avec gaieté de cœur que Joseph se résout à répudier Marie. _ C’est précisément au moment où il va mettre ce projet à exécution que Dieu se manifeste à lui.
Cela nous rappelle le sacrifice d’Isaac : au moment précis de ce passage de l’Ancien Testament :

« Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils, (…) l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : ’Abraham ! Abraham !’
Il répondit : ’Me voici !’
L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » (Gn 22, 10-12)

Saint Joseph obéit sans discuter.
Quelquefois il nous arrive de discuter plutôt que d’obéir avec promptitude. Il peut y avoir une certaine arrogance dans notre manière de poser des questions à Dieu. Mais on ne voit rien de cela en Joseph. Bien au contraire, comme le dit le Pape Paul VI :

« Nous voyons en saint Joseph une étonnante docilité, une promptitude exceptionnelle d’obéissance et d’exécution. Il ne discute pas, n’hésite pas, ne fait pas intervenir des droits ou des aspirations…
Joseph accepte son destin parce qu’il lui a été dit : "Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint."
Et Joseph obéit. » (Paul VI, 19 mars 1968).

Saint Jean-Paul II va dans le même sens :

« Même dans les moments difficiles et parfois dramatiques, l’humble charpentier de Nazareth ne s’arroge jamais le droit de mettre en discussion le projet de Dieu. Il attend l’appel d’en-haut et, en silence, il respecte le mystère, se laissant guider par le Seigneur. Une fois sa tâche reçue, il l’exécute avec une responsabilité docile : il écoute l’ange avec attention lorsqu’il s’agit de prendre la Vierge de Nazareth comme épouse (cf. Mt 1, 18-25), lors de la fuite en Égypte (cf. Mt 2, 13-15) et du retour en Israël (cf. Ibid. 2, 19-23). » (Jean-Paul II, 19 mars 2003)

Ce discernement porte des fruits.
L’obéissance à Dieu porte des fruits et ils dépassent largement ce que Joseph aurait pu imaginer. Voici ce que Dieu déclare après le sacrifice d’Isaac :

« Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance occupera les places fortes de ses ennemis.
Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. » (Gn 22, 16-18)

De même que l’obéissance d’Abraham est source de bénédictions, ainsi en est-il de l’obéissance de Joseph. Après cette épreuve, Joseph sait que Marie n’est pas seulement une femme extraordinaire qu’il admirait déjà, mais la mère du Sauveur, la mère de l’Emmanuel, Dieu-avec-nous.
Il lui revient de donner le nom au Fils de Dieu fait chair. Il assume la paternité du Fils de Dieu lui-même. En lui donnant son nom, Joseph fait de Jésus un être social ; c’est par lui que Jésus prend place dans une lignée. L’enfant est né de Marie, mais c’est bien le nom et la personne de Joseph qui l’inscrivent dans une généalogie.
D’ailleurs, il est intéressant de voir que lorsque les gens se posent des questions sur Jésus, ils se réfèrent souvent à Joseph :

« N’est-il pas le fils du charpentier ? » (Mt 13, 55 ; Mc 6, 3)
« On le croyait, fils de Joseph. » (Lc 3, 23 ; cf. Lc 4, 22 ; Jn 1, 45,46 ; Jn 6, 42)

Joseph sera le protecteur du Dieu tout-puissant ! C’est à lui que l’ange apparaîtra pour lui demander de partir en Égypte puis de revenir. Et son rôle auprès de Jésus ne se limite pas au domaine matériel. C’est aussi sa personnalité masculine qui permettra à la personnalité humaine de Jésus de se développer harmonieusement.
Ceci dit, le rôle de Joseph est assez caché. Il est vraiment au service de Jésus et de Marie. Sa mort même se situe dans cette logique : on ne sait rien sur la mort de Joseph. On suppose qu’il est mort avant le début de la vie apostolique de Jésus.
Mais ce silence est significatif : Joseph n’a jamais voulu occuper le premier plan. C’est le serviteur inutile, le serviteur fidèle.
Dans le monde actuel, il nous est souvent difficile d’avoir des missions cachées. Saint Joseph nous apprend à vivre notre vie quotidienne avec tout ce qu’elle comporte de banal et routinier.

Chers frères et sœurs, au terme de cette méditation sur Saint Joseph, je ne peux que vous encourager à avoir recours à lui dans la prière.
Mais avant même de recourir à lui dans les difficultés, je vous invite à l’aimer et à l’imiter. Il se met vraiment dans une attitude de serviteur à l’égard de Dieu, à l’égard de Jésus et de Marie. C’est le secret de son bonheur. Il nous montre que servir Dieu ne rend pas malheureux, bien au contraire.

Et pour terminer, prenons aussi pour nous la parole qui est adressée à Joseph :

« Ne crains pas de prendre Marie chez toi. »

C’est aussi ce que fera Saint Jean près de la Croix de Jésus. Il prendra Marie chez lui. Je vous l’assure : nous nous en trouverons bien,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 7,10-16.
  • Psaume 146(145),7.8.9ab.10a.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 1,1-7.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 1,18-24 :

Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ;
elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
‘Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel’, qui se traduit : « Dieu-avec-nous »
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.