Homélie de l’Assomption de la Vierge Marie

19 août 2018

« Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés, nous avons la chance de célébrer le baptême et la première communion de plusieurs enfants aujourd’hui, en ce jour de l’Assomption.
Un papa à qui on demandait pourquoi il faisait baptiser son enfant, a eu cette réponse très belle :

Marie nous rappelle que notre destinée, c’est le Ciel. Nous ne sommes pas faits pour les choses de la terre. Elles ne comblent pas le cœur de l’homme.
Frères et sœurs, avez-vous cette ambition spirituelle pour ces enfants mais aussi pour vous-mêmes ? Avez-vous l’ambition d’être au Ciel auprès de Dieu comme la Vierge Marie ?

Ce matin, je vous propose de méditer autour de 3 mots qui caractérisent le cheminement de ceux qui s’avancent vers le Ciel : joie, courage, espérance.

Joie

Quels sont les motifs de la joie de Marie. Elle nous en donne quelques bribes dans son magnificat que nous avons entendu dans l’Évangile. Marie se sait l’objet d’une attention toute particulière de la part de Dieu :

« Il s’est penché sur son humble servante. »

Elle a conscience de ce que Dieu a fait pour elle :

« Le Puissant fit pour moi des merveilles ! »

Mais Marie ne se réjouit pas seulement pour elle-même. Elle se réjouit de l’action de Dieu envers ceux qui se confient en lui :

« Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »

Et en particulier envers les pauvres et les petits :

« Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, Il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »

Elle s’émerveille de la fidélité de Dieu à ses promesses :

« Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie était déjà heureuse lors de la visitation, alors que dire lorsqu’elle est au Ciel ! Comme le disait le Père Lamy, notre fondateur :

« Dans la Sainte Vierge, la joie surabonde. Elle a la plénitude des joies du ciel. Essayer de définir sa joie est pour moi l’impossible : il faudrait un bon théologien, et encore ! » (Abécédaire p 21).

En cette belle fête de l’Assomption, Marie nous invite donc à la joie mais pas n’importe quelle joie. La joie de Marie n’est pas d’avoir gagné au loto. Ce n’est pas d’abord une joie d’ordre matériel. C’est une joie qui concerne avant tout la relation avec Dieu, un Dieu qui nous aime.

Le baptême de Shelby et de Rani est l’occasion pour chacun de nous de reprendre conscience de la belle grâce de notre baptême. Le baptême vient instaurer une relation privilégiée avec Dieu. Il fait de nous ses enfants et nous purifie de tout péché. À partir de l’instant de notre baptême, nous sommes habités par Dieu d’une manière toute particulière :

« Ne savez-vous pas que vous êtes un (temple) sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?
Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous. » (1 Co 3)

Le Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, vient faire sa demeure en nous. C’est triste une maison inhabitée. C’est triste quelqu’un qui n’est pas habité par Dieu. Mais justement, nous avons cette chance, cette grâce d’être habités par Dieu.
Nous ne sommes plus seuls. Dans les moments d’obscurité, dans les moments d’épreuve, il est terrible d’être seul. Mais Marie nous rappelle que nous ne sommes pas seuls.

La première communion de Sinto, Levi et Shelby sont aussi pour nous l’occasion de reprendre conscience de manière plus vive de la chance et de la grâce que nous avons de pouvoir recevoir le Corps de Jésus. Jésus nous aime tant qu’il veut nous assimiler à lui. Quand nous recevons son corps avec foi et amour, il peut nous transformer de l’intérieur pour nous donner de lui ressembler davantage :

« Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus. »
(Ph 2, 5)

Courage

Dans la première lecture – du livre de l’apocalypse –, nous voyons qu’il y a un vrai combat. Cela peut nous faire un peu peur. Mais en même temps c’est la réalité de notre vie. La victoire ne vient pas toute seule.

Comme on le sait, l’Apocalypse s’adresse à des chrétiens persécutés pour les soutenir dans leur épreuve : son contenu, de bout en bout, est donc un message de victoire ; mais tout est codé. Dans cette vision de la femme et du dragon, le combat est bien là, les forces du mal sont représentées par le « dragon rouge-feu » déchaîné jusque dans le ciel même. À certains moments, ce dragon rouge-feu peut donner l’impression d’avoir la victoire ; mais il n’ira pas plus loin. Il est posté « devant la femme afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. »
Cet enfant est bien le Messie promis car l’auteur cite textuellement une phrase du psaume 2 qui concernait le Messie :

« Le Seigneur m’a dit : ’Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande-moi, et je te donne les nations en héritage, en propriété les extrémités de la terre. Tu les écraseras avec un sceptre de fer. » (Ps 2, 7-9)

L’image suivante, celle de l’enlèvement de l’enfant « auprès de Dieu et de son trône » symbolise la Résurrection du Christ ; elle était claire pour les premiers Chrétiens habitués à parler de lui comme le « Premier-Né » désormais assis à la droite de Dieu. Comme le dit Jésus dans l’Évangile de Jean :

« Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi. » (Jn 17, 11)

Ce monde est difficile, mais nous sommes assurés de la protection de Dieu : si le dragon a échoué dans le ciel, il ne peut réussir sur la terre. La victoire de Jésus sur le péché et la mort, qui nous est communiquée dans le baptême, doit advenir encore tout au long de notre vie, dans tous nos combats.
La phrase d’Élisabeth dans l’évangile reprend au moins partiellement une phrase de l’Ancien Testament :

« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! »

C’est dans le livre de Judith (Jdt 13,18-19) : quand Judith revient de l’expédition dans le camp ennemi, où elle a décapité le général Holopherne, elle est accueillie dans son camp par Ozias qui lui dit :

« Tu es bénie entre toutes les femmes et béni est le Seigneur Dieu ! »

Marie est donc comparée à Judith. Marie est la femme victorieuse qui assure à l’humanité la victoire définitive sur le mal.
Dans notre combat, nous pouvons nous appuyer sur l’aide de Marie.

Avec le baptême, nous contemplons le point de départ de la vie chrétienne, avec l’Assomption de Marie, son point d’arrivée.
La première communion de Sinto, Levi et Shelby nous rappelle que nous ne sommes pas démunis pour avancer sur le chemin. Vous vous rappelez sans doute du prophète Élie qui marche vers la montagne de Dieu. À un certain moment, il est complètement découragé. Un ange le réveille et lui montre du pain et de l’eau. Il lui dit :

« Lève-toi, mange, car autrement le chemin serait trop long pour toi. » (1 R 19, 7)

L’Eucharistie nous est donnée dans ce combat de notre vie pour continuer à aller de l’avant.

Espérance

Le dernier mot sur lequel j’aimerais méditer brièvement avec vous ce matin est celui d’espérance. Avec le baptême, déjà la grâce du Christ ressuscité œuvre en vous. Déjà vous êtes sauvés. Mais en même temps, vous êtes encore au début de la route. Et la route est quelquefois longue avant d’arriver à l’accomplissement plénier de notre vie humaine et chrétienne.
En ce jour, nous contemplons Marie au terme de son chemin. Déjà Marie est ressuscitée : c’est ce que l’on célèbre en ce jour de l’Assomption. L’Assomption ? C’est Pâques pour Marie. Marie est soustraite définitivement à l’emprise de la mort. Marie entre au Ciel non pas seulement avec son âme mais aussi son corps.
Pour nous, c’est encore en espérance. Déjà la grâce du baptême nous travaille. Mais nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. Le rôle de Marie à l’égard du peuple pérégrinant de Dieu peut être comparé à celui de la nuée lumineuse : réconfort le jour et lumière la nuit.

« Notre vie, vue à la lumière de Marie emportée au Ciel, n’est pas un vagabondage dépourvu de sens mais un pèlerinage, lequel, en dépit de toutes ses incertitudes et de toutes ses souffrances, a un terme assuré : la maison de notre Père, qui nous attend avec amour. Il est beau de penser que nous avons un Père, qu’il nous attend avec amour et que notre Mère Marie elle aussi est là-haut et qu’elle nous attend avec amour. » (Pape François, 15 août. 2015)

Cela nous fait du bien de voir quelqu’un qui est déjà arrivé. Cela nous montre que – avec la grâce de Dieu –, c’est possible. C’est d’ailleurs pour cela que dans la procession avec la statue de Marie, nous mettons la statue de Marie en premier. Comme le dit le cantique, Marie est la « première en chemin ». Marie nous indique la bonne direction à prendre. C’est d’ailleurs pour cela que le chapitre concernant Marie est le dernier de ce document sur l’Église (n° 59 et 68 de Lumen Gentium). Nous y lisons :

« Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur, elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68)

Nous ne devons pas nous décourager pour y parvenir. Marie qui y est déjà ne pense qu’à une chose : nous y faire entrer. Comme le dit le Concile Vatican II :

« Marie brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68)

Comme le dit le curé d’Ars :

« L’homme était créé pour le ciel. Le démon a brisé l’échelle qui nous y menait. Notre Seigneur, par sa Passion, nous en a formé une autre… La Sainte Vierge est en haut de l’échelle et la tient à deux mains » (ibid.)

Ce n’est pas comme une échelle posée dans un cerisier !

En guise de conclusion…

Aujourd’hui, nous nous réjouissons ce que Marie soit montée au Ciel. Mais elle n’a pas pris pour autant de la distance avec nous. Comme le dit magnifiquement Benoît XVI :

« Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous ? Bien au contraire. Précisément parce qu’elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous.
Lorsqu’elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Étant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même « à l’intérieur » de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu…
Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. » (Benoît XVI assomption 2005)

Un peu comme la reine Esther, Marie, une fois qu’elle est dans le palais du Roi, ne nous oublie pas. La puissance d’intercession de Marie se démontre a posteriori, par l’histoire : combien de personnes ont eu conscience d’être exaucés par Marie. Demandons-lui de fortifier notre joie, de nous donner du courage pour le combat et de nous relancer dans l’espérance.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 11,19a.12,1-6a.10ab.
  • Psaume 45(44),11-12a.12b-13.14-15a.15b-16.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-27a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,39-56 :

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie rendit grâce au Seigneur en disant :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa race à jamais. »

Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.