Homélie du septième dimanche de Pâques

24 mai 2023

« Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. »

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs, savez-vous quel est le jouet préféré et favori du Bon Dieu ? Si vous fréquentez la Bible, vous allez le découvrir assez vite : ce ne sont pas les jeux vidéos ni tous ceux dont nous avons l’habitude de nos jours, mais si l’on scrute bien la parole de Dieu, nous pouvons obtenir quelques indices qui nous dirigent vers les poupées russes, ou poupées gigognes. Vous connaissez ces petites figurines colorées et joviales qui s’emboîtent les unes dans les autres jusqu’à pouvoir dénicher la toute dernière figurine, la plus petite de toutes. Elle est souvent un petit enfant qui ne s’ouvre pas. C’est un cadeau offert jadis dans certains pays à l’occasion de noces et à des mariages, symbole de bénédiction et de fécondité.

Notre Seigneur a Lui aussi l’esprit gigogne : Il a commencé à jouer à ce jeu bien avant de Se faire Lui-même petit enfant à Bethléem, caché dans une grotte. Il a commencé avec Israël, le plus petit de tous les peuples, puis avec le roi David, le plus jeune et le moins impressionnant des fils de Jessé. Il l’a vu et Il l’a choisi. Après Israël, Bethléem et David, il y a eu d’autres réalités dans la Bible que je vous laisse découvrir… Et l’on voit qu’à chaque fois, Dieu « craque » pour le plus petit.
Dans notre histoire française, nous avons le personnage de Jeanne d’Arc ; vous connaissez aussi la Petite Thérèse. Il y a aussi Paul que nous fêterons dimanche prochain et qui s’adresse aujourd’hui aux Romains en disant :

« L’esprit de Dieu qui planait sur les eaux atteste à notre esprit que nous sommes tous des enfants de Dieu. »

Dieu ne regarde pas comme les hommes : Il regarde le cœur. Et dans ce cœur, Il voit l’enfant qui dort au fond de chacun de nous. Cette partie fragile, ce petit être faible que nous passons notre temps à bâillonner, à cacher sous une carapace, sous plusieurs couches. On se prend au sérieux au lieu de le laisser s’exprimer en vérité, en toute simplicité.

En fait, nous avons tous un peu le cœur gigogne, fonctionnant en système de différentes couches. Et Dieu s’y connaît en la matière. Il le manifeste en particulier à travers l’évangile de ce jour qui nous paraît toujours un peu compliqué. Mais il est moins compliqué à comprendre si on a gardé un cœur d’enfant. C’est l’enfant Dieu, l’Enfant Jésus toujours qui, comme fils de Dieu toujours qui aime son Père et Le glorifie. En même temps, Son Père le glorifie et nous glorifie à travers Lui, et c’est comme ne déclaration d’amour d’un petit enfant à son père… C’est la prière le plus intime que nous pouvons découvrir dans les évangiles que Saint Jean nous fait découvrir.

Comme nous le rapporte la première lecture, le Bon Dieu manifeste aussi ce cœur gigogne lorsqu’Il a choisi Ses apôtres. Petite église naissante formée d’hommes fragiles qui attendent l’Esprit-Saint dans la chambre haute. A l’époque, personne ne savait qu’Il existait, mais Dieu le savait. Il y a de quoi se poser des questions en voyant que l’on mettait ensemble des intellos et des pécheurs de poisson, un collabo comme Matthieu avec des résistants intégristes, un trouillard comme Pierre avec un sanguin comme Thomas… Il fallait bien un esprit gigogne pour faire un tel choix et pour bâtir un église dont nous faisons partie aujourd’hui.

Dieu a su avoir ce cœur pour les apôtres. Il sait aussi le transmettre à tous les hommes et à chacun d’entre nous. Le Bon Dieu sait comment ouvrir l’une après l’autre chacune de ces boîtes, chacune de ces couches, chacun de ces espaces en nous plus ou moins fermés et bloqués, blocages que nous acceptons comme ils sont à cause des souffrances et des épreuves qui s’accumulent, des déceptions et de nos péchés. Ces couches successives font que l’on enferme le meilleur de nous-même dans notre cœur.

Jésus voit tout cela, et Il peut nous en libérer par Son Esprit Saint pour que rejaillisse le cri de notre nouvelle naissance, celui de notre baptême. C’est la prière même de Jésus que nous avons entendue proclamer tout à l’heure, cette capacité de nous jeter dans les bras du Bon Dieu en Lui disant : « Papa ! » en toute confiance…

Frères et sœurs, n’est-ce pas l’enjeu ultime de notre vie : laisser jubiler l’esprit de Dieu que le Saint-Esprit ne cesse de jubiler en nous, laisser jaillir le petit dernier, celui qui gigote en nous, en celui ou celle qui est à mes côtés et qui a aussi besoin parfois qu’on s’intéresse à lui.

Frères et sœurs, au cœur de nos inévitables turbulences, où en sommes-nous de cette capacité de trouver cette unique partenaire en prière : l’Esprit-Saint, l’Esprit de Jésus, à la fois le plus intime à nous-même que nous-même. Oui, car Il nous connaît plus que nous-même. Il est à la fois le tout autre qui voudrait que nous soyons un jour semblables à Jésus.

Voyez frères et sœurs, dans le Saint-Esprit, nous sommes invités en cette semaines, à consentir avec les apôtres à devenir davantage enfants de Dieu. Esprit d’enfance qui n’a rien à voir avec les caprices et les enfantillages.

Au contraire, devenir enfant de Dieu c’est notre ultime conversion, la plus difficile. Ce travail du Saint-Esprit et de nous avec lui est bien énoncé par le Christ :

« Si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous ne rentrerez pas dans le Royaume de Cieux. »

Consentir à devenir enfant de Dieu est aussi notre superbe et belle espérance. Devenir comme Dieu, c’est ce qu’il faut choisir. Et il faut y croire, mais avec un cœur d’enfant, à la manière de Jésus, non pas par nos propres forces.

Frères et sœurs, je vous invite à redécouvrir cette magnifique expérience paradoxale de l’Esprit-Saint, l’Esprit d’enfance que vous trouvez dans toute l’Ecriture. En France, nous avons une championne pour pouvoir nous en nourrir d’avantage, c’est la Petite Thérèse. Allez voir la belle prière de Thérèse de l’Enfant-Jésus qui s’approprie cette prière d’aujourd’hui de Jésus pour elle. Elle se met à la place de Jésus qui parle à Son Père.

Frères et sœurs, prions intensément cette semaine le Père des pauvres, l’Esprit-Saint, avec Jésus, Marie et les Saints, pour que nous ayons cet esprit gigogne, celui qui cherche toujours à traverser les différentes couches de nos difficultés pour chercher la source jaillissante de la vie éternelle qui est en nous dans le Saint-Esprit.

Prions l’Esprit-Saint pour qu’après cette messe, un peu comme Pierre dans la deuxième lecture, nous ayons le courage – après les souffrances – nous ayons le courage de confesser l’enfant blessé qui est en nous. Nous sommes tous des enfants blessés. Il nous faut le courage d’aller le confesser à Jésus et de le Lui donner régulièrement afin de réveiller l’enfant dieu qui est aussi en nous et qui veut nous sauver, nous libérer.

Tout cela, frères et sœurs, pour qu’en Lui nous ne cessions de chanter, de Le chanter, Lui l’Esprit de Dieu qui m’a rendu sacré :

« Esprit de Dieu repose sur moi ! Esprit de Dieu qui m’a consacré, j’exulte de joie en Dieu mon sauveur ! »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 1,12-14.
  • Psaume 27(26),1.4.7-8.
  • Première lettre de saint Pierre Apôtre 4,13-16.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 17,1b-11a :

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »