Homélie de la fête de la Pentecôte

25 mai 2021

« Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement. »

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Texte de l’homélie

C’est comme un refrain qui vient dans la deuxième lecture :

« Frères, je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint. » (Ga 5, 16)
« Si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi. » (Ga 5, 18)
« Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. » (Ga 5, 25)

L’Esprit-Saint, ce n’est pas seulement pour le jour de notre confirmation ou le jour de la Pentecôte.
Pierre Goursat, le fondateur de la communauté de l’Emmanuel, le dit de manière savoureuse :

« Maintenant le Saint-Esprit vient, alors il faut s’en servir ! (…) Le Saint-Esprit, on l’a, théoriquement, mais pratiquement on ne s’en sert pas.
C’est un beau cadeau qu’on nous a fait, on dit : « Il est très beau », on le remet dans l’armoire, comme les potiches et on dit : « On s’en servira pour les grands jours ». Comme le service de table des grands jours. On dit : « Si on s’en sert tout le temps, on va le casser ».
[Le Saint-Esprit,] il faut s’en servir tout le temps ! Tout le temps, tout le temps. » (Entretien du 23 mai 1976)

Alors, si vous voulez que l’Esprit-Saint ne soit pas comme le service de table des grands jours, je vous propose trois éléments pour que l’Esprit-Saint prenne toute sa place dans votre vie.

Faire un choix décisif

Le premier élément est plutôt de l’ordre de la finalité et du choix fondamental à faire pour notre vie. Si nous voulons nous laisser conduire par l’Esprit-Saint, il y a d’abord une option fondamentale à prendre. À la fin du discours de Pierre, le jour de la Pentecôte, les gens lui demandent :

« "Frères, que devons-nous faire ?"
Pierre leur répondit : "Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit. » (Ac 2, 38)

Autrement dit, pour recevoir le don du Saint Esprit, Pierre invite ses auditeurs à choisir Jésus de manière décisive.

Saint Paul l’exprime très bien dans l’épître aux Romains :

« Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur.
Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. » (Rm 14, 7-8)

Un peu comme au temps du prophète Elie, un choix est à faire :

« Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si l’Eternel est Dieu, suivez-le ; et si c’est Baal, suivez-le ! » (1 R 18, 21)

Nous sommes invités à mettre les priorités de notre vie dans le bon ordre : « messire Dieu premier servi ! »
Qu’est-ce que je veux faire passer en premier dans ma vie ? Dieu est-il la finalité de ma vie ? Mon but est-il de faire la volonté de Dieu ?

C’est d’ailleurs un peu une spirale car ensuite l’Esprit-Saint nous aide à y voir plus clair dans nos priorités :

« Un chrétien qui est conduit par l’Esprit-Saint n’a pas de peine à laisser les biens de ce monde pour courir après les biens du ciel. Il sait faire la différence. » (curé d’Ars)

Heureusement, l’Esprit-Saint n’attend pas que nous soyons irréprochables pour venir nous visiter et nous conduire. Cependant, il trouve difficilement sa place dans le cœur de la personne qui reste volontairement dans le péché.
Si nous voulons être vivifiés par l’Esprit-Saint, il est une condition essentielle : il nous faut rompre avec le péché. Il nous faut éloigner de nous tout ce qui contriste l’Esprit-Saint.
L’Esprit-Saint nous fait voir nos fautes avec lucidité, non pas pour nous condamner mais pour nous pardonner. Le curé d’Ars nous dit :

« Comme ces lunettes qui grossissent les objets, le Saint-Esprit nous fait voir le bien et le mal en grand ».

Pour nous ouvrir à la rosée vivifiante de l’Esprit-Saint, réaffirmons aujourd’hui notre volonté de rompre avec ces fautes dont il nous fait prendre conscience.

Le curé d’Ars le dit encore de belle façon :

« Le Saint-Esprit repose dans les âmes justes comme la colombe dans son nid.
Il couve les bons désirs dans une âme pure, comme la colombe couve ses petits. »

Rendre le climat favorable, le climat du cénacle

Le deuxième élément consiste à se mettre dans un climat favorable, le climat du Cénacle. J’en retiendrais trois choses :

La prière de demande

Pour recevoir l’Esprit Saint, il faut commencer par le demander :

« Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. (…)
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. » (Lc 11)

La charité fraternelle

L’Esprit-Saint aime tellement voir des cœurs unis. On le voit dans la préparation à la Pentecôte :

« Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus (ses cousins). » (Ac 1, 14)

Ce n’est pas pour rien que Jésus avait déjà dit dans son évangile :

« si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 18, 19)

Pierre Goursat insistait pour qu’il n’y ait pas de critique entre les membres de sa communauté mais que ce soit au contraire un climat de bienveillance.

La louange

Un élément caractéristique de la Pentecôte, c’est la louange :

« Tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. » (Ac 2, 11)

L’Esprit-Saint préfère les cœurs qui s’émerveillent devant la bonté et la grandeur de Dieu que les esprits grincheux qui passent leurs journées dans les plaintes et les critiques. Voici le climat favorable pour accueillir l’Esprit-Saint.

C’est une invitation qui revient souvent dans les psaumes :

« Dire à pleine voix l’action de grâce et rappeler toutes tes merveilles. » (Ps 25, 7)
« Chantez au Seigneur et bénissez son nom ! De jour en jour, proclamez son salut, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! Il est grand, le Seigneur, hautement loué. » (Ps 95, 2-4)

On ne peut pas ne pas penser au psaume 135 qui célèbre les merveilles de Dieu :

« Rendez grâce au Seigneur : il est bon, éternel est son amour ! Rendez grâce au Dieu des dieux, éternel est son amour ! Rendez grâce au Seigneur des seigneurs, éternel est son amour ! Lui seul a fait de grandes merveilles, éternel est son amour ! » (Ps 135, 1-4)

La louange appelle la grâce du Seigneur selon le principe énoncé par Jésus dans l’évangile :

« À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien (qui ne reconnaît pas ce qu’il a déjà reçu) se verra enlever même ce qu’il a. » (Mt 25, 29 ; cf. Mt 13, 12)

Se rendre attentif aux motions de l’Esprit-Saint

Avoir une attitude d’écoute

Cela suppose d’abord une écoute, une disponibilité. L’Esprit-Saint « chuchote » ! Il est subtil ; il ne s’impose pas. C’est un souffle fragile. Habituellement, l’Esprit-Saint nous parle « sans effet spéciaux ». C’est comme le murmure de la bise légère du prophète Elie (1 R 19, 11-13) :

« Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le Seigneur : voici, le Seigneur va passer. »
Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y un feu ; le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu, le bruissement d’un souffle ténu. Alors, en l’entendant, Élie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. » (1 Rois 19, 11-13)

C’est ainsi qu’on parle des « motions » de l’Esprit-Saint. Pour avoir une idée de ce que cette expression indique, nous pouvons penser à cette petite phrase de l’évangile :

« l’Esprit poussa Jésus dans le désert » (Mc 1, 12)

Vraisemblablement Jésus n’a pas entendu une voix audible. Il n’a pas eu de vision pour Lui demander d’aller dans le désert. Il s’est senti seulement poussé d’y aller.
Telle est la voie que le Saint-Esprit utilise le plus souvent pour conduire les enfants de Dieu. Nous sentons, en nous, une impulsion, une conviction, une orientation quelconque nous pousser à faire quelque chose.

Tenir son cœur libre et dégagé

Nous sommes quelquefois trop attachés à nos idées. Dans ce cas, il n’y a plus de place pour le Saint Esprit. La colombe ira se poser ailleurs !
Sœur Elvira, fondatrice du Cénacle, dit qu’elle est toujours prête à faire dans les cinq minutes qui viennent le contraire de ce qu’elle avait prévu. Elle faisait beaucoup de projets mais elle était libre. Cela permet à l’Esprit Saint d’agir à sa guise.

Une image employée par Jésus pour parler de l’Esprit est le vent :

« Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3, 8)

Il faut accepter de ne pas tout maîtriser et de ne pas savoir mieux que Dieu ce qu’il faut faire. Invoquer l’Esprit-Saint implique donc d’accepter d’entrer dans une attitude d’abandon filial.

Cultiver l’humilité et l’obéissance

Comme le dit saint Pierre :

« Dieu donne son Esprit à ceux qui lui obéissent. » (Ac 5, 32)

Ou encore dans sa première lettre :

« Prenez l’humilité comme tenue de service. En effet, Dieu s’oppose aux orgueilleux, aux humbles il accorde sa grâce. » (1 P 5, 5)

Pour discerner si ce que nous avons reçu vient bien de l’Esprit Saint, il y a bien sûr la conformité à la Parole de Dieu mais il est important d’avoir l’humilité de s’en remettre au discernement des autres.

En conclusion, êtes-vous prêts à vous laisser conduire par l’Esprit-Saint ? Alors décidez-vous de manière décisive pour Dieu, créez climat adéquat, soyez dans l’écoute. Cela vaut la peine car lorsqu’on se laisse guider par l’Esprit-Saint, notre vie prend une autre dimension.

« Il s’agit donc de savoir qui nous conduit. Si ce n’est pas le Saint-Esprit, nous avons beau faire, il n’y a point de substance ni de saveur dans tout ce que nous faisons. Si c’est le Saint-Esprit, il y a une douceur moelleuse… c’est à mourir de plaisir ! » (curé d’Ars)

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
  • Psaume 104(103),1-2a.24.35c.27-28.29bc.30.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 5,16-25.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15,26-27.16,12-15 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement.
J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter.
Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître.
Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »