La joie chrétienne

Le temps de l’Avent est celui de l’attente joyeuse de la venue du Sauveur. Cependant, ne soyons pas les naïfs de la crèche.
Il y a une joie spécifique à être chrétien ; la joie est en nous le fruit non de la grâce mais de la Foi : être bougon est incompatible avec la présence de l’Esprit Saint, avec la foi. C’est ignorer la résurrection du Christ.
La foi c’est avoir sur toutes choses le regard de Dieu et il n’y a pas de contradiction entre la lucidité chrétienne et la joie.


 Conférence à écouter sur ce sujet : La joie chrétienne par le Père Pierre-Marie.

Qu’est ce que la joie ?

C’est un sentiment exaltant ressenti par toute la personne en plénitude, une exaltation de la conscience, une émotion profonde. Il faut partir de la révélation chrétienne : c’est à travers ce que Dieu fait pour nous que nous pouvons expérimenter ce qu’est la joie.
Ainsi le peuple d’Israël découvre ce que Dieu fait pour lui dans la libération du peuple d’Égypte : cet acte fondateur lui donne son identité.
Un des fruits de la présence de Jésus est la joie.

La Création comme hymne à la joie

A chaque étape de la création, Dieu dit que « Cela était bon » ; c’est la joie de Dieu qui déborde dans ses œuvres : Dieu crée à son image et à sa ressemblance et « cela était très bon ».
L’homme est appelé à achever cette œuvre de la création et les parents sont pro-créateurs, ce qui procure une joie immense. C’est ainsi que l’homme fait aussi l’expérience de la rencontre, de l’amitié conjuguale, familiale, sociale et politique.

L’homme est fait pour vivre en société, c’est un « animal social » qui parvient à la maturité avec les autres :

Il n’est pas bon que l’homme soit seul" Genèse 2


« Pour le coup, c’est l’os de mes os, la chair de ma chair » car l’être humain est fait pour la communion, à l’image et ressemblance de l’amour trinitaire.
Cette communion est alors source de joie car elle accomplit sa vocation : quand on est libre, la joie jaillit.
Pour Aristote, l’homme est « un animal politique » ; dans la révélation biblique, l’homme est fait pour la communion ; il s’agit d’harmoniser les deux aspects.
La révélation chrétienne ne va jamais contre la raison. L’homme est gardien de la création, appelé à se réjouir de l’œuvre de Dieu : cf Ps 104 : « Bénis le Seigneur , ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ». que Dieu se réjouisse dans ses œuvres. Etre heureux que Dieu soit Dieu, rendre grâce pour toutes les merveilles de la création.

Le péché que nos parents Adam et Eve ont introduit dans le monde est celui de la tristesse : le don mutuel originel a été remplacé par une grande peur qui a installé dans le monde une défiance vis-à-vis de Dieu qui fait la victoire du démon, cette méfiance dans le cœur de l’homme qui le fait douter de l’amour de Dieu pour lui : Est-ce que Dieu veut mon bonheur ?
C’est ainsi qu’il y a comme un soupçon par rapport à Dieu depuis le XIVe siècle. Ce qui est donné à l’homme est enlevé à Dieu d’où une relation dévoyée envers Dieu qui procure cette angoisse à propos du salut : est ce que je suis sauvé ? C’est la grande question de Luther. Dieu toujours vu comme un concurrent qui ne veut pas mon bonheur ce qui a instauré un rapport de force. Le péché originel est démultiplié par l’idéologie, la connaissance et le progrès scientifique.

Or Dieu n’a pas laissé l’homme à sa tristesse, le dernier mot n’est pas le désespoir car Il appelle l’homme à la joie du salut.

Entrer dans la joie du Salut

Entrer dans la joie du salut, c’est entrer dans la libération qui est la source de la joie que l’homme expérimente à la fin d’une guerre par exemple.
Dans la Bible, c’est celle qu’a expérimentée le peule juif voué à une mort certaine si Dieu n’était pas intervenu pour lui permettre de franchir la Mer Rouge à pied sec : immense joie de la libération qui est remémorée à chaque vigile pascale ( cf. Exode ch 15).
Le peuple juif a alors découvert son identité profonde à travers ce que Dieu fait pour lui, à travers le don de la Terrre Promise annoncé par les Patriarches. L’expérience du salut se prolonge alors dans l’Alliance, dans le don de la Terre Promise auquel Israël répond par la fidélité au décalogue ; il est le seul peuple à qui Dieu se soit révélé.
Les fêtes liturgiques nous rendant contemporaines de ces évènements célébrés permettent de maintenir la mémoire des merveilles du Seigneur. Quand le peuple juif est en déportation, il lui reste la fidélité à la Torah.
Mais la joie de la libération de l’esclavage a été dissipée par l’idôlatrie : le grand péché originel d’Israël (qui procure la tristesse) quand il adore le veau d’or, voulant faire comme les autres, alors qu’il est le seul peuple n’ayant pas le droit d’être idolâtre.

L’homme a besoin d’être libéré non seulement à l’extérieur mais aussi il a besoin d’être sauvé à l’intérieur de lui-même car il a du mal à faire le Bien, à se convertir. Toute idéologie est une fausse réponse à une bonne question : notre salut vient-il de nous-mêmes ou de Dieu ? Or Dieu promet un cœur nouveau, c’est-à-dire un cœur capable d’agir pour accomplir sa loi ( c’est la joie de Noêl).
Isaïe ( cf.ch 9,1-2) est le grand prophète de la joie ; c’est le Messie qui libère et recrée. Le Christ vient rendre la création à la joie de son origine.

La joie de l’alliance nouvelle et éternelle

C’est la joie qui jaillit du cœur du Christ qu’il nous communique ; la sainteté, c’est laisser la grâce se développer en nous.
Les mystères joyeux du Rosaire nous introduisent dans cette joie mêlée :

  • à la naissance de Jésus, il n’y pas de place dans la salle ; situation paradoxale : Marie met au monde son enfant dans une crèche ;
  • puis survient la fuite en Egypte pour échapper à la méchanceté d’Hérode ;
  • au temple, Syméon prophétise à Marie :

    Un glaive te transpercera le cœur".

    C’est la croix annoncée ici.
    Le mystère du refus du salut, de la Bonne Nouvelle : Jésus est la lumière mais le monde ne l’a pas reconnu.

Jésus éduque ses disciples à la vraie joie : ne mettez pas votre joie dans vos succès, ni même dans les œuvres apostoliques.
La joie ne vient pas de que nous faisons mais de ce que nous sommes : nous sommes baptisés donc choisis par Dieu. Cela aide à comprendre le mystère des Béatitudes : « Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits les cieux » (cf : St Paul aux Ephésiens).
La seule tristesse véritable est celle du péché ; c’est pourquoi

Cette joie, nul ne peut nous la ravir" (Jésus après la Cène)


Nous sommes assurés de la victoire. La source de notre joie consiste à faire entrer les autres dans la connaissance du mystère de Dieu pour que notre joie soit complète.

La joie chrétienne : appartenir au Christ

Cette joie nous est communiquée : le cœur de Jésus, cœur humain, a su aimer Dieu. Dans la sainte Trinité, il y a une nature humaine. L’infini entre Dieu et nous a été comblé par une liberté humaine.
Dans la communion, Jésus nous prend dans le regard du Père. Quand nous regardons la croix, nous regardons aussi l’amour de Jésus pour son Père.
La joie du Christ c’est de rendre toute la création à son Père et notre joie chrétienne est de faire partie de ce grand mouvement : la joie du Christ devient alors notre joie, c’est la vie de la grâce. La joie est une grâce, un don mais aussi un combat, celui de la volonté pour rester fidèle à cette grâce. L’essentiel de la foi ou joie chrétienne consiste à appartenir au Christ.

La joie est aussi le fruit de la présence du Saint Esprit qui la fait jaillir : cf. Epître aux Galates : « …paix, joie, bonté, douceur… »
Cette joie n’est pas conditionnée par l’extérieur ; elle est la libération du péché, de tout ce qui empêche notre appartenance au Christ. Notre grand combat est celui de la foi : « J’ai gardé la foi » dit St Paul.

Cependant, la joie que nous expérimentons n’est pas sans mélange, sans souffrance ni douleur avec lesquelles elle est compatible. Dans la liturgie, il y a 2 dimanches qui invitent plus particulièrement à la joie :

  • le 3e dimanche de l’Avent : « Gaudete »
  • le 4e : « Laetare » joie du christ qui va venir Ce sont des paroles de joie et de consolation dans un temps de pénitence.

Saint François de Sales : un maître de la joie spirituelle

Il fut un pasteur en période de crise, évêque en exil ayant écrit un chef d’œuvre : Le Traité de l’amour de Dieu

La joie est le signe de l’abandon de notre volonté dans les mains de Dieu et prouve alors notre attachement, notre amour de Dieu. « Il faudrait songer à changer l’enseigne ! » dit St François, un jour à Ste Jeanne de Chantal alors qu’elle portait une très belle robe : « Vous songez à vous remarier ? »

Comment devenir joyeux ? En faisant comme si on l’était. Le démon a pouvoir sur notre imagination pour nous faire tomber dans son piège ; alors il faut prendre le contrecoup de la tristesse en disant les mots de la joie, en y croyant, en y restant. On peut dire qu’on aime quelqu’un avec lequel on a du mal quand on lui veut du bien.

L’eucharistie est une nourriture qui nous soutient dans les combats de la vie, le viatique pour ne pas défaillir en chemin (effet de la communion) ; la mission du directeur spirituel est de rassurer. Dieu est le vrai directeur de nos âmes avec l’Esprit Saint qui nous guide pour vivre l’Évangile.

Le Seigneur nous a créés pour la joie du ciel qui commence au baptême. Ce qui compte, c’est notre fidélité à cette vie de la grâce par la prière, la lecture de la parole de Dieu, moyen ordinaire de notre salut.
C’est aussi dans l’accomplissement de notre devoir d’état que nous faisons l’expérience de la présence de Dieu et que nous goûtons à la joie.