Se marier, c’est choisir la confiance

7 décembre 2015

« Le mariage, lieu d’accueil de la différence. »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie de mariage :

Frères et Sœurs bien aimés,
Chère Camille, cher Damien,

Lorsque nous avons fait cette préparation au mariage, dans laquelle vous vous êtes beaucoup impliqués, et que vous avez développée avec sérieux, lorsque je vous ai dit de choisir les textes pour cette célébration, je vous ai dit de les choisir comme une lumière pour votre vie.
Nous le savons, la Parole de Dieu est une Parole vivante. Ce n’est pas simplement un texte de sagesse, ou un texte philosophique, ou un poème, qui peuvent aussi être porteurs d’une certaine spiritualité. C’est la Parole de Dieu. Et cette parole de Dieu, elle nous accompagne tout au long de notre vie, elle éclaire notre chemin.
Et vous pouvez, vous qui avez déjà reçu le sacrement du mariage il y a un, deux, dix, vingt, trente ou peut être plus d’années, vous souvenir des textes que vous aviez choisis pour cette célébration. Et y revenir comme à une source.

Les textes que vous avez choisis sont à votre image, Camille et Damien. Ils sont à votre image. Le texte de la lettre aux Hébreux, c’est un véritable programme de vie.

‘’Persévérez dans l’amour fraternel, n’oubliez pas l’hospitalité’’.

Et lorsque nous avons parlé de votre projet de couple, vous avez dit que, vraiment, vous avez au cœur de votre projet de couple ce désir d’accueillir. D’accueillir toute personne, quelles que soient ses convictions, son origine sociale, quelle que soit au fond son appartenance religieuse,… Accueillir largement.
Et je pense que dans cet accueil, que l’on peut avoir à cœur les uns et les autres, il y a quelque chose de votre couple. Tout couple, quand il s’engage dans le mariage, reçoit cet appel à s’accueillir l’un l’autre, et à accueillir en particulier la différence qu’il peut y avoir entre l’un et l’autre, différence homme et femme, différence de culture familiale, différence de culture nationale,…

Mais pour vous, il y a eu aussi l’accueil d’une certaine différence, et vous allez le redire lors de la prière des époux. Si vous êtes tous les deux baptisés dans l’Église catholique, ce n’est pas dévoiler un grand mystère que dire que l’un et l’autre vous ne mettez pas le curseur au même endroit dans la dimension spirituelle, même si vous vous retrouvez sur le fond. Vous avez eu à accueillir, aussi, au cours de ces dix années de relation amoureuse qui sont passées par des hauts et des bas, vous avez eu à accueillir cette différence. Et le fait que vous soyez là, aujourd’hui, présents, c’est que vous avez fait tout un chemin spirituel pour découvrir que la différence n’est pas une menace, et c’est très important.
Vous pouvez entrer dans un projet de couple où l’hospitalité est au cœur parce que, précisément, vous avez découvert dans votre relation à deux des différences mais qui vous ont emmenés plus loin.

Oui, comme c’est bon pour nous de nous remettre face au Seigneur, parce que ce n’est pas simplement la force humaine, ou la force de nos psychologies qui fait qu’on accueille l’autre tel qu’il est. C’est aussi par cette présence de Dieu, comme le dit la lettre aux Hébreux : le Seigneur Lui-même a dit :

« Jamais je ne te lâcherai, jamais je ne t’abandonnerai. »

Le croyant n’est jamais seul ! Et ça c’est énorme. Il sait qu’il peut compter sur la présence de Dieu jour après jour. Il sait que le Seigneur chemine, et c’est le sens du sacrement du mariage, au cœur de votre amour pour que vous puissiez vous accueillir tels que vous êtes. Mais aussi accueillir les autres. D’abord vos enfants, avec la différence de chacun, car même s’ils sont nés d’un même foyer, les enfants sont tellement différents les uns des autres ! Mais aussi, de façon plus large, vos familles, vos amis, tous ceux que la Providence vous enverra.

Je trouve belle cette ouverture de cœur que vous avez. Même au plan spirituel, tu me disais, Damien, et c’est la raison de la présence de nos amis anglicans qui animent cette célébration, « j’ai trouvé dans la paroisse anglicane Saint Georges de Paris une vraie famille ».
C’est important de se rappeler qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’être chrétien. Pour commencer, il y a quatre Évangiles… Et donc, pour chacun d’entre nous, c’est beau de reprendre conscience que la présence de Dieu permet ce que l’on appelle l’altérité : accueillir l’autre comme autre que moi parce que j’accueille l’Autre comme le tout Autre, celui qui est à mes côtés et qui ouvre mon cœur.
Le manque de transcendance fait que, au contraire, on voit la différence comme une menace, parce qu’on est réduit à nos générosités plus ou moins équilibrées, à nos psychologies blessées, et on fait ce qu’on peut. Mais on le sait bien, si nos générosités ne sont pas portées et transportées par la présence de Dieu, elles s’éteignent vite, elles s’étiolent…

Comme il est bon pour nous de nous rappeler, à travers ce choix que vous avez fait de ce passage de la lettre aux hébreux :

« Le Seigneur est mon secours, je n’ai rien à craindre. »

Vous rentrez dans une confiance. Vous, nous, Frères et Sœurs bien aimés, parce que nous avons foi dans le Seigneur qui est présent, parce que nous avons foi en sa Parole :

« Moi, je suis tous les jours avec vous jusqu’à la fin du monde. »

C’est pourquoi nous pouvons nous engager, et aller d’engagement en engagement, car on le sait bien : le mariage n’est pas un sommet, le mariage est un début de cette vie à deux où vous vous engagez ensuite à l’accueil de la vie, et vous allez d’engagement en engagement pour témoigner justement de cette confiance face à un monde qui est sans cesse plus sécuritaire dans le sens où il ne tolère pas le risque ! C’est le fameux risque zéro, principe de précaution…
Tout cela fait beaucoup d’égoïsme qui s’abrite derrière ces grands mots ! Nous, nous accueillons parfois le risque, parfois l’échec, parfois la souffrance, parce que nous mettons d’abord la confiance au cœur de notre vie. Et vous la mettez, chère Camille, cher Damien, au cœur de votre couple. Il faut toujours se le redire, parce que la confiance est ce qu’il y a de plus attaqué : la confiance en Dieu pour commencer, source de toutes les confiances, la confiance en l’autre, la confiance en soi…

Alors oui, cela nous fait du bien de nous rappeler ce que ce passage magnifique de la lettre aux hébreux : « Le Seigneur est mon secours, je n’ai rien à craindre. »

Et puis l’Évangile, magnifique, extraordinaire !

« Vous êtes le sel de la terre, la lumière du monde. »

On connaît bien cet Évangile. Quand on s’aime, de la nature de l’amour va le rayonnement, de la nature de l’amour est la fécondité. Un couple replié sur lui-même, comme on peut le voir dans des amours adolescentes (et parfois l’adolescence va au-delà des dix-huit ans), eh bien c’est un amour qui ne rayonne pas parce que c’est un amour qui a peur, et donc on veut tout faire pareil, on veut que l’autre soit comme soi ! Il n’y a pas d’amour entre les clones…
Nous, nous croyons au contraire que, parce que nous mettons le Seigneur au cœur de notre amour, nous recevons, nous accueillons le Seigneur au cœur du couple, alors il y a un rayonnement bien au-delà de ce couple.
Et c’est très beau, justement, dans ce nouveau rituel du mariage catholique, dans le dialogue que nous allons avoir avant l’échange des consentements, je vous poserai la question :

C’est une messe d’envoi. Vous êtes envoyés à deux vers l’Église et vers le monde pour le rendre plus lumineux, plus fraternel, et Dieu sait qu’il en a besoin, et Dieu sait aussi que l’Église en a besoin…

A travers ce choix de lectures, vous dites clairement que vous vous engagez bien sûr dans cet amour à deux, mais que cet amour vous le partagez aussi avec le Seigneur, et alors votre vie va porter du fruit : fécondité à travers les enfants, et c’est ce que l’on vous souhaite de tout cœur.
Mais on sait bien que la fécondité d’un couple, la fécondité de ceux qui s’aiment va bien au-delà des enfants, parce que l’amour porte du fruit et rayonne de par sa nature ! Le bien est diffusif de soi. Un peu comme lorsqu’on jette un caillou dans un lac et l’on voit des vaguelettes qui rejoignent jusqu’aux berges les plus ultimes.

Vous portez d’autres dans votre amour, chère Camille et cher Damien, vous portez d’autres, et vous qui vous êtes engagés dans cette voie, et nous prêtres engagés dans le sacerdoce, nous portons d’autres !
Certes, l’engagement est une démarche intime, personnelle, mais ce n’est pas une démarche solitaire, pas du tout. Au contraire, la manière de vivre en Église, c’est faire corps, et quand quelqu’un s’élève, il élève le corps, parce que chacun porte les autres.
Oui, c’est là la différence avec l’esprit du monde, tellement replié sur soi, tellement égo-centré, égoïste : « moi-je ! moi-je ! ». Eh bien, nous disons NON à cette logique parce que nous estimons de façon très claire que ce n’est pas cela qui rend heureux ! Nous disons OUI à un amour qui va, et qui rayonne, et qui retentit jusque dans l’éternité ! Nous partirons de cette terre avec les actes d’amour désintéressés que nous avons accomplis dans notre vie.

Il est heureux que, comme c’est souvent la tradition dans les églises de campagne, le cimetière soit tout à côté de l’église pour nous rappeler que nous sommes aussi avec nos fidèles défunts, en particulier ton grand-père, Camille. Nous sommes un corps avec ceux qui nous ont précédés, connus ou inconnus, nous sommes aussi corps : c’est cela le sens : on passe par le cimetière pour entrer dans l’église. Avec ceux qui sont déjà dans la gloire, nous l’espérons, nous célébrons ce mariage ici-bas.

Jésus prend très au sérieux l’amour humain, à tel point qu’il en fait un sacrement, un signe de sa présence au milieu de son peuple. C’est là la différence avec les autres religions. La fondation d’un couple est liée à la formation d’une famille, il y a une sorte de bénédiction qui est lui donnée.
Mais le fait que ce soit un sacrement, c’est tout à fait autre chose. Non seulement vous demandez la bénédiction, que Dieu dise du bien de vous, oui, mais vous voulez être signe de cet amour de Dieu.
Ainsi, comment puis-je découvrir que Dieu m’aime ? Eh bien je regarde Damien, je regarde Camille, dans leur amour. C’est un signe, un reflet modeste, mais réel, de cet amour de toujours à toujours.

Alors, Frères et Sœurs, laissons-nous tirer vers le haut par cette Parole du Seigneur ; laissons-nous tirer vers le haut par la confiance que Dieu nous fait, vous fait chère Camille et cher Damien. Puissions-nous aussi être les témoins d’un Dieu qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière.

Amen.


Références des lectures choisies :

  • Lecture de la lettre aux Hébreux (Hébreux 13,-6)

Frères, persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. Souvenez-vous de ceux qui sont en prison, car vous partagez leur épreuve. Souvenez-vous de ceux qui sont maltraités, car vous aussi, vous avez un corps. Que le mariage soit respecté par tous, que l’union conjugale ne soit pas profanée. Que votre vie ne soit pas menée par l’amour de l’argent : contentez-vous de ce que vous avez, car Dieu lui-même a dit : jamais je ne te lâcherai, jamais je ne t’abandonnerai. C’est pourquoi nous pouvons dire en toute assurance : le Seigneur est mon secours, je n’ai rien à craindre !

  • Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu (Mt 5,13-16)

Comme les disciples étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : " Vous êtes le sel de la terre. si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. "