Homélie du 24e dimanche du Temps Ordinaire

18 septembre 2012

« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien aimés,

Pour comprendre la question du Seigneur : « Pour vous, qui suis-Je ? », il faut faire mémoire des évangiles des précédents dimanches : durant le mois d’août et jusque début septembre, nous avons médité sur l’évangile du chapitre sixième de Saint Jean, l’évangile du Pain de Vie, où Jésus disait : « Celui qui mange Ma Chair et boit Mon Sang demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. ».

Jésus se révèle par ses paroles et ses actes

Cette parole était tellement dure que certains de ses disciples ont commencé à quitter Jésus parce qu’ils trouvaient qu’Il allait à l’encontre d’un des interdits de l’Ancienne Alliance, précisément, c’est à dire l’interdit de l’anthropophagie. N’oubliez pas qu’au début du Christianisme, certains pensaient que les Chrétiens étaient des anthropophages, ils mangeaient un certain Jésus et ils buvaient son sang. Il fallait avoir la lumière de l’Eucharistie pour comprendre au fond ce mystère.

Et puis ensuite, après ce grand choc et cette séparation d’un certain nombre de disciples, il y a le discours sur le pur et l’impur. Début septembre, Jésus fait imploser les notions de pur et d’impur : ce n’est pas quelque chose qui est lié à des activités extérieures, à des ablutions, à des rituels, à des nourritures. Non, le pur et l’impur viennent du cœur de l’homme.

Ensuite, il y a eu cette guérison, ce miracle : celui de la guérison du sourd : « Effata, ouvre-toi ». Et enfin aujourd’hui, cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Chemin faisant, quand nous aussi nous faisons un chemin avec le Seigneur, nous nous posons un certain nombre de questions, tout comme les disciples de Jean-Baptiste :

« Est-il vraiment celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

L’Apôtre Pierre nous aide à répondre à cette question aujourd’hui

Il est important donc de répondre nous-même personnellement à cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Parce que Jésus interroge encore notre temps. Il semblerait que, parmi tous les livres parus dans le monde entier, le titre, le thème qui est le plus traité dans le monde entier est celui du Christ, précisément : « Qui est-Il ».
Et l’on voit ensuite notre ami Pierre qui répond avec son enthousiasme, sa force : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ».

« Ce n’est pas la chair et le sang, Pierre, qui t’on manifesté cela, mais Mon Père qui est aux Cieux. »

On voit donc Pierre, et à travers cette figure de Pierre, celle de l’Église entière, cette fulgurance, cette découverte dans l’humanité du Christ de la présence de Dieu. Et il nous faut toujours revenir à cela. Parce que l’on peut vite résumer la personne de Jésus, comme selon ce passage d’évangile, à un sage, à un homme qui nous donne une doctrine de vie.
Il y a beaucoup d’autres personnes qui donnent une doctrine de vie, des maîtres spirituels. Et on fait du Christianisme comme une morale, une manière de vivre, sommes-toute, qui élève la dignité humaine, comme on l’a vu à travers les siècles. Mais, on ne touche pas l’être même du Seigneur.
Cette fulgurance, cette grâce donnée à Pierre, cette grâce donnée à toute l’Église, de découvrir qui est le Messie, en la personne même de Jésus.

Puis, Jésus dit, pour découvrir et pour accéder à ce mystère d’un Dieu qui s’est fait chair, qui a pris la personne même du Seigneur, qu’il y a une condition : « Cette condition est de me suivre jusqu’à la Croix ». Et à la Croix, au contraire, on ne voit jamais le Seigneur : « Cela ne peut pas t’arriver. Cela ne t’arrivera pas ». Et Jésus, alors qu’Il avait félicité Pierre d’avoir découvert quelle était sa propre identité, lui dit : « Passe derrière Moi Satan. »…

L’Église passe par ces moments d’éblouissement et d’égarement

C’est intéressant de regarder l’histoire de l’Église, car l’on voit ces deux grands moments : ces grandes fulgurances, ces grandes certitudes, à travers la vie des Saints, par exemple, qui nous donnent vraiment de toucher le Seigneur au plus près. Et l’on voit en même temps ces reniements, ces éloignements :

« Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles de hommes. »

De façon assez récente, vous vous souvenez certainement que pendant l’année sacerdotale - le Pape Benoît XVI avait inauguré ce temps pour nous faire toucher du doigt le mystère du Sacerdoce – c’est aussi tout le scandale de la pédophile qui a éclaté. Cette alternance de lumière éblouissante et en même temps de grande misère, pour ne pas dire plus, que traverse l’Église…

Alors, il nous faut nous-même nous positionner face au Christ Lui-même et demander au Seigneur qu’Il nous donne, face à cette condition qu’Il pose, d’épouser, d’une certaine manière, le mystère du mal, :

« Si quelqu’un veut marcher avec Moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, qu’il me suive »

J’ai été très marqué lors des JMJ à Madrid par la prédication du Cardinal Archevêque de Bruxelles-Malignes, Monseigneur Léonard. Il disait :

« Au fond, le plus grand obstacle à l’Évangélisation, c’est le mystère du mal. Ce mystère du mal qui traverse le monde et qui fait que l’on se dit, et on l’entend : ‘‘mais si Dieu existait, cela ne pourrait pas advenir’’.
Et la réponse à ce mystère du mal, c’est la personne même du Christ. C’est Lui-même qui s’offre à la volonté du Père, pour prendre sur Lui la totalité des péchés de l’Humanité. »

Monseigneur Léonard allait plus loin en disant :

« Même l’existence de Dieu rend plus intolérable le mal, parce que l’on y voit comme une solution et Il ne fait rien. Mais, si le mal touche d’une manière ou d’une autre l’être de Dieu, et il le touche en l’humanité du Christ, alors, oui, on peut dire qu’Il s’est fait l’un de nous, Il s’est fait l’un de nos proches, il y a une lumière alors qu’il n’y avait que de l’obscurité.
Il y a un mystère, alors que c’était l’absurde qui était là, présent, et qui s’imposait à nous, dans toute la souffrance du Monde. »

Oui, frères et sœurs bien-aimés, nous sommes invités à faire ce geste de Foi, à adopter cette attitude de suivre le Seigneur. On le sait bien, notre histoire avec le Seigneur est parfois une histoire compliquée, parce que nous n’accueillons pas la volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste. Nous n’accueillons pas ce mystère de la Croix.
Cela nous est difficile à tous d’accueillir l’injustice, d’accueillir l’absurde. Il nous faut nous attacher eu Seigneur, en particulier dans la prière, dans les sacrements, dans la vie chrétienne habituelle, dans la communauté chrétienne. Il nous faut nous attacher au Seigneur pour découvrir une lumière dans la vie de Jésus, Lui qui, comme le dit la première lecture, a pris sur ses épaules la souffrance du Monde entier.
Il est crédible, le Christ, parce qu’Il s’est offert. En même temps, ce centrage sur la personne du Christ va nous aider à rebondir et à nous donner des forces nouvelles.

Demandons, au seuil de cette année de la Foi, que le Pape Benoît XVI va ouvrir le 14 octobre prochain, demandons au Seigneur d’avoir Foi ne la personne même de Jésus. A avoir Foi dans le fait que chacune de nos épreuves, chacune de nos attitudes qui s’apparentent aux pensées de Satan et qui semblent nous éloigner de Dieu, le Christ veut se faire proche de nous, nous toucher et nous ramener au Père. C’est le Cardinal Balthazar qui disait :

« En Jésus, Dieu a parcouru toute la distance qui éloigne l’Homme du Père. »

C’est à dire que l’on ne pas aller plus loin de Dieu que Jésus.
C’est intéressant de savoir que, justement, Il va jusqu’au bout du bout de la négation de Dieu, pour rejoindre chaque personne. C’est ce qui a fait que, très tôt, l’Église a eu ce sentiment qu’Elle devait être présente au seuil de l’Humanité, au seuil de l’Humain, au seuil du tolérable : dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les lieux de guerre, dans les lieux où l’Humanité est bafouée… là, Elle a senti un appel, alors que les autres pensaient à fuir. C’est pour cela. C’est en vertu même de cette parole du Seigneur que nous avons eu toutes ces œuvres de compassion, de charité, ces œuvres de courage qui nous amènent à découvrir la personne du Christ. Et Jean-Paul II disait :

« Il y a quelque chose qui nous aide à découvrir le Seigneur, c’est certainement la prière, la méditation. Mais, ce qui nous aide le plus à découvrir le Seigneur, c’est quand nous portons sur nos épaules une part de Sa Croix et de Sa Passion. C’est là où on le découvre de plus près. »

Demandons à la vierge Marie, Celle qui a cru en la personne du Christ, demandons-lui de nous aider, de prier pour nous, de prier pour tous ceux qui sont dans l’épreuve, de prier en particulier pour le saint Père qui est Liban, dans une terre tellement agitée, et en même temps tellement pleine d’enjeux, d’avenir…
Puisse le Seigneur répandre là-bas, mais ici aussi, l’abondance de Sa Paix,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 50,5-9a.
  • Psaume 116(114),1-2.3ac-4.5-6.8ac-9.
  • Lettre de saint Jacques 2,14-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 8,27-35 :

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait :
— « Pour les gens, qui suis-je ? »
Ils répondirent :
— « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau :
— « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » _Pierre prend la parole et répond :
— « Tu es le Messie. »

Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement.

Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »