Homélie du troisième dimanche de l’Avent

13 décembre 2021

Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs,

A travers ce troisième dimanche de l’Avent vous est donné de méditer sur la joie. C’est le dimanche de la joie parce qu’apparaît déjà dans la ligne de mire, la naissance du Sauveur. Et cela peut être une bonne occasion de méditer sur ce qu’est la joie.

Vous l’imaginez nous ne sommes pas les premiers à nous poser la question. Déjà, avant le Christ, Aristote - philosophe païen et fin observateur de la nature humaine - avait abordé la question. Il disait que la joie c’est ce qui vient couronner un acte bon, c’est-à-dire que si vous aidez une personne âgée à traverser alors qu’elle est chargée d’un lourd cabas, si vous le faites uniquement par devoir c’est bien parce que c’est un acte bon ; mais c’est un acte meilleur encore que vous mettiez du plaisir à aider cette personne.
Ainsi, il est donc nécessaire de se poser la question, dans les actes d’amour et de charité que nous faisons, est-ce que nous nous positionnons dans cette attitude là. Est-ce que la vision, le fait de réaliser le bien me donne de la joie ?

Saint Paul nous donne une petite phrase intéressante que l’on remarque assez peu :

« Ne vous lassez pas de faire le bien ! »

Et je me suis posé la question suivante : « qu’est-ce qui fait on se lasse de faire le bien ? ». Pour quelle raisons pourrions-nous nous en lasser ? peut-être est-ce seulement parce que l’on a pas assez de joie à faire le bien, qu’on ne met pas assez de plaisir face à ce qui est obtenu et qui est devant nous : aider quelqu’un, soutenir telle personne…. Participer à la messe dominicale est quelque chose d’objectivement bon : est-ce que vous avez de la joie à être présents dans cette célébration ?
Voilà la question : êtes-vous là juste par la force de l’habitude et par la routine, vous disant que c’est dimanche et que, comme il faut recevoir l’Eucharistie et il faut bien y aller… Ce qui fait qu’on se lasse de faire le bien, c’est bien que cela ne nous donne pas assez de joie.

Ainsi, face à un acte bon, nous pouvons nous poser régulièrement la question face à un acte bon que nous voulons poser. Nous le savons, le discernement est rarement à opérer entre le bien ou le mal, mais bien souvent c’est entre le bien et le bien.
Certains d’entre vous sont en retraite ici pour approfondir la connaissance de la Bible et aider à animer magnifiquement cette célébration par le chant. Vous aviez pourtant certainement d’autres possibilités pour ce week-end là, et vous avez choisi ce bien là. Délectez-vous, ayez de la joie à vivre ce moment de connaissance de la Parole et de chanter la louange de Dieu !
Évidemment, vous seriez par exemple dans une chorale profane, y a une certaine joie parce qu’il y a une communion dans une chorale. Mais le fait d’avoir un bien qui est plus grand - avec la célébration de l’Eucharistie - donne une joie supérieure d’animer, de donner une âme, d’aider à la prière par le chant. C’est un acte bon qui est supérieur à celui de chanter dans une chorale profane.

Et, c’est d’autant plus intéressant que ce bien est communicatif. On dit que le bien est diffusible de soi. Ainsi, la joie que vous y mettez, chers amis qui nous aidez par votre voix à rentrer, à prendre goût à la célébration, c’est quelque chose qui se diffuse et qui est vraiment une source d’évangélisation.

Cela rejoint la façon de voir du Pape François qui, comme vous le savez, est très centrée sur la joie. Dans son encyclique La joie de l’Évangile, il nous dit que l’évangélisateur transmet une joie de par son propre témoignage. Mais si la charité est source de joie l’espérance, l’est également.
Ce matin, quand nous avons prié l’office des laudes, l’antienne qui introduisant le psaume disait :

« Sans te voir encore, nous tressaillons de joie. »

C’est l’espérance de la vie éternelle avec le Christ qui nous donne la joie. De façon plus humaine, on peut la comparer avec la perspective de la rencontre avec un vieil ami que vous n’avez pas vu depuis tant d’années et qui vous est cher : l’idée de sa venue vous donne une grande joie.
Cela signifie aussi que vous ne soyez rassasié que de l’espérance. C’est un sentiment qui part du fait qu’il y a encore quelque chose en devenir en nous.

Depuis mon enfance j’entends les gens se plaindre de tout ce matériel autour de la fête de Noël, du fait que l’on s’en rassasie en faisant chauffer les cartes bleues etc… Il est vrai qu’il y a une certaine béance, quelque chose d’inaccompli en nous, dans chaque genre chaque être humain. Comme nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, notre cœur n’a de repos qu’en Lui, comme le dit le grand Saint Augustin :

« Je suis fait pour toi Seigneur, et mon âme n’a de repos tant qu’elle ne demeure en toi. »

Donc, en attendant, nous sommes dans la joie de l’espérance du face-à-face. Mais c’est tellement humain de combler, de compenser. Nous sommes tous dans une certaine forme de compensation et quand on ne connaît pas le Seigneur, on compense avec des biens matériels. Et comme il y a quelque chose d’infini en nous, ça ne peut pas compenser grand-chose. Ça peut faire plaisir mais ça laisse forcément un sentiment d’inassouvi.

Et cela me fait penser à une hymne que l’on prie à vêpres le mardi, et qui fait justement allusion à quelque chose qui est inaccompli en nous, à quelque chose en devenir, en forme de béance une forme et de vide en nous. Et cela appelle justement une béatitude de la présence de Dieu. Je vais vous la lire. Elle est aussi une poésie :

« A la mesure sans mesure de ton immensité, tu nous manques, Seigneur. Dans le tréfonds de notre cœur, ta place reste marquée comme un grand vide une blessure.
A l’infini de ta présence, le monde est allusion, car tes mains l’ont formée. Mais il gémit en exilé, il crie sa désolation de n’éprouver que ton silence.
Dans le tourment de ton absence, c’est toi déjà, Seigneur, qui nous a rencontrés. Tu n’es jamais un étranger, mais l’hôte plus intérieur qui se révèle en transparence.
Cachés au creux de ton mystère, nous te reconnaissons sans jamais te saisir. Le pauvre seul peut accueillir dans un cœur brûlant d’attention, les yeux tournés vers ta lumière. »

Cette hymne de vêpres, que je trouve tellement inspirante, nous fait prendre conscience qu’il y a un vide en nous. Elle nous aide à réaliser que, en creux, la joie d’espérer dans les promesses de Dieu nous demande d’accueillir comme un grand vide, une blessure. Ce n’est pas facile de rester face à cette béance. D’une certaine manière, chacun de nous est concerné par ce vide mais c’est un appel que ce manque car il nous pousse déjà en avant vers les promesses de Dieu.
Et cette joie de savoir qu’un jour nous allons être comblés, non pas par le matériel parce qu’il y a en nous cette trace d’infini, mais par l’infini de Sa présence, comme dit le texte magnifique, c’est quelque chose qui nous donne une grande joie !
Se remettre face à cette perspective des promesses de Dieu, dont l’espérance, est source de joie !

Alors évidemment, comme la Foi c’est aussi posséder ce que l’on espère, on voit donc bien que Foi, Espérance et Charité sont des sources de joie, à condition que l’on se mette face aux biens que l’on espère, face au bien que l’on a accompli, à condition que, d’une certaine manière, on rentre dans cette première béatitude qu’est celle des pauvres et qui la résume toutes.
Comme le dit encore le texte :

« Le pauvre seul peut accueillir, dans un cœur brûlant d’attention, les yeux tournés vers ta lumière. »

Dans l’Avent, entendons cet appel à une certaine simplicité matérielle, ainsi qu’à cette pauvreté de cœur qui nous amène à accepter qu’en nous il y ait quelque chose d’inassouvi, quelque chose qui ne soit pas comblé.
Notons que le psalmiste est très dur envers les gens comblés les décrivant ainsi :

« Un troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître… »

Le fait de vouloir être comblé ici-bas, comblé par la relation avec son conjoint, comblé par ses enfants, comblés par la vie terrestre aboutit à quelque chose de mortifère. Pourtant, nous tentons tous de fuir cette béance, cette blessure, ce grand vide…

« Ta place reste marquée comme un grand vide… »

Mais, c’est le fait de fuir qui est source de mort, car cela empêche une vie d’advenir en nous.
Je trouve qu’il est heureux de fêter ce dimanche de la joie au cœur de ce temps de l’Avent. Le mystère chrétien est là pour nous dire que seul le Seigneur est capable de nous combler. C’est un peu technique de ire cela, mais la Foi est comme un régime d’indigence, c’est à dire que, faute de mieux, nous sommes dans la Foi, faute du face à face avec le Seigneur, nous croyons en Lui. Mais Saint Paul nous le dit :

« Dans le face à face, dans l’éternité, il n’y aura ni Foi ni Espérance, il n’y aura plus que la Charité. »

Alors vivons ces actes de charité quotidiens en nous délectant du bien. Vivons ces actes d’Espérance en nous délectant de ce qui vient parce que le temps, nous le savons, n’est pas quelque chose qui passe mais quelqu’un qui vient, et vivons ces actes de Foi comme l’anticipation.
Nous possédons déjà cette plénitude d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Sophonie 3,14-18a.
  • Livre d’Isaïe 12,2-3.4bcde.5-6.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,4-7.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3,10-18 :

En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient :
— « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait :
— « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent :
— « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour :
— « Et nous, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.