Homélie du deuxième dimanche de Carême

17 mars 2014

Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Chaque année, l’Église nous propose cet évangile de la Transfiguration pour le deuxième dimanche de Carême. Vous rappelez-vous l’évangile de dimanche dernier qui nous appelait à méditer sur les tentations de Jésus. Pourquoi ? Parce que les tentations peuvent nous conduire à nous couper de Dieu mais aussi le scandale de la souffrance et de la mort.
Pour méditer sur cet évangile de la Transfiguration, replaçons nous dans le contexte de ce passage d’évangile : Jusqu’ici, tout se passe bien avec Jésus. Il fait des miracles. Il y a de plus en plus de gens qui s’intéressent à lui. C’est comme une montée, on sens le succès qui vient ! et c’est très gratifiant pour ceux qui le suivent…
Or, juste avant la transfiguration, Jésus est venu casser un peu le bel enthousiasme de ses disciples en leur expliquant qu’Il devait souffrir beaucoup et qu’Il meure. Il leur a aussi annoncé qu’Il ressusciterait le troisième jour mais les disciples ne comprenaient pas bien ce que cela signifiait. Vous connaissez la réaction de Pierre lorsque Jésus annonce sa passion et sa mort : « non, cela ne t’arrivera pas ». Jésus le tance alors vertement : « passe derrière-moi, Satan ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».
Quelques jours après, c’est la Transfiguration. Voilà pour le contexte.

Dans le récit lui-même, savez-vous de quoi parlent Moïse et Élie avec Jésus ? Il parle de Son exode, c’est-à-dire de Sa passion et de Sa mort. Il y a donc un lien très fort entre la Transfiguration et la Passion et la mort de Jésus.
Quel est ce lien ? Nous pouvons voir ce lien à deux niveaux.

Un avant-goût de la gloire pour mieux vivre la passion

D’une part, sachant les souffrances à venir, Jésus veut les préparer en leur donnant un avant-goût de Sa gloire afin qu’ils aient le courage d’affronter Sa passion et Sa mort. Un peu comme le chirurgien, avant de vous faire subir une intervention douloureuse, vous dit que cela vaut la peine d’en passer par là, car vous serez bien mieux après l’opération. Même si c’est difficile, ces souffrances ne sont pas inutiles. Il invite à regarder au-delà.. Un autre exemple parmi d’autres, si le travail à l’école est dur, il faut regarder au-delà : l’obtention des examens et d’un métier intéressant.

Ainsi, la Transfiguration est un signe que Jésus a voulu pour préparer les Apôtres au scandale de Sa mort. Il est vrai que nous sommes tous rebutés par la souffrance et la mort. Le fait de voir le terme du chemin est vraiment une aide. Derrière les gros nuages de la passion et de la mort qui commencent à poindre, il y a le soleil. Les Apôtres sont invités à ne pas l’oublier.

Comme Saint Pierre, il nous faut savoir faire mémoire des moments lumineux de notre vie pour traverser les moments plus difficiles.
En effet, Saint Pierre a vécu un certain nombre d’événements lumineux dans sa vie : la première rencontre avec Jésus (Jn 1, 35-42) qui l’a profondément marqué ; la pêche miraculeuse : sur l’ordre de Jésus, il jette les filets alors qu’il n’a rien pris de la nuit. C’est le miracle qui impressionne tant Pierre (Lc 5, 4-8). Mais il y a aussi ce moment où Pierre marche sur l’eau (Mt 14, 22-33). Pierre, avant même la transfiguration, fait partie des trois privilégiés qui assistent à la résurrection de la fille de Jaïre (cf. Mc 5, 37 ; Lc 8, 51).
Vient ensuite ce moment inoubliable de la Transfiguration (cf. Mc 9, 2 ; Mt 17, 1 ; Lc 9, 28). Cela ne l’empêchera pas de renier Jésus pendant sa Passion mais cela l’aidera à revenir ensuite vers Jésus. Ces événements resteront gravés dans la mémoire de Pierre comme autant de souvenirs lumineux. Dans sa deuxième lettre, il rappelle qu’il a été l’un des « témoins oculaires de sa majesté. » (2 P 1, 16)

Ces moments de lumière ne se commandent pas : ce sont des cadeaux de la part de Dieu. Cependant, nous pouvons nous y disposer. Le début de l’évangile de ce jour est éloquent :

« Jésus les prend à l’écart, sur une haute montagne. »

À cet égard, nous remercions les jeunes professionnels qui ont pris le temps de venir à l’écart, sur cette haute montagne de Picardie pour se rendre disponibles pour Dieu.

Ainsi, il est essentiel de savoir garder en mémoire les moments où nous avons expérimenté la proximité de Dieu, Son intervention dans notre vie pour traverser ensuite les moments difficiles. On le voit bien, ce moment lumineux n’est pas un point d’arrivée, mais plutôt une étape dans le parcours, un temps de consolation, où certains mystères de notre foi nous sont apparus comme une évidence.

Comme Pierre qui voudrait dresser trois tentes et camper, nous aurions envie que ces moments de consolation durent toujours :

« Maître, il est heureux que nous soyons ici… » (Lc 9, 33)

Mais, Jésus les invite à redescendre de la montagne :

« Relevez-vous, n’ayez pas peur ! »

Ces moments lumineux nous sont donnés pour affronter les passages plus difficiles, plus obscurs dans notre vie. Accueillons-les comme des lumières afin de poursuivre la route.
Il me semble que cet évangile peut aussi être lu à un deuxième niveau : il s’agit aussi de porter notre regard et notre oreille vers Jésus :

Se mettre à la suite de Jésus mort et ressuscité

« Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour : écoutez-le ! »

Il ne s’agit pas d’une philosophie, d’une gnose, où il faudrait savoir toute une somme de choses sur le thème « acceptez la souffrance, et après cela ira mieux ». Il s’agit plutôt de rencontrer la personne de Jésus et de l’écouter.
En effet, les projecteurs sont tournés vers la personne de Jésus - plus exactement, ce ne sont pas des projecteurs extérieurs, mais Jésus lui-même qui éclaire tout !
La transfiguration n’est pas seulement une lumière pour nous préparer à la souffrance mais aussi une lumière sur la personne de Jésus afin d’affermir notre confiance en Lui, s’attacher à Lui et L’écouter. A travers cet épisode, les Apôtres découvrent plus profondément qui est Jésus et la voix du Père les invite à lui faire confiance. Dans la Transfiguration, le Père donne un témoignage sur son Fils :

Il reçut en effet de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque la Gloire pleine de majesté lui transmit une telle parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. »

(2 P 1, 17)

Passer de la vision à l’écoute

Vous savez qu’il est très différent de regarder et d’écouter :

  • pour regarder, on peut rester seul à distance, regarder de son mirador, rester indépendant et faire sa propre sagesse de vie voire sa propre religion. Dans ce cas, là nous restons les protagonistes ; nous n’entrons pas dans une relation. Nous voulons voir par nous-mêmes plutôt que de faire confiance à un autre qui a vu.
  • l’écoute, en revanche, est un pas ultérieur. On entre en relation avec l’autre par une certaine forme d’obéissance, une part de docilité, de confiance, un peu comme Abraham dans la première lecture. Ainsi, Pierre n’est pas invité à en rester à son admiration devant le spectacle de la Transfiguration, mais il doit se mettre en route. Quand la vision disparaît, ce qui leur reste, c’est la parole qu’ils ont entendue :

    « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! » (v. 35)

Cela fait écho à la profession de foi quotidienne des juifs : « Shema Israël », "Écoute Israël".
Ensuite, ils redescendent à la suite de Jésus, pour traverser les moments difficiles, mais aussi les autres moments. Au moment de la nuée, ils tombent la face contre terre, puis Après cette voix, devant leurs yeux, il n’y a que « Jésus, seul » (v. 36). Ils peuvent ainsi se centrer sur la personne de Jésus, car désormais, ils sont invités à écouter et à suivre Jésus. _ C’est une invitation à la confiance. Comme le dit bien la prière d’ouverture :

« Tu nous as dit Seigneur d’écouter ton Fils bien-aimé. Fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin, et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. »

En conclusion, je vous propose de suivre deux pistes :

  • Premièrement : savoir prendre des moments pour vous mettre « à l’écart », afin de vous rendre disponibles pour que Dieu puisse se manifester à vous. Il peut le faire quand Il veut, mais Il préfère que nous désirions ces moments, que nous nous disposions à ces moments de rencontre, un peu comme Élie qui va vers la montagne de Dieu. Prenons les moyens de rencontrer Dieu.
  • Deuxièmement : mettre en application la Parole venue du ciel : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ». Écouter Jésus, cela se fait notamment en lisant, en écoutant et en méditant la Parole de Dieu. Particulièrement en ce temps de Carême, sachons prendre notre Évangile pour méditer les paroles que nous donne Jésus, car ce sont des paroles de vie qui nous aident à traverser les moments plus compliqués de notre chemin.

« Faites tout ce qu’il vous dira… »

Les paroles de notre Mère du Ciel font écho à celle du Père. Confions-nous à son cœur maternel et demandons-lui, Elle la parfaite disciple, de nous aider à nous rendre disponibles comme Elle, pour accueillir la parole et pour la mettre en pratique.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 12,1-4a.
  • Psaume 33(32),4-5.18-19.20.22.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 1,8b-10.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 17,1-9 :

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.
Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.
Pierre alors prit la parole et dit à Jésus :
« Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »
Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »
Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur.
Jésus s’approcha, les toucha et leur dit :
« Relevez-vous et n’ayez pas peur ! »
Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul.

En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre :
« Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »