Homélie du 32e dimanche du Temps Ordinaire

9 novembre 2015

« Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. »

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Texte de l’homélie :

« En ce temps-là »… Quel temps est-ce ?
Nous sommes à la fin d’une section où, après les Rameaux, Jésus vient de rencontrer tous les partis à la fois religieux et politiques qui peuvent exister : les grands prêtres, les Anciens, les Scribes, les Pharisiens, les Hérodiens, les Saducéens… On pourrait dire les évêques, les députés, les sénateurs, et tous les courants spirituels. Et Jésus y a stigmatisé tout ce qui stérilise la Parole de Dieu, dans la pensée et dans les comportements de chaque groupe.

Au début du passage, il y avait le figuier stérile, et dans notre passage, on nous dit « la foule prenait plaisir à l’écouter », et dans le même temps Jésus dénonce tout ce qui stérilise l’accueil de l’Évangile.

Dieu nous aime, Il est venu pour notre Salut, pour la Foi qui est une force de Salut. Jésus ne nous donne pas simplement un cadre de croyance. L’Évangile est une force de Salut pour celui qui croit.

Jésus dit : « Méfiez-vous, gardez-vous, faites attention au levain des Pharisiens et des Scribes. » Et Jésus va prendre ces reproches que nous venons d’entendre : les vêtements d’apparat, les premières places, l’apparence, les honneurs, la cupidité (avec la veuve), l’hypocrisie (avec la prière),… et pourtant, il n’y a rien de neuf dans cet enseignement, tout a déjà été dit dans les prophètes.

Il est important pour Jésus, comme il est important aussi pour le Pape François qui lui ressemble d’une manière admirable dans un sens, à la fois de parler d’une manière nouvelle, de cette manière vivante du Seigneur, et en même temps de mettre chacun en garde contre ce qui va stériliser notre vie. Il y a de nombreux passages dans la Joie de l’Évangile, dans de nombreux entretiens, dans ses messes du matin où il dit de faire attention aux murmures, qui vont stériliser l’Évangile et la miséricorde en nous. Parce que, et c’est ce que fait le Pape François en proclamant cette année de la miséricorde, il a le désir que brille à nouveau en nous dans l’Église la beauté, la force de l’Évangile. L’année de la miséricorde est faite pour que nous puissions contempler et faire l’expérience de Jésus qui est la miséricorde du Père, pour que l’Église (c’est-à-dire nous) puisse être signe visible et efficace du Royaume de la miséricorde.

Dans notre passage d’Évangile avec la veuve, on va voir réapparaitre les disciples que nous n’avions pas vus depuis plusieurs chapitres. Et Jésus met en garde ses disciples : « attention, méfiez-vous », comme il met en garde la foule, et nous-mêmes. On peut se souvenir de l’enseignement que Jésus a donné à ses disciples quelques chapitres plus tôt : par rapport à la vanité Jésus enseigne qu’il faut servir et donner sa vie. Pour ce qui est de la cupidité, de l’appât du gain, ici il est question de la veuve pauvre, mais Jésus avait invité aussi à accueillir les petits, à partager ses richesses. Quant à l’hypocrisie, Il avait invité à croire et à pardonner.

Ce n’est pas un passage d’Évangile anodin. Il va nous conduire au centre de ce qu’est l’Évangile. Parce que ce que vient annoncer Jésus, c’est le Salut. Mais Il vient nous sauver de quoi ? Depuis la Genèse, Il vient nous sauver de la violence, de la cupidité. Cette violence ici c’est cette vanité-hypocrisie qui mène à la rivalité, à la violence, qui est le fait d’Adam, de l’Homme qui ne veut pas faire de place à Dieu, qui ne veut pas écouter Dieu, qui met le doute sur Dieu, et qui est le moteur de nos sociétés.

Vous entendez bien, dans le discours de Jésus, ce n’est pas une histoire de rigorisme ou de laxisme. Il y a de tout cela dans les différents partis que Jésus rencontre, mais aucun ne peut s’identifier à Jésus parce que Jésus les déborde tous ! Parce que ce n’est pas une histoire de partis, c’est une histoire d’exigences cet Evangile. On essaye bien de mette Jésus au rang des laxistes, « Il mange avec les pécheurs », on essaye de Le coincer. En même temps, dans son enseignement sur le mont des Béatitudes, Il dénonce la moindre petite violence, la moindre petite cupidité, Il ne laisse passer rien du tout.

Donc ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Il s’agit d’implorer, de suivre le Seigneur, pour être délivré de cette loi qui mène le monde dans la violence et la cupidité. Et avec l’Épitre aux Hébreux, nous sommes amenés à ce Salut que Jésus vient opérer. Si toutes nos sociétés, si toute notre humanité, si toute notre vie de fils d’Adam est bâtie sur cette violence, sur cette cupidité, eh bien Jésus vient comme la vider. Le texte disait : « Une fois pour toutes, à la fin des Temps, Il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. » Dans ce sacrifice, Il vient comme vider cette rhétorique du monde qui désigne parfois des coupables, des ennemis. Et Jésus, victime, clame son innocence, Il est innocent. Et cela vient renverser le sens du sacrifice parce que dans son geste d’offrande Il est victime, mais Il reste dans ce dialogue avec le Père.

Alors nous voici avec cette veuve. Et Jésus va revenir à cet essentiel : qu’est ce qui pour nous est important ? Il nous invite à regarder tous ceux qui ont donné. Ils ont donné de leur superflu : finalement, cela ne leur a pas coûté grand-chose. La veuve, elle, a donné de son nécessaire. Et le texte dit même dans son essence : elle a donné toute sa vie. Parce que c’est ce qui est important avec Jésus : c’est que nous puissions Lui donner notre vie entière, Lui donner la main, apprendre à nous abandonner, apprendre à Le laisser guider nos vies. Et accepter la miséricorde, c’est cela : accepter que sa lumière vienne sur toutes les parties de notre vie et qu’elle en soit vivifiée.

« Aimer, c’est tout donner » aimait à dire Thérèse. Saint Paul insiste : « Je pourrai faire toutes les actions possibles, si je n’ai pas la charité, cette capacité de don, tout cela ne me sert de rien. » Nous sommes donc invités, avec l’Évangile, à revenir à l’essentiel : apprendre à donner, et non pas à garder, accaparer, prendre pour soi, etc.

Je voudrais rajouter juste une chose, avec la veuve de Sarepta. Elle est pauvre elle aussi, elle n’a plus rien. On le voit bien dans notre vie, les plus pauvres sont toujours prêts à donner. Il nous faut faire une remarque : la jarre ne s’épuisera pas, et la farine non plus. Le miracle n’a pas été de remplir la jarre pour longtemps. Non. Il n’y a toujours eu qu’une poignée de farine. Et la veuve avait beau puiser, il y avait encore, et encore, pour le jour suivant. Mais jamais qu’une poignée.

Lorsqu’on essaye de vivre en se donnant, ce n’est pas parce que nous sommes bien nés, que nous avons beaucoup de ressources. Mais c’est qu’à chaque instant le Seigneur nous aide à donner ce qu’il faut. C’est comme la manne qui est donnée pour chaque jour. Ce don de chaque jour n’est pas quelque chose d’extraordinaire, mais c’est le don des pauvres.
Alors, si nous nous trouvons pauvres, n’ayons pas peur, suivons le Seigneur, parce que justement ce don est accessible à chacun d’entre nous, ce Salut qui nous sort de la violence et de la cupidité est pour chacun d’entre nous pour le Salut du monde.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Premier livre des Rois 17,10-16.
  • Psaume 146(145),7.8-9a.9bc-10.
  • Lettre aux Hébreux 9,24-28.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 12,38-44 :

En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait :
« Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners.
Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »

Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes.
Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie.
Jésus appela ses disciples et leur déclara :
« Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »