Se laisser accueillir et aimer par l’autre dans la Foi, jusque dans sa fragilité

29 octobre 2018

Tout comme les disciples sur le chemin d’Emmaüs qui découvrent Jésus, le Seigneur nous invite à poser différemment les yeux sur l’autre et sur les événements de la vie : passer du regard humain au regard divin.
La Foi est un changement du regard qui permet de se laisser accueillir et regarder par l’autre au delà de nos fragilités, comme un don, une miséricorde, une grâce…

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Lorsque nous avons préparé cette célébration avec Béatrice et Philippe, je leur ai donné comme un critère pour le choix des lectures en les invitant à s’interroger sur ce sur quoi ils veulent témoigner tant comme couple – auprès de leurs enfants, de leurs familles et de nous tous qui les entourons – mais aussi pour revenir à cette parole comme à une source. Parce que nous le savons, la Parole de Dieu est une parole vivante.

Autant, la première lecture est souvent choisie, et vous l’avez peut-être déjà entendue dans des célébrations de mariage : c’est un programme de vie. Et ce serait heureux que certains d’entre vous qui se seraient mariés à l’Église fassiez mémoire des lectures que vous avez choisies pour cette célébration. Vous en souvenez-vous ? en quoi ces lectures ont-elles été et sont-elles encore une lumière ? La première lecture est un programme de vie :

« Pardonnez car vous avez été pardonnés ! »
« Vivez dans la paix, dans l’action de grâce… »
« Ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur… »

On pourrait pratiquement prendre chaque mot et chaque expression pour en faire un programme de vie. Et Béatrice et Philippe, quand vous faites la relecture de votre vie matrimoniale, il est bon que vous puissiez prendre cette première lettre de Saint Paul aux Colossiens et vous demander où vous en êtes de sa mise en application : y a-t-il des choses à transformer, à améliorer, d’autres choses dans lesquelles vous avez progressé ?
La lecture de la Parole est lumière, elle éclaire votre chemin. Et quand on fait une relecture, quand on regarde en arrière, on peut se demander de quelle manière cette parole nous a accompagnés.

La page d’évangile que vous avez choisie est plus rarement entendue dans des célébrations de mariage : pour ma part, c’est la première fois que j’ai à méditer sur les témoins d’Emmaüs pour cette occasion. Le choix est très heureux, et même extraordinaire ! On entend plus souvent les noces de Cana, le récit du service, de la dernière Cènes, « Aimez-vous les uns les autres »…
Mais, cette lecture qui se situe après la Résurrection vous correspond très bien car elle dit aussi que votre couple a été un chemin passant par des hauts et des bas – vous vous êtes rencontrés après avoir eu d’autres expériences auparavant. Et ce que vous nous dites à travers ce choix c’est que toute vie de couple est d’abord l’affirmation d’un chemin, d’un chemin avec le Seigneur.

Vous avez découvert – à tâtons au début, sans doutes parce que vous n’aviez pas la même manière d’envisager la vie de Foi – que le Seigneur était déjà présent dans votre couple. Chaque fois que vous manifestez votre amour par un acte, que vous vous aimez profondément, Il est là, présent.
Et à travers cet évangile, vous voulez dire aux uns et aux autres que, certes, notre chemin est un chemin singulier, mais ce n’est pas parce qu’il est singulier qu’il n’est pas beau, que le Seigneur ne nous accompagne pas. Parfois, on ne le voit pas au tout début : au départ, les deux disciples avaient les yeux embués et ne reconnaissaient pas le Seigneur, puis, progressivement, Il les a rejoints :

« De quoi discutiez-vous ? »

Puis, c’est l’affirmation de la Résurrection, la fraction du Pain :

« Ils le découvrirent… »

Mais, Il disparaît. Car la vie avec le Seigneur, c’est une vie de Foi, ce n’est pas le face à face qui est réservé à l’Au-delà, au moment de la mort. Et d‘une certaine manière, la vie matrimoniale est une vie de Foi.
Et voici une des premières questions que j’ai posées à Béatrice et Philippe : « Est-ce que vous vous voyez comme un don l’un pour l’autre ? »

Celles et ceux qui sont en couple, posez-vous la question : « Est-ce que je vois l’autre comme un don de Dieu, comme une grâce, une miséricorde faite à ma vie ? »

Cette question est importante : dans la mesure où vous découvrez que l’autre a été mis providentiellement sur votre chemin, à vos côtés – car il y a vraiment la marque de la providence dans votre rencontre, quelque chose de tout à fait inattendu. Et il y a une différence entre le couple que l’on a pensé au départ et celui que l’on forme dans la réalité : c’est encore plus beau…
Dans cette providence, vous avez découvert que le Seigneur vous tenait la main.

Et j’invite les couples qui sont aujourd’hui dans cette assemblée à se redire l’un à l’autre :

« Tu es une grâce pour ma vie ! Tu es un don pour ma vie, pour ce chemin que nous avons traversé, car nous avons des années derrière nous, mais encore aussi devant…
Et c’est avec le Seigneur que, main dans la main, nous venons cheminer. »

Alors, ça change tout, car on voit ainsi que la Foi, c’est le chemin du regard.

Et dans ce sens-là, il y a eu un changement dans le regard des disciples.

Au début, ils voient un homme et lui disent :

« Tu es bien le seul étranger à Jérusalem qui n’est pas au courant. »

Mais il ne le reconnaissent pas.

« Et ils le reconnurent à la fraction du pain. »

Et c’est vrai que cette manière de regarder qui est le propre de la Foi – du regard de Foi – doit être entretenu avec soin dans votre vie de couple. En effet, on peut être vite tenté de se décourager, à voir les points noirs dans la page blanche, tous les mauvais petits côtés et cela finit par prendre de la place : on se focalise sur ces fragilités. Nos humanités sont imparfaites, faites de creux et de bosses, mais, le Seigneur nous demande un autre regard.

Aujourd’hui, avec ce sacrement de mariage, le Seigneur vous fait cadeau d’un autre regard, un regard qui va jusqu’au cœur de l’autre, qui se laisse accueillir et aimer par l’autre, qui va dans une dimension profonde, qui ne reste pas à la superficie, qui découvre l’autre dans sa beauté, jusqu’à considérer les fragilités de l’autre comme une grâce et un don.

Vous avez atteint l’âge de la maturité, et dans cette étape, vous avez découvert vos fragilités. C’est important dans la vie de couple de manifester sa fragilité à l’autre. Ainsi, je peux dire :

« J’accueille ta fragilité, car ma manière de regarder est mue par la Foi, elle me fait découvrir que le Seigneur est là présent aussi dans cette fragilité. »

Alors, chère Béatrice, cher Philippe, on va demander pour vous cette grâce d’avoir un regard nouveau, d’être renouvelés. Car, que ce soit dans la vie matrimoniale ou sacerdotale, dans la vie de baptisé, il peut toujours y avoir la tentation d’un certain épuisement, d’une certaine lassitude, d’un découragement : « à quoi bon… »…. Et ça, ce n’est pas de Dieu. Et c’est pour cela que l’on vient auprès du Seigneur dans Son Eucharistie – comme vous le faites aujourd’hui, pour demander d’être renouvelés dans notre manière de regarder, d’avoir un cœur nouveau et un esprit nouveau, d’avoir des yeux neufs.

« Bienheureux ceux qui voient… »

Oui, frères et sœurs bien-aimés, à l’occasion de cette célébration, demandons les uns pour les autres un renouvellement intérieur, une grâce particulière d‘émerveillement, d’action de grâce, comme dit l’apôtre Paul dans la première lecture :

« Vivez dans l’action de grâce ! »

Vivez de cette action de grâce qui vient précisément d’une manière de voir événements et personnes dans la Foi.
C’est cette grâce que l’on va demander de façon particulière à la Vierge Marie, Elle qui a cru, Elle qui a fait ce chemin avec le Seigneur : puisse t-Elle aussi nous aider à cheminer de la main du Seigneur pour nous aider à nous découvrir et à découvrir l’autre comme un don, une grâce, une miséricorde,

Amen !