Homélie du 1er dimanche de l’Avent

6 décembre 2012

« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »

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Texte de l’homélie :

Il y a une grande différence entre le christianisme et le bouddhisme. Et je suis toujours interloqué, questionné, quand des personnes décident d’abandonner la Foi chrétienne pour se tourner vers le bouddhisme, parce qu’il y a une différence de nature très profonde. Pour le bouddhisme, la définition du bonheur est l’absence de désir. Au fond, ce n’est pas faux : qu’est-ce qui nous fait souffrir si ce n’est nos désirs ? Les désirs que nous avons et que nous ne pouvons pas accomplir sont des sources de frustration. Enlevons donc le désir, nous enlèverons la frustration, nous enlèverons la souffrance. Au contraire, le Christianisme est tout le rebours. C’est par nature la religion du désir. Mais la religion du désir qui tend précisément vers le bonheur.

Le bonheur prend sa source dans le désir

Parce qu’au fond, comment peut-on être heureux si on ne désire rien ? Qu’est-ce que la joie si ce n’est l’accomplissement d’un désir ? Le temps de l’Avent est un temps du désir, pur creuser le désir de Dieu en nous. Et, à travers ce passage évangélique, qui nous interpelle avec ce style apocalyptique, le Seigneur nous parlé : « Ne soyez pas des repus ». La société veut faire de nous des repus qui oublient Dieu. Que notre cœur ne s’alourdisse pas. Y a t-il encore une place pour le désir dans votre vie, ou êtes-vous déjà comme des êtres comblés ? – « troupeau parqué pour les enfers, et que la mort mène paître », comme dit le psaume…

Oui, frères et sœurs bien-aimés, ce temps de l’Avent est un temps de conversion. On le voit aussi par le changement des habits liturgiques : c’est la même couleur, le mauve, que nous utilisons autant pour l’Avent que pour le Carême. Cela signifie que nous allons vraiment expérimenter la joie. C’est une conversion joyeuse, c’est une joie qui nous attend : la naissance d’un enfant.

Pour expérimenter la joie, il faut laisser creuser en nous le manque. Alors oui, ce n’est pas si simple que cela. Mais, regardons comment agit Jésus ? Il réveille le désir dans le cœur de ceux qu’Ils rencontre. A commencer par la Samaritaine : cette femme qui venait à midi, au plein soleil, pour puiser de l’eau, ce qui est assez étonnant. Ce devait certainement pour ne pas être vue, car c’était une femme de « mauvaise vie ». Elle avait cinq maris, et celui avec lequel elle était l’était pas son mari. Jésus la rencontre, et que fait-il si ce n’est réveiller son désir : « Où est le lieu où il faut adorer » lui demande t-elle.

Quant à Zachée, cet homme qui, au contraire, avait placé dans la cupidité, l’assouvissement de tous ses désirs. Il s’agit bien de cela : nous avons un manque, nous avons un désir qui habite notre cœur, mais combien de fois met-on quelque chose ou quelqu’un à la place de Dieu ? C’est ce que l’on appelle l’idolâtrie. C’est précisément cela : mettre quelque chose ou quelqu’un à la place de Dieu. Alors que, comme le dit le grand Saint Augustin :

« Tu nous as fait pour Toi, Seigneur, et notre cœur n’a de désir et de repos tant qu’il ne demeure en Toi. »

Le bonheur est une quête incessante pour chaque homme

Oui, frères et sœur bien-aimés, on voit bien dans Zachée, cet homme qui avait voulu répondre à une quête intérieure, comme chacun de nos contemporains. Ne croyons pas que la quête spirituelle soit absente de leur cœur. Certainement pas. On cherche cependant à l’éloigner, on veut la remplir avec des choses alors que nous sommes faits pour la communion des personnes – personnes humaines, personnes divines.

Alors, on comprend cette parole du Seigneur : « Faudra t-il que des hommes meurent de peur, dans crainte des malheurs arrivant sur le monde pour se tourner vers Dieu ? Est-ce qu’il faudra qu’il y ait des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, que les nations soient affolées, que la mer soit en fracas, et la tempête gronde pour qu’enfin, vous vous tourniez vers le Seigneur ? C’est ce qu’Il nous dit en ce temps de l’Avent : « Où en es-tu de ta vie de Foi, de ta vie de prière ? » La vie de prière est précisément le signe que nous sommes des êtres en marche. Nous sommes des êtres qui allons vers un accomplissement.

Oui, frères et sœurs, à travers ces paroles fortes, Jésus dit à sa génération, à ses auditeurs, tout autant qu’à nous à présent : « Si vous continuez comme cela à ignorer Dieu, à ignorer le temps de La Visite, voilà que la mer s’affolera, les nations seront paniquées. » Alors oui, dans ces moments-là, on le sait bien, dans nos vies, on se tourne vers le Seigneur. Quand on sent notre fragilité, que tout s’agite autour de nous, et que l’on sent que l’on est dans une forme d’impuissance – dans le cas d’un enfant gravement malade, par exemple – cela nous porte à prière. Mais, faut-il attendre que nous soyons à toute extrémité pour enfin nous tourner vers Dieu ?

Le temps de l’Avent au service de cette quête

Voici la signification du temps de l’Avent : où en suis-je de mon désir de Dieu. Parce que nous sommes faits pour le Seigneur. A la différence du bouddhisme, le Judéo-christianisme est cette attente. Nous sommes des êtres en attente, en attente d’un accomplissement. Et cet accomplissement est Bonheur. Mais, si on comble cette attente, si on comble ce manque par autre chose, on sera des êtres malheureux. On le voit bien : la société de consommation veut faire de nous des repus qui ignorent Dieu. Alors, ne laissons pas gâcher ce désir dans notre vie, ce serait aussi laisser la tristesse nous envahir. La joie est l’accomplissement, la possession d’un bien que l’on attend.

Demandons au Seigneur en cette journée, cette grâce particulière d’un renouveau spirituel pour chacun d’entre nous, de nous remettre à l’école du Seigneur. Si nous sommes là, c’est que nous sommes des familiers du Seigneur, que nous avons une certaine proximité avec Dieu. Mais il faut aussi être attentif : on peut être des habitués de la présence de Dieu et, progressivement, ne plus crier vers Lui, d’avoir une prière un peu embourgeoisée – « tranquille-pépère-dans-un-divan » - et on somnole. Voyez, c’est tout à fait possible… Est-ce que notre prière est un cri ? parce qu’au fond, il s’agit de cela. Quand il arrive tout ce dont parle le Seigneur, il nous conseille :

« Restez éveillés, priez en tout temps… »

… parce qu’enfin, vous vous réveillez lorsque arrivent ces événements. Demandons au Seigneur d’avoir un cœur ouvert, parce qu’il s’agit de cela. A l’intérieur de nous même, est-ce que notre amour du Seigneur, est-ce que notre désir de contempler Sa Face, est-ce que notre désir de salut a de l’importance. Prenons-nous seulement conscience que nous avons besoin d’être sauvé ? plus ou moins ? « bof » ? On voit bien, les gens qui ne pratiquent pas, qui n’ont pas de religion ne semblent pas si malheureux. Toutes les calamités qui sont décrites là ne leur tombent pas dessus. Donc, la perte de conscience du besoin d’être sauvé nous joue des tours, le Salut pourtant si nécessaire à l’Humanité. Ce salut doit venir à la fois de l’intérieur de l’humanité pour être accueilli, à la manière humaine, mais rappelons aussi que nul ne peut sauver son frère. Il vient donc tout autant de l’extérieur de notre humanité : à la fois Dieu, à la fois homme, pour qu’il soit un vrai salut.

Vers un plus grand désir du Salut

Posons-nous alors la question : sommes-nous dans notre vie comme cet homme qui est au bord de se noyer et qui tend la main vers une autre main secourable et supplie la grâce. Sommes-nous dans cette attitude, ou attendons-nous que cela se passe ? oui, on croit en Dieu, aux valeurs chrétiennes, être gentil… mais, valeurs chrétiennes ne sont cela. La vie chrétienne est un Salut qui est offert.

Alors, « redressez-vous, restez éveillés, levez la tête »… c’est ce que l’on entendra pendant tout le temps de l’Avent. Le temps vient, il arrive ! mais, pour que Noël soit vraiment Noël, c’est à dire une vraie joie, cela veut dire qu’on la désire cette Face du Seigneur, cette Grâce de Dieu, cette proximité.

Et, avec le Salut, c’est aussi la conscience du péché et donc de l’éloignement du Seigneur qui sont évoqués. Voyons avec Abraham, et le Saint Père nous l’a rappelé il n’y a pas si longtemps : l’absence de Dieu en général et l’absence de vie de prière, en particulier, créent un climat d’impunité morale. Progressivement, la conscience morale de chacun s’abaisse avec la rationalisation – lorsque l’on justifie, lorsque l’on s’auto justifie, c’est tellement humain. Et de ce fait, on se donne raison et on n’a pas cette humilité de se tourner vers le Seigneur et de reconnaître nos fautes, et donc de Lui demander le Salut.

Si nous sommes ici, n’est pas parce que nous avons besoin d’être sauvé ? souvent, on entend dire de ceux qui vont à l’église qu’ils font du mal après, tout de même. Je me rappelle d’un sergent en Argentine qui traité très mal ses soldats, et il allait tous les jours à la messe. Un peu interloqué, un soldat plus courageux qu’un autre lui avait demandé : « Sergent, on voit que vous êtes très pieux, mais on ne comprend pas comment vous nous traitez ». Il lui répondit : « Vous n’avez pas d’idée de comment je pourrais vous traiter si je n’allais pas à la messe tous les jours… » Alors, vous pouvez y aller vous aussi ! on voit bien que, si nous sommes ici, c’est que nous ne sommes pas des justes au milieu des pécheurs. C’est plutôt que nous avons pris conscience précisément à la fois de ce monde de ténèbres qui nous habite, et à la fois de cette grâce que nous supplions.

Nous sommes là comme des mendiants. Il y a des moments dans la vie où l’on touche du doigt d’une façon particulière, des moments d’impuissance, des moments de fragilité, de vulnérabilité, où l’on soit de notre auto-suffisance, et on crie.

Demandons alors au Seigneur que ce cri se fasse aussi prière, se fasse désir, pour que Noël puisse être l’accomplissement et le signe d’une vraie joie,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de Jérémie 33,14-16.
  • Psaume 25(24),4-5.8-9.10.14.
  • Première lettre de Saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 3,12-13.4,1-2.
  • Évangile de Jésus-Christ selon Saint Luc 21,25-28.34-36 :

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête.
Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire.

Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste.
Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre.

Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »