Homélie du septième dimanche de Pâques

24 mai 2020

« Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »

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Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, cela fait plaisir de vous voir !
La dernière messe publique à l’abbaye était le samedi 29 février : trois mois sans pouvoir célébrer la messe avec vous… Les moyens modernes de communication ont été précieux pendant toute cette période mais ils ne remplacent pas le contact direct. On ne peut pas recevoir les sacrements par internet. Les sacrements, qui sont des signes visibles d’une grâce invisible, ne peuvent pas être donnés à distance. La communauté chrétienne a besoin de se retrouver très concrètement.
Comme le disait très bien le Pape François le 17 avril dernier :

« L’idéal de l’Église est toujours avec le peuple et avec les sacrements. Toujours. (…)
Attention à ne pas virtualiser l’Église, à ne pas virtualiser les sacrements, à ne pas virtualiser le peuple de Dieu.
l’Église, les sacrements, le peuple de Dieu sont concrets. »

En me laissant guider plus particulièrement par les Actes des Apôtres, je voudrais méditer avec vous sur le changement qui s’est opéré dans la prière des apôtres après l’Ascension. Pour mieux mémoriser, je retiendrais trois mots : intériorité, communauté, divinité.

Intériorité

Peut-être ne mesurons-nous pas toujours le bouleversement que l’Ascension a produit dans la vie spirituelle des apôtres ? S’adresser à Jésus qui était présent physiquement et s’adresser à Lui après l’Ascension est complètement différent.
Qu’est-ce que font les apôtres après l’Ascension ? Ils montent dans la chambre haute. Dans les Actes des Apôtres, ils ont souvent ce réflexe de se mettre en prière. La prière est un lieu privilégié où ils sont en communion avec Celui qu’ils ont connu et aimé. Ils savent que Jésus est bien présent.
Les jours qui suivent l’Ascension sont vraiment une plongée dans la prière, une éducation à l’intériorité. Il est tellement important de ne pas se limiter à ce que nous percevons de manière sensible mais de faire une vraie expérience de foi. Dans ce chemin d’intériorité, la Parole de Dieu a une place très particulière : elle est notre guide privilégié pour connaître Dieu et Sa volonté sur nous. Quand la Parole de Dieu nous parle de « connaître » Jésus, il ne s’agit pas simplement d’une connaissance intellectuelle mais d’entrer dans une intimité avec Lui.
Il s’agit de vivre de cette communion intime avec le Christ avant d’aller témoigner de Lui. Il ne s’agit pas simplement d’annoncer la nouvelle de la résurrection mais d’inviter à entrer en communion avec le Seigneur ressuscité qui nous donne Son Esprit.
Ils ne parlent pas tant de la résurrection que du Seigneur ressuscité.

Jésus avait lié le don de l’Esprit Saint à la prière :

« Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 13)

Il avait lié ce don non seulement à notre prière, mais aussi et surtout à la Sienne, en disant :

« Moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet. » (Jn 14, 16)

C’est le sens aussi de la prière sacerdotale de Jésus que nous avons entendue aujourd’hui.
Dans les Actes des Apôtres, la venue de l’Esprit Saint est toujours mise en relation avec la prière. Saul « était en prière » quand le Seigneur lui envoya Ananie lui rendre la vue et lui communiquer l’Esprit Saint (cf. Ac 9, 9-11).
Après l’arrestation et la libération de Pierre et de Jean, la communauté était en prière :

« A la fin de leur prière, le local où ils se trouvaient réunis fut ébranlé ; ils furent tous remplis du Saint Esprit » (Ac 4, 31)

Quand les apôtres apprirent que la Samarie avait accueilli la Parole, ils envoyèrent Pierre et Jean ; eux « une fois arrivés prièrent pour qu’ils reçoivent l’Esprit Saint » (Ac 8, 15). Lorsque, à la même occasion, Simon le magicien essaya d’obtenir l’Esprit Saint en offrant de l’argent, les apôtres réagirent avec indignation (cf. Ac 8, 18 ss).
L’Esprit Saint ne peut s’acheter, on ne peut que l’implorer par la prière.

Communauté

Cette intériorité va de pair avec la communion fraternelle.

« D’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » (Ac 1, 14)

Dans les actes des apôtres, nous voyons combien il est important de se retrouver en communauté. Jésus l’avait déjà dit :

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 20)

Ils l’ont expérimenté le soir de Pâques :

« Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » » (Jn 20, 19)

C’est une expérience fondatrice qu’ils vont renouveler à de multiples reprises dans les Actes des Apôtres : se retrouver en communauté au nom de Jésus.
Cette communion fraternelle est essentielle pour se préparer à recevoir le don de l’Esprit Saint. Jésus avait dit que pour présenter devant Dieu son offrande, il fallait être réconcilié avec son frère (cf. Mt 5, 23). Saint Paul exhorte les chrétiens à être bien d’accord les uns avec les autres « pour rendre gloire à Dieu d’un même cœur » (la même expression que celle d’Actes 1, 14 !) et « d’une seule voix » (Rm 15, 5-6).
Quand on prie d’un seul cœur, personne ne prie exclusivement pour soi, mais chacun prie pour tous et c’est du corps tout entier que la prière monte vers Dieu. Et puisque chacun prie pour tous, tous prient pour chacun : c’est le miracle de la charité qui multiplie la force de la prière.

Dans le cénacle, nous voyons qu’il y a des personnes diverses : des hommes et des femmes, des apôtres et la Mère de Jésus, la parenté de Jésus, … L’unité ne veut pas dire uniformité. Cette unanimité ne signifie pas que tous ont le même rôle. La communauté est toujours un appel à se décentrer de soi.

Divinité

A partir de l’Ascension, les apôtres s’adressent davantage à Jésus comme Dieu. Comme le dit saint Léon le Grand dans l’un de ses sermons sur l’Ascension :

« C’est alors, mes bien-aimés, que ce Fils d’homme fut connu, de façon plus haute et plus sainte, comme le Fils de Dieu. Lorsqu’il eut fait retour dans la gloire de son Père, il commença d’une manière mystérieuse, à être plus présent par sa divinité, alors qu’il était plus éloigné quant à son humanité. »

Invoquer le nom de Jésus est la caractéristique des chrétiens : 2, 21.38 ; 9, 14 ; 22, 16. Sa foi en la divinité du Christ, Pierre l’exprime avec conviction le jour de la Pentecôte :

« Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. » (Ac 2, 36)

C’est en vertu de la foi en la divinité du Christ que Pierre opère des miracles :

« Tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ : c’est ce nom lui-même qui vient d’affermir cet homme que vous regardez et connaissez ; oui, la foi qui vient par Jésus l’a rétabli dans son intégrité physique, en votre présence à tous. » (Ac 3, 16)

C’est ce que Jésus avait promis de diverses manières dans l’évangile :

« Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai. » (Jn 14)

Il est impressionnant de voir combien Jésus-Seigneur occupe une place centrale dans leur vie et leur prière. Cela ne serait pas juste si Jésus n’était pas le Fils de Dieu. Dans de multiples passages, saint Paul nous parle de cette communion avec le Christ :

« Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur.
Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants. » (Rm 14, 7-9)

Ou encore :

« Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » (2 Co 5, 15)

Ou encore :

« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. » (Ga 2, 20)

Les souffrances auxquelles les apôtres sont confrontés sont vécues dans la communion au Seigneur Jésus, mort et ressuscité.
Dans la deuxième lecture, saint Pierre parle de communier aux souffrances du Christ :

« Mes bien-aimés, puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous. » (1 P 4, 13)

« Il s’agit de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l’espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d’entre les morts. » (Ph 3, 10-11)

« Si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne. (…) Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Rm 6, 5.8)

Je désire conclure en évoquant la Vierge Marie, Mère de Jésus. Il est vrai qu’Elle n’est pas souvent mentionnée explicitement dans l’Écriture. Cependant, Elle est mentionnée à des moments tout à fait déterminants : la naissance de Jésus bien sûr, le début de Sa vie apostolique (Cana), le terme de Sa vie apostolique lorsqu’Il meurt sur la Croix, et dans le Cénacle dans l’attente de l’Esprit Saint.
Si Dieu a voulu réaliser l’incarnation par Marie, Il a voulu aussi qu’Elle soit présente à la naissance de l’Église. Sa présence au Cénacle n’est pas anecdotique. Marie est là, discrètement - Elle n’est pas au centre - mais Elle attire l’Esprit Saint sur l’Église naissante.

Cette semaine qui nous prépare à la Pentecôte, au cœur du mois de mai, est une belle opportunité d’apprendre la prière auprès de Marie, de travailler à la communion fraternelle et de mettre Jésus au centre de notre vie.
Demandons à la Vierge Marie de nous y aider,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,12-14.
  • Psaume 27(26),1.4.7-8.
  • Première lettre de saint Pierre Apôtre 4,13-16.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 17,1b-11a :

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »