Quelle est la spécificité du mariage à l’Eglise ?

6 septembre 2022

Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

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Texte de l’homélie de mariage

Frères et sœurs bien-aimés,

Lorsqu’avec Juliette et Timothée, nous avons préparé cette célébration, je leur ai donné un critère pour le choix des textes de cette messe. Je leur ai dit : « Que Parole de Dieu que vous choisirez puisse être l’expression de ce que vous voulez vivre.
Et, parce qu’elle est une source, vous puissiez y venir dans dix ans, quinze ou vingt ans pour vous laisser éclairer par elle. »

Un autre critère est aussi que l’assemblée qui vous entourera le jour J comprenne quelle est votre manière d’être disciple de Jésus dans votre vie matrimoniale.

Et je voudrais dire que les deux textes que vous avez choisis sont magnifique, car ils expriment l’amour tel que nous le concevons quand nous sommes disciples de Jésus.

Pour commencer, il y a la lettre de Saint Jean :

« Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. »

Quelle est la différence entre un mariage à l’Église et un mariage dans d’autres spiritualités, d’autres religions ? Qu’est-ce qui fait notre spécificité comme catholique ?

Vous le savez, chaque religion propose des rituels aux différents moments de la vie : à la naissance, à l’adolescence, au mariage et à la mort. Ce sont quatre grands rituels que les grandes sagesses proposent. Mais, pour ce qui est du mariage, c’est un peu différent des autres traditions spirituelles.
Alors que les autres religions proposent la bénédiction de la divinité, quelle qu’elle soit, sur les futurs époux, nous ne faisons pas seulement cela. Nous disons : « Celui qui aime est aimé de Dieu et connaît Dieu ! » Cela veut dire que, par leur mariage, Juliette et Timothée vont avoir une certaine expérience du Seigneur, une certaine manifestation de Lui, ils vont dire quelque chose de Dieu.

Non seulement c’est la divinité qui va les bénir, mais eux-mêmes vont dire quelque chose de l’amour de Dieu pour Son peuple. C’est tout à fait différent des autres traditions, c’est une spécificité catholique. Nos frères protestants n’ont pas ce sacrement du mariage, nos frères orthodoxes l’ont d’une façon différente, et nous, comme catholiques, nous avons cette conviction que chaque homme, chaque femme disciple de Jésus qui aime Dieu et qui connaît Dieu manifeste quelque chose d’un amour de toujours à toujours par leur manière d’être, par leur confiance dans l’autre : ils disent quelque chose de l’amour de Dieu pour Son peuple, pour chacun d’entre nous.

Ainsi, c’est tout à fait autre chose qui dépasse la simple bénédiction par un divinité. A travers votre engagement, vous allez être l’expression, vous allez dire quelque chose de l’amour de Dieu, parce que, celui qui aime Dieu Le connaît.

Alors, c’est vrai que cela peut paraître impressionnant, et c’est pour cela entre autres qu’il n’y a pas de séparation dans le mariage à l’Église car, l’amour de Dieu pour Son peuple est pour toujours. Il n’y a pas même l’idée de dire « stop ! »… Et c’est vrai que cela donne l’impression du vertige. Et il en est de même pour tout ce qui concerne la vie chrétienne.

Un peu d’eau sur le front d’un enfant, un peu de pain et un peu de vin, quelques paroles entre un homme et une femme, et c’est le Ciel qui s’ouvre. Nous le croyons, à chaque sacrement des grâces sont données. Et je vous l’ai dit, Juliette et Timothée : « Demandez des grâces ! »
Et vous mêmes qui êtes ici, en ce jour particulier, sachez que le Seigneur donne des grâces, parce qu’Il Se donne Lui-même à travers ce sacrement de mariage. Et, comment mieux s’offrir que dans le « Oui » d’un homme et d’une femme de toujours à toujours ?

Vous voyez ainsi la particularité du sacrement de mariage par rapport aux autres traditions qui ont aussi leur intérêt et ont une signification, mais plus de l’ordre de la coutume. Pour le mariage à l’Église, il y a comme un lien entre le visible et l’invisible.
D’une certaine manière, le Oui que Juliette et Timothée vont se donner l’un à l’autre retentit dans l’Éternité. Nous sommes les seuls à croire cela.

Vous qui êtes dans cette assemblée et qui vous êtes mariés il y a dix ou vingt ans, trente ou cinquante ans, puissiez-vous faire mémoire des lectures que vous avez choisies à ce moment-là. Cela fait peut-être trop longtemps pour s’en rappeler précisément – ressortez alors vos livrets – mais, essayez de faire l’exercice et demandez-vous en quoi ces lectures-là, cette parole de Dieu vient éclairer votre vie d’aujourd’hui, de parents voire de grands-parents.

C’est un bel exercice à faire, parce que cela permet de faire mémoire de ce « oui » que vous vous êtes donné l’un à l’autre, non pas comme quelque chose de passé. Vous le savez, dans la tradition biblique, faire mémoire c’est dire quelque chose du présent. Je fais mémoire de l’offrande de Jésus, en Sa passion, en Sa mort et en Sa résurrection, et c’est présent qu’Il est sur l’autel.
Pour le Chrétien, la mémoire est la faculté du présent

Juliette et Timothée, faire mémoire de ce que vous avez vécu et de ce que vous vivez, c’est aussi ce chemin-là qui vous est tracé. Nous ne sommes pas une religion d’amnésiques, mais nous sommes une religion de ceux qui font mémoire, de ceux qui souviennent et rendent la grâce de Dieu présente dans les événements passés.

En ce qui concerne le choix de l’Évangile, c’est extraordinaire ! Quel merveilleux choix que celui de l’Annonciation ! Cela signifie tout d’abord que vous vous enracinez dans une dimension d’amour de la Vierge Marie. Je le sais car nous avons longtemps cheminé ensemble, et je sais que pour vos familles, l’amour de la Vierge-Marie est important.

Tout à l’heure, vous allez aussi consacrer votre couple à Marie. Marie comme Celle qui a fait confiance. Parce que si nous sommes la religion du vertige, la religion de la disproportion, c’est parce que nous sommes la religion de la confiance.
Marie a fait confiance à la parole qui lui a été annoncée par l’ange. Elle s’est laissée décaler, bousculer, Elle s’est laissée toucher par la grâce de Dieu. Elle s’est aussi laissée aller à une intériorité.

Dans ce récit de l’Annonciation, il y a un mot qui me touche particulièrement, et vous le connaissez tous. C’est le mot entrer :

« L’ange entra. »

Cela veut dire que Marie était chez Elle. Mais cela ne signifie pas seulement qu’Elle était dans Sa maison, c’est aussi pour dire qu’Elle habitait Son intériorité, Elle n’était pas à l’extérieur d’Elle-même, dans des forces centrifuges, dans une course en avant, dans une forme d’activisme : Elle était chez Elle.

Cela vous interroge, Juliette et Timothée, sur la qualité de votre vie contemplative. Sachons que ce type de vie spirituelle n’est pas que pour les moines, elle concerne tous les Chrétiens, tous ceux qui font l’expérience de la présence de Dieu, d’« un Dieu plus intime à eux-mêmes qu’eux-mêmes », comme disait le grand Saint Augustin.

« Un Dieu plus intime à nous-même que nous-même… »

Comme disciples de Jésus, nous portons en nous-mêmes plus que nous-mêmes. Voici la définition du Chrétien : Juliette et Timothée, par le sacrement de mariage, vous portez en vous-même plus que vous-mêmes… Vous renvoyez à des réalités transcendantes dans le quotidien, dans les choses toutes simples. Il ne s’agit pas d’être déconnecté de la réalité, mais dans ce quotidien, dans cet ordinaire de la vie de couple, vous vivez quelque chose d’extraordinaire.
Voici ce qu’est être disciple de Jésus : vivre dans l’ordinaire quelque chose d’extraordinaire…

Oui, Marie nous y aide, par Son regard particulier sur événements et personnes. Elle nous aide à avoir, comme couple, cet accueil. Il s’agit peut-être de quelque chose de différent de ce que vous avez prévu. Quand on se marie, on imagine déjà son plan, on prévoit ceci et cela : les enfants, la carrière, la maison… on a notre projet, c’est le cas de beaucoup de couple, et puis, ça se passe autrement que ce que l’on avait prévu.
Prendre Marie par la main, c’est accueillir l’autrement, c’est sortir de sa zone de confort, de son plan et de cette manière d’être dans le contrôle pour entrer dans le lâcher prise.

Frères et sœurs bien-aimés, les fiancés ont choisi l’Annonciation non seulement parce qu’ils ont une profonde affection envers la Vierge-Marie, ainsi que leurs proches et vous aussi ici présents, mais aussi parce que cela dit quelque chose de la vie de couple. Cela témoigne du fait que la vie de couple suppose de se laisser déplacer, accepter de sortir de sa zone de confort, se préparer à vivre autrement que ce que l’on avait prévu. Et dans cet « autrement », Dieu est présent.

Juliette et Timothée, merci d’avoir choisi ce texte ! C’est vraiment très beau ! Cela donne la dimension, la profondeur de la vie matrimoniale et de la vie de couple.
Et vous qui êtes engagé dans un couple fidèle et durable, puissiez vous aussi méditer en quoi cette parole de Dieu vient nous visiter, nous qui sommes ensemble. En quoi vient-elle changer nos cœurs et nous renouveler dans le don de nous-même l’un envers l’autre.

On le sait bien, il y a une forme d’usure dans la vie commune, évidemment. Et comme la renouveler, comme se renouveler sinon en découvrant dans une confiance la présence d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à Son admirable lumière,

Amen !