Homélie de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie

15 août 2021

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. »

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Texte de l’homélie :

Marie, signe d’espérance

Le mal n’a pas le dernier mot

Comme on le sait, l’Apocalypse s’adresse à des chrétiens persécutés pour les soutenir dans leur épreuve : son contenu, de bout en bout, est donc un message de victoire. L’image de l’enlèvement de l’enfant « auprès de Dieu et de son trône » symbolise la Résurrection du Christ ; elle était claire pour les premiers Chrétiens habitués à parler de lui comme le « Premier-Né » désormais assis à la droite de Dieu ; mais son peuple, lui, demeure dans le monde ; comme le dit Jésus dans l’Évangile de Jean :

« Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi. » (Jn 17, 11)

Un monde difficile, mais où nous sommes assurés de la protection de Dieu.

Dans ce que nous pouvons vivre de difficile, un signe nous est donné : Marie. Déjà le fait que la Vierge soit enceinte était un signe d’espérance donné au roi (Is 7, 14).

« Marie brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68)

Appelés à la gloire comme Marie, la première en chemin

« Notre vie, vue à la lumière de Marie emportée au Ciel, n’est pas un vagabondage dépourvu de sens mais un pèlerinage, lequel, en dépit de toutes ses incertitudes et de toutes ses souffrances, a un terme assuré : la maison de notre Père, qui nous attend avec amour. Il est beau de penser que nous avons un Père, qu’il nous attend avec amour et que notre Mère Marie elle aussi est là-haut et qu’elle nous attend avec amour. » (Pape François, 15 août. 2015)

Cela nous fait du bien de voir quelqu’un qui est déjà arrivé. Cela nous montre que – avec la grâce de Dieu –, c’est possible. C’est d’ailleurs pour cela que dans la procession avec la statue de Marie, nous mettons la statue de Marie en premier. Comme le dit le cantique, Marie est la « première en chemin ». Marie nous indique la bonne direction à prendre. C’est d’ailleurs pour cela que le chapitre concernant Marie est le dernier de ce document sur l’Église (n° 59 et 68 de Lumen Gentium). Nous y lisons :

« Tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Église en son achèvement dans le siècle futur. » (LG 68)

Nous sommes attendus au Ciel !

Comme Marie, nous sommes faits pour le Ciel. Nous sommes appelés à être immaculés comme le dit saint Paul lorsqu’il s’adresse aux Éphésiens.

« Il y a une chose, une espérance qui est certaine : Dieu nous attend, nous n’avançons pas dans le vide, nous sommes attendus. Dieu nous attend et, en allant dans l’autre monde, nous trouvons la bonté de la Mère, nous retrouvons nos proches, nous trouvons l’Amour éternel. Dieu nous attend : voilà la grande joie et la grande espérance qui naît précisément de cette fête. » (Benoît XVI, 15 août 2012)

Marie est déjà au Ciel et ne pense qu’à une chose : nous y faire entrer. Comme le dit le curé d’Ars :

« L’homme était créé pour le ciel. Le démon a brisé l’échelle qui nous y menait. Notre Seigneur, par sa Passion, nous en a formé une autre… La Sainte Vierge est en haut de l’échelle et la tient à deux mains. »

Présence de Marie

La présence de Marie est signalée à divers moments dans l’évangile

Dans le Nouveau Testament, on trouve quelque chose de très caractéristique concernant la Vierge Marie : avant tout, elle est présente. Bien entendu, elle est présente dans les évangiles de l’enfance. Mais c’est le cas aussi à Cana, au pied de la Croix, dans le Cénacle : « Marie était là ». Les évangélistes signalent la présence de Marie à tous ces moments décisifs. Il ne nous disent pas tellement ce qu’elle fait mais insistent sur le fait qu’elle soit présente.

Marie se manifeste parce qu’elle est notre mère. Jésus nous l’a donnée sur la Croix (cf. Jn 19, 25-27) ; il n’est donc pas inconcevable qu’elle recoure à tous les moyens de grâce pour nous témoigner de sa présence maternelle, comme toute mère a besoin de dire son amour à ses enfants.

Comme le dit magnifiquement Benoît XVI :

« Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous ? Bien au contraire. Précisément parce qu’elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous. Lorsqu’elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Étant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même « à l’intérieur » de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu… Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. » (Benoît XVI assomption 2005)

C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve dans un certain nombre d’apparitions mariales : Marie ne parle pas forcément de manière très abondante mais elle se rend d’abord présente. C’est le cas par exemple à Lourdes, à Notre-Dame du Laus, … Les apparitions mariales s’offrent comme des témoignages de la présence de notre mère céleste au cours de l’histoire humaine et dans chacune de nos vies.

« Leur rôle n’est pas d’“améliorer” ou de “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. » (CEC § 67)

Les effets bienfaisants de cette présence

Dans l’évangile de ce jour, saint Luc fait un rapprochement très clair entre la présence bienfaisante de l’Arche d’Alliance dans la maison d’Obed Edom (2 S 6, 1-15) et la présence de Marie dans la maison de Zacharie et Élisabeth.

La présence de Marie est à juste titre rassurante, protectrice. Voici par exemple ce que disait le pape Benoît XVI à propos de la présence de Marie au Cénacle :

« Au Cénacle, les Apôtres ne savaient pas ce qui les attendait. Apeurés, ils étaient préoccupés par leur avenir. Ils étaient encore sous le coup de la stupéfaction provoquée par la mort et la résurrection de Jésus, et ils étaient angoissés d’être restés seuls après son ascension au ciel. Marie, ’qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur’ (cf. Lc 1, 45), assidue avec les Apôtres dans la prière, enseignait la persévérance dans la foi. Par son comportement tout entier, elle leur apportait la conviction que l’Esprit Saint, dans sa sagesse, connaissait bien le chemin sur lequel il les conduisait, et qu’on pouvait donc placer sa confiance en Dieu, Lui donnant sans réserve sa propre personne, ses talents, ses limites et son avenir. » (Benoît XVI, 26 mai 2006)

En poursuivant ce parallèle, il est évident que la présence de Marie n’est pas quelque chose de magique. Elle exige de nous un comportement adéquat. Vous avez certainement présent à l’esprit ce moment de l’histoire des hébreux où ils vont chercher l’Arche dans leur combat contre les Philistins (1 S 4, 3-11) : mais ils font l’expérience que ce n’est pas quelque chose de magique ou d’automatique car l’arche est prise.

Comment permettre à Marie de se rendre présente ?

Comme le disait magnifiquement le pape Benoît XVI :

« Marie (…) en étant unie à Dieu, ne s’éloigne pas de nous, elle ne va pas sur une galaxie inconnue ; au contraire celui qui va à Dieu se rapproche, parce que Dieu est proche de nous tous, et Marie, unie à Dieu, participe de la présence de Dieu, elle est plus proche de nous, de chacun de nous. Marie, entièrement unie à Dieu, a un cœur si grand que toute la création peut entrer dans ce cœur, et les ex-voto partout sur la terre le démontrent. Marie est proche, elle peut écouter, elle peut aider, elle est proche de chacun de nous. » (Benoît XVI, 15 août 2012)

La sainte Vierge est bien élevée : elle ne s’impose pas ! On lui permet de prendre sa place dans notre vie en nous adressant à elle dans la prière du chapelet, en faisant une démarche de consécration, … Il ne s’agit pas d’expériences spirituelles extraordinaires mais plutôt d’un attachement de foi à Marie, qui peut se traduire par la récitation continuelle du chapelet. Il s’agit d’être avec elle, avec tout ce que cette préposition connote de force, d’amitié, voire d’intimité.

Notre fondateur, le Père Lamy disait :

« Je la sentais présente pendant la récitation du chapelet. »

Cette présence est devenue peu à peu union constante. La protection maternelle de Marie s’est traduite par une présence à ses côtés. Présence où il a pu puiser des grâces.

Intercession de Marie

C’est un fait d’expérience

Marie nous a-t-elle oubliés dans sa gloire ? Comme Esther, introduite dans le palais du roi, elle n’a pas oublié son peuple menacé (cf. Esther 5). Comme Thérèse de Lisieux et bien plus qu’elle, elle passe son ciel à faire du bien sur la terre.

« Je sens que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. »

La puissance d’intercession de Marie se démontre a posteriori, par l’histoire et non a priori. Combien de personnes ont eu conscience d’être exaucés par Marie.

C’est en raison de son union à Jésus

Nous voyons de nombreux intercesseurs dans la Bible : Jérémie (cf 2 Maccabées 15, 14), Moïse et Samuel (Jr 15, 1), Abraham, David (cf. Dn 3, 35 ; Ps 132, 1)

Une fois associée à la glorification de son Fils, Marie est devenue « Mère de Dieu avec puissance ». Cette puissance de la Mère de Dieu n’est pas une puissance autonome et parallèle à celle de Dieu ou du Christ ; c’est une puissance d’intercession.

La puissance d’intercession de Marie se fonde sur son amour pour Dieu. Dieu a promis de donner tout ce que nous lui demandons “selon sa volonté” (cf. 1 Jn 5, 14). Il fait d’autant plus tout ce que Marie demande, parce qu’elle ne demande que ce qui est selon la volonté de Dieu. Quand une créature veut tout ce que Dieu fait, Dieu fait tout ce que veut cette créature. C’est ce que dit aussi le curé d’Ars :

« Dieu fait les quatre volontés de celui qui fait sa volonté. »

Comme le dit magnifiquement Charles Péguy :

« Au ciel, ils ont une maman qui les suit des yeux, avec ses yeux de chair. Au ciel, ils ont une maman qui les aime à plein cœur, avec son cœur de chair. Et cette maman, c’est la mienne qui me regarde avec les mêmes yeux, qui m’aime avec le même cœur. Si les hommes étaient plus malins, ils en profiteraient, ils devraient bien se douter que je ne peux rien lui refuser… Que voulez-vous, c’est ma maman ! »

Elle est notre avocate pour plaider notre salut

Dans le chapelet, nous répétons sans cesse : « Priez pour nous, pauvres pécheurs ».

« Voyageurs sur la terre, nous avons envoyé en avant notre avocate…, mère de miséricorde, pour plaider efficacement notre salut. » (Saint Bernard)

« Dans la sérénité ou dans l’obscurité de nos existences, nous nous adressons à Marie, confiants dans son intercession continuelle pour qu’elle puisse nous obtenir de son Fils toutes les grâces et la miséricorde nécessaires à notre pèlerinage sur les routes du monde. A celui qui gouverne le monde et qui tient entre ses mains le destin de l’univers, nous nous adressons, confiants, par l’intermédiaire de la Vierge Marie. » (Benoît XVI, 22 août 2012)

En conclusion, nous pouvons reprendre ce texte magnifique où saint Bernard nous invite à regarder l’étoile.

« O homme qui te sens dériver, dans cette marée du monde parmi les orages et tempêtes, plutôt que marcher sur la terre ferme, ne détourne pas les yeux de l’éclat de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque.

Quand se lève le vent des tentations, quand tu es emporté vers les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie ! Si tu es ballotté par les vagues de l’orgueil, de l’ambition, du dénigrement, de la jalousie, regarde l’étoile, appelle Marie !

Si la colère ou l’avarice ou les sortilèges de la chair secouent la nacelle de ton âme, regarde vers Marie. Si, tourmenté par l’immensité de tes crimes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par l’horreur du jugement, tu te laisses déjà happer par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie !

Dans les périls, dans les angoisses, dans les situations critiques, pense à Marie, invoque Marie !
Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton cœur, et pour obtenir le suffrage de ses prières, ne négliges pas l’imitation de sa vie.

Si tu la suis, point ne dévies ; si tu la pries, point ne désespères ; si tu penses à elle, point ne t’égares. Si elle te tient, plus de chute, si elle te protège, plus de crainte, si elle te guide, plus de fatigue. Avec sa bienveillance, tu parviens au port. » (Saint Bernard)

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 11,19a.12,1-6a.10ab.
  • Psaume 45(44),11-12a.12b-13.14-15a.15b-16.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-26.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,39-56 :

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.