La confiance est la source de la persévérance

6 octobre 2019

Quand on se marie à l’Église, on prend conscience à la fois de notre fragilité et de la grâce qui nous vient du Seigneur. Ce n’est pas simplement par notre volonté et notre énergie ou parce qu’il s’opère un équilibre de forces qui s’ajustent, mais c’est d’abord cette confiance renouvelée l’un en l’autre, la confiance en la présence de Dieudans votre vie qui va faire que vous allez durer.
Et le fait de demander au Seigneur cette persévérance, c’est quelque chose de très beau et de très fort, parce que vous prenez conscience que vous avez besoin de Lui. C’est pour cela aussi que vous êtes là devant l’autel.

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

Lorsqu’avec Philippine et Geoffroy, nous avons préparé cette célébration, je leur ai donné un axe, un critère pour choisir les textes de cette messe. Le critère est que cette parole de Dieu, ces extraits que vous allez choisir, qu’ils soient pour vous une source, une lumière, qu’ils vous indiquent un chemin, que vous puissiez y revenir année après année, et faire mémoire du choix des textes lors de vos noces.
Et je dois dire qu’à travers les textes qu’ils ont choisis - qui ne sont pas très courants ni habituels – il y a une belle leçon par rapport à la vie de couple et au mariage.

Il y a d’abord la première lecture, la lettre aux Hébreux. Saint Paul leur dit :

« Frères, persévérez dans l’amour fraternel. »

C’est toute une question le fait de persévérer. Par le mariage tel que l’Église le conçoit, Philippine et Geoffroy, vous rentrez dans un temps long, un temps lent. Et le fait de demander au Seigneur cette persévérance, c’est quelque chose de très beau et de très fort, parce que vous prenez conscience aussi que seuls, vous n’y arrivez pas. C’est pour cela aussi que vous êtes là devant l’autel.
Quand on se marie à l’Église, on prend conscience à la fois de notre fragilité et de la grâce qui nous vient du Seigneur. Alors oui, persévérez, car cela demande de la persévérance, ça demande d’avoir le « souffle long », comme on dit, de ne pas s’épuiser. Et comment ne pas s’épuiser si ce n’est en se ressourçant, et comment se ressourcer si ce n’est en venant à la présence de Dieu qui est source de votre amour et source de tout amour sur cette terre…

Ainsi, vous nous incitez à persévérer, et à travers ce texte, vous nous donnez une clef qui se nomme « confiance ».

« Nous pouvons dire en toute assurance : "le Seigneur est mon secours". »

Oui, cette clef est bien la confiance. Alors que l’on voit combien les couples sont fragilisés, et vous, vous rentrez dans une logique de confiance, et vous nous rappelez aux uns et aux autres que la confiance est la source de la persévérance. Ce n’est pas simplement par nos forces ou parce qu’il s’opère un équilibre de forces qui s’ajustent, mais c’est d’abord la confiance en Dieu, cette confiance renouvelée l’un en l’autre, cette confiance dans la vie, dans la présence de Dieu et de la Vierge-Marie dans votre vie qui va faire que vous allez durer.
Et le signe envoyé à ce sujet est très fort : alors que l’on voit notre monde toujours plus à la recherche de la sécurité avec le risque zéro, avec ses normes qui apparaissent dans tous les domaines, vous nous donnez un message bien différent. Ce n’est pas tout cela qui va assurer la persévérance de notre amour, c’est tout l’inverse : c’est d’abord un lâcher prise dans Celui que nous connaissons dans la Foi, le Seigneur ! Il nous accompagne.

« Je n’ai rien à craindre car Tu es avec moi. »

C’est ainsi que se termine le texte, et en nous le faisant écouter aujourd’hui, vous nous relancez les uns les autres dans la confiance en Dieu qui a pu être ébranlée par les épreuves de la vie, par les difficultés de santé, professionnelles, familiales et conjugales. Oui, il arrive parfois que nous perdions confiance, que nous perdions espoir et que nous nous demandions si ce monde a un sens. Et chers fiancés, vous nous redites de manière admirable que c’est la confiance qui est la clef de la persévérance.

Cette confiance est à renouveler. Confiance, Fidélité, Foi, c’est la même étymologie : fides, fidei. Avoir confiance c’est rentrer dans une fidélité. C’est un pilier du mariage à l’Eglise, c’est une attitude de Foi. C’est un mouvement par lequel on s’en remet à l’autre, et vous l’avez très bien exprimé en choisissant le psaume :

 » Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je crainte ? »

A travers l’Évangile, il y a aussi ce message de la persévérance, car être persévérant, c’est entrer dans une attitude de don, une attitude de service. C’est un message que l’on entend pas souvent dans les messes de mariage : au fond, l’amour matrimonial est un service mutuel.
Il aurait été intéressant de faire un lavement des pieds, mais on a voulu faire simple car ça n’aurait pas été très pratique de manier avec la bassine et le broc avec la robe de mariée. Mais rappelons-nous que le lavement des pieds nous montre Jésus dans le rôle du serviteur.

« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Et Jésus nous exhorte :

« Veillez, soyez persévérants ! »

Et il est certain que la nature humaine est encline à la facilité à ne pas veiller. Et le Seigneur dot : veillez ! réveillez-vous ! soyez attentifs ! prenez garde, car le voleur arrive à l’heure où on ne l’attend pas. Veiller et priez c’est garder son mariage, garder son couple, car il y a des choses qui font obstacle à la vie conjugale, à la vie matrimoniale. Il faut donc être éveillés.

Et le Seigneur nous dit que si nous sommes éveillés, dans une attitude de service, si vous êtes dans une logique de don et d’accueil de don mutuel – « je te reçois et je me donne à toi » - si vous êtes dans cette « respiration du don », vous allez vous garder et être attentifs, et vous pourrez repérer ce qui est source de séparation dans votre couple ou autour de votre couple. Vous serez ainsi attentifs à ça. Car entrer dans une logique du long terme, c’est rentrer dans un combat spirituel, à plus forte raison avec ce zapping si courant de notre temps, ce n’est ni facile si inné. Vous vous armez des sacrements pour entrer dans ce combat spirituel : le sacrement du mariage et de l’eucharistie sont faits pour vous soutenir dans votre vie matrimoniale, car vous reconnaissez que vous avez besoin de ce soutien.
Les fiancés qui viennent devant l’autel reconnaissent qu’ils sont des pauvres et que seuls, ils ne vont pas y arriver, car il nous est impossible d’être en permanence dans un logique de don à cause de cette part d’égoïsme que nous portons en nous : il y a le désir de dominer, il y a l’orgueil, l’égocentrisme, le désir de toute puissance, le désir d’avoir raison, d’avoir le dernier mot, tout cela est en nous. Dès que l’on a un peu de maturité et que l’on commence à avoir une bonne connaissance de soi-même est capitale pour entrer dans un temps long. Vous en avez fait l’expérience lors de la préparation que vous avez faite, Philippine et Geoffroy : la connaissance de soi-même est capitale pour poser un choix éclairé, car on est vite fragilisé par une manière du monde d’idéaliser le mariage comme quelque chose de statique et romantique à la fois. Bien entendu, il y a beaucoup de joie et beaucoup de bonheur, mais on rentre aussi dans un combat et on découvre quelque chose en soi-même qui s’oppose à l’amour de l’autre, à l’amour du conjoint, et c’est normal car notre nature est blessée.
Et c’est pour cela que vous venez comme des pauvres devant l’autel supplier la grâce. Et j’aime bien cette phrase du curé d’Ars :

« L’homme est un pauvre qui a besoin de tout demander à Dieu. »

Le mariage à l’Église, c’est bien la prise de conscience de notre vulnérabilité :

« Sans toi nous ne pouvons rien faire ! »
« Vers qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! »

Et les sacrements font un merveilleux écho à cette vulnérabilité. Plus j’avance comme prêtre, plus je suis marqué par la pauvreté, l’humilité des sacrements : un peu de pain, un peu de vin, un peu d’eau sur le front d’un enfant, un peu d’huile consacrée sur la peau d’un malade, quelques paroles entre un homme et une femme, et c’est le Ciel qui s’ouvre !
Voilà ce que sont les sacrements. Nous sommes la religion du vertige car nous sommes la religion de la disproportion : il n’y a pas de commune mesure entre ce pain et ce vin et le corps et le sang du Christ ! C’est la grâce qui fait le reste et le Royaume qui s’ouvre ! De même, dans cette parole que vous allez échanger un jour à une heure précise et toute la vie, il n’y a pas de commune mesure !
Et cette disproportion s’enracine dans une confiance.

C’est beau de voir que le Seigneur s’approche de nous avec humilité, et vous vous approchez aussi de Lui avec humilité, reconnaissant que cette attitude de service est une grâce. Par le mariage, vous allez servir l’humanité de l’autre, servir ensuite les enfants qui vous seront donnés par l’éducation. L’éducation est un service. Il y a aussi les service de ce qui vous entoure, et je sais que cela vous tient à cœur : vous ne voulez pas rester un couple auto-centré, vous avez aussi le désir du service et de la création au service des personnes les plus démunies, c’est ce que vous avez indiqué dans les textes que vous avez chois, à commencer par cette référence à l’hospitalité. C’est beau !

Chers Philippine et Geoffroy, je vous conseille de revenir souvent à ces textes là, parce que la parole de Dieu est une parole vivante. Ce n’est pas juste un poème ou un texte de sagesse. C’est une parole vivante car Elle nous éclaire en fonction des étapes de vie, elle illumine notre chemin. Et vous ici présents qui vous êtes unis il y a plusieurs années devant l’autel, refaites mémoire des paroles que vous avez choisies ; si vous avez oublié, essayez de retrouver votre livret de mariage pour le relire ensemble en vous remémorant pourquoi vous avez choisi ces textes, car c’est intéressant.

Chers fiancés, nous vous remercions vraiment pour ce choix éclairé qui nous aide, qui nous relance chacun dans notre vocation, là où nous en sommes de notre vie spirituelle : certains sont proches, d’autres sur le bord, d’autres reprennent contact, cela dépend de là où vous en êtes les uns et les autres dans votre vie de foi.
Vous nous redites que c’est dans cet abandon, que c’est dans cette remise de soi-même au Seigneur, dans cette confiance, dans ce lâcher prise que l’on trouve la source de la joie et de la béatitude, puisque c’est ce qui est dit là :

« Heureux sont-ils ! »

Dès que vous entendez ce mot heureux, pensez aux Béatitudes. « Heureux sont-ils ! » : il y a une source de joie à être au service l’un de l’autre. Et comme je l’ai dit plus tôt, la vie de couple est un service mutuel et réciproque, et la vie tout court est un service.
Cela me touche d’autant plus que j’appartiens à une communauté qui porte le beau nom de Serviteurs de Jésus et de Marie. Pour nous, le service est au cœur de notre vie, de notre consécration.

Ainsi, nous confions ce bel élan que vous vous donnez l’un à l’autre et que vous nous donnez aussi par le choix de ces textes.
Confions-le à la Vierge Marie - Servante s’il en est – et demandons d’être les témoins d’un dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !