Homélie du 3e dimanche de l’Avent

18 décembre 2012

« Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

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Texte de l’homélie :

« Que devons-nous faire ? »

Cette question revient par trois fois dans l’évangile de ce jour : que ce soit la foule qui interroge Jean le Baptiste, que ce soient les publicains, les collecteurs d’impôts, ou que ce soient les soldats. Cette question fait écho à la question du jeune-homme riche à Jésus : « Bon maître, que dois-je faire ? Que devons-nous faire pour avoir la Vie Éternelle ? ».

L’Homme est perpétuellement en quête du bonheur

La question est finalement celle-ci : Que devons-nous faire, non pas pour être juste tranquilles, mais pour toucher la finalité de notre vie ? La finalité de notre vie n’est-elle pas de ne pas vouloir mourir, mais d’aspirer à la vie qui ne s’éteindra jamais – on l’appelle la Vie Éternelle – ou plus simplement : la vie près de Dieu.

L’homme de bonne volonté désire trouver une solution à sa quête d’éternité. Il veut trouver une pratique qui apaise son insatisfaction. Car tous les biens de la Terre, et même les relations avec nos concitoyens - qui peuvent être source de grande joie - étonnamment, ne suffisent pas à répondre à notre recherche de bonheur. Nous en faisons certainement tous l’expérience.

Comme le dit Saint Luc dans l’évangile, après toutes ces questions « Que dois-je faire, que devons-nous faire », le peuple était encore en attente, comme si la réponse était une attente en soi, l’attente d’accueillir quelque chose de grand qui nous montrerait un chemin. Au même titre finalement que le jeune-homme riche qui, lui, un « bon pratiquant », ne se satisfait pas encore de sa bonne pratique religieuse. Et il revient encore vers Jésus, une fois qu’Il lui ait énoncé les 10 commandements : « Et maintenant, que me manque t-il encore : que dois-je faire, car il me manque quelque chose ». C’est une réelle insatisfaction. Tout comme la Samaritaine qui buvait , buvait, buvait et avait finalement encore soif de quelque chose. A croire que la pratique, que le « faire » ne sont pas totalement une réponse à notre quête de vie éternelle.

Quelle est la réponse à cette quête ?

La réponse, on peut sans doutes la trouver chez Marthe et Marie :

« Seigneur, cela ne te fait-il rien que la sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m’aider ! »
Mais le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te soucies et t’agites pour beaucoup de chose. Pourtant, il en faut peu, une seule peut-être, une seule même. C’est Marie qui a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée »

Bien sûr, Jésus ne dénonce pas là le service généreux et l’action efficace de Marthe, car elle sert son Seigneur, mais Jésus veut souligner que la meilleure part n’est pas d’abord au point de départ de servir, mais d’abord d’être avec le maître. C’est à dire de jouir de la rencontre avec le Christ, finalement, de croire.

Le troisième dimanche de l’Avent : le dimanche de la Joie

Ce qui est au cœur du temps de l’Avent, que nous vivons actuellement, c’est l’attente. L’attente de ce qui va bientôt venir. Et la Joie, que nous célébrons tout particulièrement aujourd’hui, c’est que nous allons être comblés dans peu de temps.

Nous ne sommes pas là dans une action, mais dans un avènement : l’accomplissement de quelque chose qui nous a été promis. Une attente qui n’est pas stérile, qui est réellement féconde. C’est à dire que notre espérance va se réaliser. Là, se trouve le centre de notre Foi : Dieu nous envoie Son Fils, Son Unique, pour sauver notre Humanité blessée par la péché, pour que notre désir d’éternité soit comblée. Là se trouve toute notre joie. Dieu va s’abaisser pour se faire petit enfant. Dieu prend la peine de se rendre présent dans un corps comme le mien pour se rendre présent au cœur de l’humanité et lui donner ce qu’elle frénétiquement dans un « faire », dans un service, dans une pratique.

« Là, se trouve notre Joie, là se trouve notre Foi. »

Un dilemme pressant entre Foi et action

Pour cela, permettez-moi de méditer une instant sur ce dilemme entre l’agir - le « faire », et la Foi - le « croire ». Si l’on caricature un peu les choses : il n’est pas rare d’entendre des chrétiens qui se demandent s’ils possèdent réellement la meilleure des religions. Beaucoup en sont fondamentalement persuadés, car ce sont leurs origines, leur identité, et il serait périlleux de toucher à ses racines. Puis ils continuent à discuter en se demandant si, finalement, toutes les religions ne se valent pas, il s’y n’y aurait pas une vérité un peu partout… une question de gentillesse : il y a des gens gentils partout (parfois même des biens plus gentils que nous !)

La Foi chrétienne n’est pas une religion…

Je voudrais dire pour ceux-là que la Foi chrétienne n’est pas une religion. L’étymologie du mont « religion » vient de ce mouvement qui part de l’Homme vers son Dieu, vers Dieu. L’Homme est un être religieux, il recherche la Vérité, il veut percer le mystère qu’il pressent comme ce qui est caché à ses yeux. C’est pour cela que l’on dit que l’Homme est transcendantal. Il veut percer ce qui est caché à ses yeux. Alors, les Incas vont bâtir des temples, les animistes vont célébrer des cultes, et les Pygmées vont célébrer le culte de l’Iboga. L’Homme pratique des cultes pour satisfaire sa recherche de Dieu, et mettre un nom et des pratiques à une réalité qu’il ne connaît pas. Cela le rassure, et dans un certain sens, comme dirait quelqu’un de bien connu : « La religion est l’Opium du peuple ».

Pour nous, Chrétiens, ce n’est pas une religion. C’est justement l’inverse ! Ce n’est pas nous qui cherchons Dieu en premier et qui l’avons trouvé, c’est d’abord Lui qui nous cherche. Nous ne sommes que les heureux destinataires de Sa bienveillance. Lors de la Genèse, déjà, Dieu prépare toute la Création – Il trouve qu’Elle est bonne - pour une seule finalité : y déposer l’Homme, et La lui confier. Et là, Il voit que c’est très bon. Pour Abraham, tout comme pour Moïse, Dieu se penche sur eux pour donner Son Nom, pour se faire connaître, Pour sceller une promesse avec le peule qu’Il s’est choisi.

Et le sommet de tout, de cet abaissement de Dieu, c’est la Nativité que nous vivrons dans quelques jours. C’est Dieu qui se penche sur l’Homme, sur le peuple qui souffre, qui peine sous le poids du fardeau, et qui vient le visiter pour le sauver.

… mais une révélation

Alors, en ce sens, la Foi chrétienne, si ce n’est pas une religion, c’est d’abord une révélation : Dieu se révèle aux hommes. Dieu se révèle aux hommes pour répondre à leur soif d’éternité. L’Homme est fait pour vivre éternellement dans le cœur de Dieu. Alors, Dieu nous fait la grâce de se pencher sur nous, de s’abaisser sur notre misère, comme l’Ange avec Marie – au moment de l’Annonciation – pour Lui faire part du plan de Salut de Dieu. Cet ange, créature céleste, qui s’incline devant cette femme extraordinaire. Parce que ce que désire Dieu, ce n’est pas nous avoir sous Sa Main, nous dominer, pas du tout, Il veut nous sauver, nous libérer, nous guérir, de ce qui aujourd’hui nous empêche de jouir totalement du bonheur suprême.

Dieu veut nous donner ce bonheur suprême, c’est Sa propre divinité, c’est le Ciel. Alors, à la question « Que devons-nous faire » - pour ne pas devenir aigri comme Marthe – ou triste comme le jeune-homme riche, alors, nous devons croire avant de faire.

Parce que la Charité, si elle est certes le signe des Chrétiens – « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes Chrétiens » - elle n’est pas tout à fait le centre. Nous ne sommes pas des pratiquants : nous sommes avant tout des croyants. Nous ne sommes pas d’abord obligés d’être généreux, d’être des « gentils », serviables, volontaires et donnés à tous, non.

Ce qui fait de nous des Chrétiens, c’est que nous sommes sauvés par le Christ, par Sa Mort et Sa Résurrection. Et c’est là tous les fruits de notre baptême : nous sommes des ressuscités. « Aimez-vous les uns les autres », c’est bien, mais cela ne suffit pas. Car c’est « comme je vous ai aimés ». Ainsi, il ne nous faut pas seulement aimer de gentillesse, volontairement et d’un cœur généreux, il faut aimer jusqu’à mourir. Le service devient alors très particulièrement chrétien et il vient de ma relation et de ma Foi en Christ.

Une année de la Foi pour nous guider

C’est finalement ce à quoi nous appelle Benoît XVI lors de cette année de la Foi qui a été proclamée pour une année en octobre. Je le cite :

« Depuis le commencement de mon ministère comme successeur de Pierre, j’ai rappelé l’exigence de redécouvrir le chemin de la Foi pour mettre en lumière de façon toujours plus évidente la joie et l’enthousiasme renouvelé de la rencontre avec le Christ. »

Car le but en effet est bien cela : c’est la vraie joie et le vrai enthousiasme. L’enthousiasme, c’est la joie en action.

Le Saint-Père, dans le tout début de sa lettre apostolique qui a préparé cette année de la Foi – qui s’appelle Porta Fidei : la Porte de la Foi, nous invite avant tout à nous convertir. Pour cela, il nous invite à rencontrer le Christ. Si la Foi est un acte de l’intelligence, il faut alors nourrir cette intelligence, il faut se former. Croire, c’est d’abord connaître Celui que nous voulons aimer de tout notre cœur. Croire – la Foi – c’est une adhésion de toute mon intelligence sur le mystère de Dieu.

La pratique de la Foi est une réponse

Alors, notre amour du Christ veut nous imposer en effet des actes et du « faire ». Parce que l’Amour qui ne se manifeste pas est appelé à s’éteindre, puis à mourir. Imaginez un de vos amis, votre ami, qui vous dit : « je ne veux pas te rencontrer Je ne veux pas non plus te parler ni t’entendre, je ne veux pas te voir » : est-ce toujours un ami ? alors, si je suis croyant, alors c’est vrai que je deviens un pratiquant. Mais un pratiquant de l’amour, dans le sens d’un vivant de l’Amour, car l’Amour ne se « pratique » pas. Ce pratiquant d’Amour que je serai, vivra tant dans la Charité avec mes frères que dans la célébration des mystères de la Foi.

Voilà finalement cette joie et cet enthousiasme. La joie, c’est ce que je ressens au plus profond de moi, ce qui vient comme illuminer mon être, et qui va illuminer tous mes frères. Cet enthousiasme, c’est aussi la joie en action. Voilà le bon sens et toute la cohérence de la Foi.

Il nous appartient de répondre à Dieu qui nous chercher

Si Dieu cherche l’Homme pour son bonheur, la joie de l’Homme, elle, sera finalement tout simplement de se laisser chercher, de se laisser saisir et ainsi, pauvrement, de répondre à Dieu. Tel est Son bon plaisir.

Alors, agissons en croyant, manifestons au Monde, qui a réellement soif de Bonne Nouvelle, que le Christ va se manifester. Ce n’est pas un message qu’on lui transmet, c’est la Vie même que nous portons en nous. Osons le dire, osons l’exprimer, si tant est que nous sachions le faire et que nous connaissions cette Bonne Nouvelle.

Lors de cette année de la Foi, Benoît XVI nous rappelle notamment le 20e anniversaire du Catéchisme de l’Église Catholique. Y sont exprimés, dans des mots simples, parfois un peu ardus, l’expression même de notre Foi. Sachons aimer, avec des mots aussi, et dire ce que nous portons. Dieu a besoin de nos mots pour transmettre la Bonne Nouvelle.

Pour cela, comptons sur l’aide de la Vierge Marie, Elle qui, une fois habitée par le Seigneur, une fois transfigurée, si l’on peut dire, dans son propre corps par la Présence de notre Seigneur, a su « partir en hâte vers cousine Élisabeth » pour l’aider dans le quotidien. Alors, relevons la tête, car notre Salut est proche, car voici l’Agneau sans tâche qui vient enlever le péché du Monde,

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre de Sophonie 3,14-18a.
  • Livre d’Isaïe 12,2-3.4bcde.5-6.
  • Lettre de Saint Paul Apôtre aux Philippiens 4,4-7.
  • Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc 3,10-18 :

En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient :
— « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait :
— « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »

Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour :
— « Et nous, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit :
— « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous :
— « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.