Homélie de la fête de la Congrégation

19 janvier 2017

« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,
j’ai la conviction que, à travers une fête patronale, il y a quelque chose de la grâce de la Congrégation qui nous est rappelé.

Ce n’est pas anodin d’être placé sous le patronage du Cœur Immaculée de Marie, « refuge des pécheurs ». Cela a été la volonté explicite de notre fondateur, le père Lamy, et chaque mot est important.

Le cœur de Marie

Le cœur, au sens biblique, c’est ce centre de la décision, cette orientation profonde de la personne, ce qui fait l’intime de chacun, ce qui fait que l’on va dans un sens ou dans un autre.
Ce cœur Immaculé, ce cœur tourné vers Dieu, nous engage, nous, comme Serviteurs de Jésus et de Marie - et ceux qui dans notre famille spirituelle nous rejoignent aussi dans cette démarche - à être attentifs au cœur de chacun.

Il peut-être un danger ou une tentation pour un religieux ou même un prêtre, de rester dans des concepts philosophiques et théologiques, où tout est simple, où tout s’harmonise très bien, où tout est bien huilé, bien pensé.
Mais lorsqu’on rentre dans le cœur de quelqu’un, dans sa décision, dans cette orientation personnelle, on rentre dans une certaine complexité, due au péché, aux événements.
Ne serait-ce pour Marie que la naissance de Jésus, ce n’est pas une manière simple de procéder avant le mariage, avant que Joseph et Marie aient habité ensemble : l’époux n’est pas le père de l’enfant, c’est un père mystérieux.
Il y a une complexité dans l’histoire de la Vierge Marie, non pas due au péché, mais aux circonstances.

Qu’est-ce qui nous permet de comprendre le cœur de Marie, si ce n’est le mystère de Dieu qui est au cœur de la Sainte-Famille ?
C’est ce mystère de Dieu qui est au cœur de la Sainte Famille et qui fait que tout va trouver cette unité, cette harmonie.

Pour nous, comme serviteur de Jésus et de Marie, cela nous donne une orientation dans notre relation avec ceux qui demandent notre ministère : avoir cette humilité, comme Moïse face au Buisson ardent.
D’une certaine manière, chaque personne humaine est aussi un buisson ardent et quand les uns et les autres viennent à nous pour demander conseil, être accompagné, pour bénéficier d’une manière ou d’une autre de grâces que nous avons reçues, rappelons-nous que, comme Moïse, nous sommes face à un mystère. Nous avons à déchausser nos sandales, parce que cette terre est sacrée.

Être attentif au cœur de chacun

Avoir le cœur Immaculé de Marie comme un phare pour notre Congrégation, nous rappelle cette urgence d’être attentifs au cœur de chacun.

Le Père Lamy le disait aussi dans ses écrits :

« N’envoyez pas les âmes à la boucherie, ne soyez pas durs avec les uns et les autres. »

Et le père André, qui a été notre supérieur durant 30 ans, a bien incarné cette attention à chacun, tout en maintenant cette fidélité à l’Église.
Il ne s’agit pas de brader, nous ne sommes pas là pour brader et pour être dans la démagogie, pour caresser dans le sens du poil pour avoir un peu plus de fidèles à nos messes. Mais en même temps, tout en gardant cette fidélité à la foi catholique, le père André insistait, reprenait les encycliques du pape Jean-Paul II, les travaillait, faisait le lien avec la spiritualité du Père Lamy, mais toujours dans cette attention à la personne.

C’est cela la grâce mariale de la Congrégation : cette attention à chacun qui va faire que, avec la lumière de la foi, dans l’humilité de la Vierge Marie, je m’approche de l’autre.

Marie refuge des pécheurs

"Refuge des pécheurs" dit aussi quelque chose de notre vocation.
D’être témoin de la miséricorde, puis de nous rappeler, nous aussi, qu’être religieux c’est une miséricorde qui nous a été faite. Ce n’est pas par nos propres mérites, nous sommes des pauvres qui sommes en chemin vers le Seigneur. On le voit dans le cœur de Marie, plus on s’approche de Dieu, plus on s’approche des autres.
Marie est un guide spirituel pour nous, elle nous rappelle que la sainteté, à laquelle nous sommes tous appelés par notre baptême, loin de nous éloigner des autres, au contraire nous en rapproche.
Plus on est près du Seigneur, plus on est près de chacun dans la complexité de ce qu’il peut vivre au quotidien, parce que plus on est près aussi de ce mystère de la personne.

Pour chacun d’entre nous, nous sommes invités à être témoin de la miséricorde de Dieu, comme Marie aussi bénéficie de la miséricorde, le fait d’être conçue sans péché c’est une miséricorde considérable en vue de la maternité, en vue de l’enfantement du Sauveur.
Nous sommes appelés à être des passeurs. C’est toujours une conversion, il faut toujours remettre l’ouvrage sur le métier, parce qu’il y a la dureté de cœur qui est en nous. Nous nous rappelons de la Vierge Marie, nous nous rappelons que nous aussi, comme communauté, nous avons ce patronage particulier qui nous invite à être des refuges, et aujourd’hui peut-être plus qu’à d’autres temps. La solitude aujourd’hui est quelque chose de tellement fort dans nos pays occidentaux, le manque de foi, la société est dure, elle laisse beaucoup de gens sur le bord du chemin.
Nous disons non, parce que nous contemplons le cœur de Marie, nous croyons que chacun a sa place et que chaque personne a une vocation, et que chaque vocation est ordonnée à une mission.
C’est cela que nous voulons témoigner, comme Serviteurs de Jésus et Marie, modestement, à notre place dans l’Église, parce que Marie elle-même a eu cette vocation, elle a eu cette mission venue de la miséricorde du Père.

Nous sommes invités à une conversion :

« Tu aimes tout ce qui existe, tu n’as de répulsion pour aucune de tes œuvres. »

C’est cela la Miséricorde, c’est avoir un regard de bienveillance sur chacun, déjà sur nous-même ce qui n’est pas forcément le plus simple, et puis sur ceux qui viennent à notre rencontre, ceux qui viennent ici à l’abbaye ou dans notre prieuré d’Alsace où d’Argentine, d’avoir un regard de miséricorde.

Avec le Père Lamy, les personnes ne se sentaient pas jugées, de même avec le père André.
Le pape François le rappelle, s’il a initié ce jubilé de la miséricorde qui s’est terminé en novembre dernier, c’est que c’est une urgence pour notre société, pour notre monde, parce qu’on sent qu’on peut aller vers des duretés, il y a des rigidités même à l’intérieur de l’église, même avec des catholiques pratiquants, il y a cette peur de l’inconnu, de cette société qui est en pleine mutation.
Comme c’est important d’avoir des lieux qui sont des refuges !
Des refuges pour accueillir chacun là où il en est dans son étape vers le Seigneur, sachant qu’évidemment les étapes vers le Seigneur varient selon les âges, selon les circonstances.

Benoît XVI, qu’on ne peut pas taxer de relativiste, répondait à la question « combien y a-t-il de chemins pour aller vers Dieu » d’un journaliste qui pensait qu’il n’y avait qu’un seul chemin dans l’Église catholique, « autant que de personnes ». Il est de chemin pour aller vers Dieu autant que de personnes.

En contemplant le cœur de Marie et en regardant l’ histoire de la Vierge Marie, son chemin vers le Seigneur, nous voyons qu’elle a aussi grandi dans la foi, comme nous le rappelle le pape Jean-Paul II dans sons encyclique sur Marie.
Elle la cheminé elle aussi, son chemin a été tellement unique et nous rappelle que chacun d’entre nous avons aussi notre chemin pour aller vers le Seigneur. Nous sommes pris tels que nous sommes, mais pas pour nous laisser tels que nous sommes, mais pour nous permettre d’avancer, bien sûr car nous sommes faits de creux de bosses.

C’est beau de contempler Marie comme celle qui est refuge des pécheurs pour notre société, pour notre temps.

Ce n’est pas pour rien que le pape François pour les 3 prochaines années, a demandé que les Journées Mondiales de la Jeunesse qui sont célébrés soit dans les diocèses, soit à Panama pour les JMJ, soient sous le patronage de la Vierge Marie.
Il sent qu’il y a une urgence pour notre société, pour notre monde. Nous croyons que le Saint-Père nous guide justement, qu’ils nous met en garde contre une certaine dureté dans les familles, dans les communautés, dans les pays, entre les religions, alors comme il nous faut remettre le cap sur le mystère de Dieu ! Pour ne pas nous laisser saisir par la peur et nous laisser entraîner par une sorte de rigidité.

Demandons Seigneur que nous puissions être fidèles à cette belle vocation de Serviteurs de Jésus et de Marie.
Priez pour nous, nous en avons besoin. Priez pour que le Seigneur nous envoie de nombreuses et saintes vocations, parce que la moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux.
Mais déjà nous remercions le Seigneur pour les vocations que nous avons, qui nous ont rejointes, mais aussi pour notre famille spirituelle dont les représentants sont là aujourd’hui.

Puissiez vous nous porter dans la prière pour que nous soyons de véritables témoins, de véritables refuges pour notre temps

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 49,3.5-6.
  • Psaume 40(39),2abc.4ab.7-8a.8b-9.10cd.11cd.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,1-3.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1,29-34 :

En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara :
« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ;
c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était.
Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui.
Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit :
“Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.”
Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »