Homélie du 32e dimanche du Temps Ordinaire

13 novembre 2012

ésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde.
Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

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Texte de l’homélie :

« Elle a pris de son indigence : elle a tout donné… ! »

Bien chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, deux femmes nous sont données en exemple. Veuves et pauvres, elles nous livrent le cœur de la Révélation et ne peuvent laisser indifférent qui veut suivre le Christ.

Les pauvres témoins de la richesse du Royaume :

La veuve de Sarepta

C’était 900 ans avant J-C, au temps d’Achab, roi de Samarie, un infidèle au Dieu d’Israël… Élie, chassé de sa patrie par la sécheresse qu’il avait prédite, rencontre sur son chemin en Phénicie, une pauvre veuve n’ayant plus qu’une poignée de blé et quelques gouttes d’huile pour se nourrir. Consciente de la précarité de ses moyens, elle accepte pourtant de préparer pour le prophète, le pain qu’elle avait l’intention de cuire pour elle et son fils, avant de mourir. Aussi, ayant tout donné, elle fut récompensée, car « jamais plus, chez elle, jarre de farine ne s’est épuisée et vase d’huile vidé ».

La veuve aux deux piécettes

C’était à quelques semaines de la passion. « Assis dans le Temple, face à la salle du trésor… Jésus regarde les nombreux pèlerins qui versent une offrande dans le tronc », et beaucoup, s’acquittant de leur devoir, « versent de grosses sommes ».
Or, voici qu’au milieu de cette foule, une femme se faufile. Quelqu’un ferait-il attention à elle ? Aucune élégance, aucun maquillage, aucun bijoux, aucun renom ! Une pauvre femme, inconnue, veuve et sans revenu… Son souci : passer inaperçue pour mettre son offrande, « deux piécettes ». Oui, Deux piécettes, c’est si peu, pour le trésor… Et Jésus voit cette femme, et Il voit ces deux piécettes. Et, parce qu’Il connaît toute chose, Il sait aussi qu’elle donne ce qu’elle a… et même, tout ce qu’elle a…
Alors qu’elle en aurait eu besoin pour vivre, ne pouvait-elle pas seulement offrir une de ses deux piécettes ! Geste fou que Jésus pourtant admire :

« Vraiment, Je vous le dis, cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde ».

Curieux calcul, direz-vous ! Comment deux malheureuses pièces pourraient-elles avoir plus de valeur que tous les gros sous des autres ? Or, dans ce geste, précisément, Jésus lisait la vie et l’âme de cette pauvre femme perdue au milieu des riches pharisiens aux robes solennelles claironnant leurs offrandes sans même amputer leur subsistance. Seule, inconnue, méprisée, se doute-elle, un instant, cette femme, qu’elle est regardée, admirée, aimée ? Et ce, par le Fils de Dieu en personne qui au Ciel le lui rendra !

Oui, frères et sœurs, voilà ce que Dieu aime : la foi vive, l’humilité prête au dépouillement, le cœur qui donne sens et valeur aux gestes… Celui qui n’élabore pas des théories abstraites, mais se donne et s’engage lui-même. Voilà, la richesse et la leçon des pauvres !

Et quelle richesse ?

Rien d’autre que la foi et l’amour ! Car, donnant de leur indigence, ces pauvres savent que Dieu vaut qu’on lui donne tout et que Lui pourvoira à leur survie :

« Dieu n’entend-il pas le cri des petits et des malheureux, ne fait-il pas justice aux opprimés, à la veuve et l’orphelin » ! (comme le chante le psalmiste)

Assurément, frères et sœurs, nous avons là l’Essentiel : non pas le rang social, non pas la situation économique, pas même la grandeur matérielle de l’action accomplit, mais… la foi et l’amour. Tel est le paradoxe chrétien qui renverse l’échelle de nos valeurs humaines. Telle est, de la Genèse à l’Apocalypse, l’ultime vérité que nous livrent ces femmes et que Marie a si merveilleusement vécu et chanté :

« Dieu élève les humbles, Il comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides ».

Cependant, frères, ces femmes nous livrent encore un message :

L’infinité du Don de Dieu aux hommes

En effet, à la lumière de la deuxième lecture, le Père ne jette-t-il pas dans le tronc des offrandes, tout ce qu’Il a, non seulement son bien le plus chéri, mais aussi son bien le plus nécessaire ?

« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn.3,16)

Mais encore, en regardant ces deux veuves, comment ne pas penser à Jésus qui va tout donner !

« Voici mon corps livré pour vous…
Voici mon sang versé en rémission des péchés pour la multitude ».

Ainsi, Dieu n’a pas calculé, Il a tout donné, car Dieu est Amour et le propre de l’Amour est de tout donner gratuitement, sans calcul.

Cependant, Frères et sœurs, ses pauvres veuves nous donnent encore et aussi une leçon.

Et quelle leçon ? Une leçon qui regarde tous et chacun

Et qui touche trois niveaux de notre vie :

  • Tout d’abord, celui de notre relation personnelle à Dieu. En effet, que donnes-tu à Dieu qui t’a tout donné ? Et déjà, qu’est-ce que ta prière lui donne ? De bonnes pensées, de beaux sentiments, de belles idées, une heure le dimanche, quand on arrive à l’heure ! Cependant, lui donnes-tu ton cœur, ton amour, ta vie ! Combien de temps te tournes-tu vers Dieu, dans une journée, pour le laisser poser sur toi son regard et l’entendre te redire : « tu es mon enfant bien-aimé… je t’ai racheté ».
    Quant à la confession régulière, sans laquelle il ne peut y avoir de vraie croissance en Dieu ! Qu’en est-il ?

    « Aimer Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit »

N’est-ce pas là, frères et sœurs, la vocation de chacun ! Une vocation à l’Amour ! Cependant, qu’est-ce que l’Amour ? Non pas une vibration sentimentale, non pas un raisonnement théorique ou un calcul savant, mais un don de soi à conjuguer au présent. Voilà frères, la leçon de ces pauvres veuves dont le geste a marqué l’Éternité. Voilà la leçon des dernières gouttes de son sang que Jésus a données pour que nous ayons la Vie en plénitude. Oui, Dieu n’a pas calculé, Il a tout donné ; tel es le mystère qui nous rassemble chaque jour autour de la table eucharistique, comme ce matin.

  • La deuxième leçon est aussi celle qui regarde notre relation au prochain. Car, frères et sœurs, aimer Dieu, c’est aussi aimer comme Dieu nous aime. Ainsi, de même que Dieu a porté attention à ces pauvres femmes, de même Il t’invite à changer tes regards trop humains sur les personnes, et particulièrement sur celles et ceux qui ne sont pas d’emblée attirants et peut-être même un peu rebutants par leur manière d’être, de faire et de dire, comme par leur âge et leur manque d’élégance. Pensons à ceux qui nous entourent qui n’ont qu’un petit salaire, sans réserves financières ; celles et ceux qui sont à la merci d’une maladie grave, d’un licenciement ou d’un retard dans les versements de la Sécurité Sociale ; Cette femme ou cet homme qui vit dans la continuelle inquiétude, parce qu’il où elle est seul(e), sans personne qui la regarde, et la réconforte dans sa solitude et sa détresse quotidienne.

Quant à mon regard sur cet étranger qui enlève les ordures devant ma porte, dans ma rue ou le jardin public que je traverse… quel est-il ? Et cette femme un peu grossière, que j’essaie d’éviter parce qu’un peu encombrante et indiscrète par sa manière pourtant souriante et pleine de bonne humeur, et qui n’hésite pas à prendre sur sa retraite pour offrir le petit rien qui vous fera plaisir, parce que sa joie est de vous faire plaisir. Et combien, la liste pourrait s’allonger !

  • Enfin cette leçon regarde aussi ma propre relation à moi-même. Frères et sœurs, combien de fois, comme dans ce passage, Jésus dénonce les puissances qui aveuglent les hommes ! Ces puissances s’appellent : vanité, cupidité hypocrisie. Trois vices au fondement desquels nous trouvons le besoin de se faire valoir aux yeux des hommes plus que devant Dieu. Et ce, par exemple, lorsque des chrétiens même pratiquants affectent de se montrer « à la page », ou « dans le vent » en ce qui touchent aux idées religieuses à la mode telle la réincarnation ou aux opinions du jour, comme l’avortement, l’euthanasie, le mariage et la famille… Aussi, cette attitude, n’est-elle pas signe d’un manque d’une vraie relation vivante avec Dieu et d’une véritable générosité spirituelle ? A chacun de voir où il en est de sa vie baptismale de fils et fille du Père appelés à être « saints » devant sa face.

Conclusion

Frères et sœurs, qui pourrait se dire, en effet, indemne de l’esprit qui est reproché aux scribes ? Qui pourrait croire surtout n’avoir rien à apprendre du geste discret de la veuve à l’obole ?

Seigneur, Toi notre Modèle Suprême, Tu as tout donné : ta Parole et ta Vie. Tu t’es offert en sacrifice pour nous et Tu continues chaque jour à Te donner dans le Pain Eucharistique. Change nos regards sur les petits et les pauvres qui sont à nos portes, éloigne de nous hypocrisies et faux-semblants et daigne ouvrir nos cœurs à un vrai partage qui nous coûte et nous engage à ta suite avec Marie notre Mère.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 17,10-16
  • Psaume 146(145),5-6a.6c-7ab.8bc-9a.9b.10.
  • Lettre aux Hébreux 9,24-28.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 12,38-44 :

Dans son enseignement, Jésus disait : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. »

Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes.

Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde.
Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »