Homélie de la fête du baptême du Seigneur

10 janvier 2022

L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs,

Vous vous rappelez bien du tsunami, cette immense vague qui provoqua ce raz-de-marée, cette vague qui, comme un débordement, emportait tout sur son passage : les voitures, les bateaux les entrepôts et les maisons. Les trains étaient renversés…
Ce sont ces images effroyables qui nous ont marqués. Elles ont également révélé la dignité du peuple japonais dans cette tourmente. La vision de ces côtes ravagées ont fortement impacté toute notre terre. Je me souviens de cet immeuble le plus élevé qui aurait pu servir de refuge mais qui était lui-même bientôt précipités dans les flots…

Pardonnez-moi d’évoquer cette page terrible de l’histoire du monde, mais il me semble important que nous retrouvions la symbolique de l’eau pour les Hébreux.

Les eaux ténébreuses et dangereuses

De manière un peu folklorique, on voit sur les cartes marines d’antan quelques monstres relativement sympathique dans les océans. Mais, les Hébreux les imaginaient de manière beaucoup plus terrible comme l’est le Léviathan. Ils ne maîtrisaient pas cette force car ils n’étaient pas des marins. L’eau représentait donc la mort, synonyme de drame.

Ainsi, il me semble important d’imaginer que l’eau soit pour nous aussi le symbole de tout ce qui, dans nos vies, peut nous détruire : nos difficultés relationnelles éventuelles, notre difficulté au travail, le chômage peut-être… cela peut-être aussi le mauvais chemin que prend un de nos enfants, la maladie d’un proche… Tout cela peut nous broyer. Je ne parle même pas des épreuves collectives que traversent bien des peuples : la famine, la guerre, l’exil, toutes choses que nous serons peut être un jour appelés à connaître et à traverser.
Et plus proche de nous, ce qui peut vraiment entraîner notre espérance dans ses flots néfastes, il y a cette ruine de notre civilisation chrétienne, emportée bribe après bribe. Des livres sortent sur ce sujet et décrivent cette vague profonde, tenace et implacable. Et si nous n’y prenons pas garde, nous sombrerons nous aussi et nous laisserons de côté notre espérance qui est notre unique motif de nous tenir debout.

Mais aujourd’hui, nous entendons une parole. Les pères de l’Église le disent en s’adressant au Christ :

« Tu nous as ouvert un passage à travers les eaux ! »

Car le Christ vient nous protéger des eaux dévastatrices. Il entre dans les eaux et elles s’écartent devant Lui. Le Christ, nouveau Moïse, obtient que de part et d’autre de Lui, les eaux s’écartent et forment comme une muraille. Dans cet épisode du Baptême est renouvelé l’épisode de l’exode, bien sûr.

Notre guide à travers les eaux : le Christ !

Ainsi, nous ne pouvons prétendre traverser la vie sans marcher derrière le Christ, bien concrètement, pas simplement par des paroles. Si le Christ n’est pas Celui qui, dans nos vies, nous précède dans toutes nos difficultés dans notre quotidien, nous sombrerons. Mais, si nous sommes derrière Lui, les eaux de toutes ces difficultés abandonneront leur pouvoir destructeur, elles ne nous emporterons pas.
Si nous analysons comment nous réagissons dans le concret du quotidien, nous verrons à quel point les difficultés sont pour nous source d’angoisse. C’est très net chez les jeunes et les adolescents qui se laissent souvent emporter par les difficultés, ils dépriment et vont parfois même jusqu’à intenter à leur vie…
Quand à nous, à quel point sommes-nous capables de cette résistance ? Marchons nous assez derrière Jésus comme derrière ce nouveau Moïse ?

Chers frères et sœurs, nous n’avons pas le choix ! Nous ne devons plus faire qu’un avec Jésus ! Alors, tenons-nous à l’écart du péché, même concernant nos fantaisies, quand nous voulons en faire qu’à notre tête, sans avoir discerné la volonté du Seigneur, sans avoir pris le moment du conseil. Dans ces moments, nous risquons fort de nous soustraire de cette protection et d’être emportés par ces vagues mortifères. Mais, j’aimerais faire un pas de plus.

Ces flots destructeurs et hostiles, les Pères de l’Église dissent aussi que « Jésus les baptise ! ».

Jésus baptise les eux dévastatrices…

Je vous cite Saint Ambroise :

« Le Seigneur fut baptisé, non pas pour être purifié - il n’y en avait pas besoin -, mais pour purifier les eaux, afin que purifiées par la chair du Christ, elles aient le pouvoir de baptiser. »

C’est magnifique ! C’est-à-dire qu’à partir du moment où le Christ est rentré dans le Jourdain, Il a communiqué à toutes les eaux de la Terre, composants qui respectent cette composition chimique, de pouvoir être vecteur de la grâce.
Chers frères et sœurs, vous savez certainement que le Baptême est le sacrement qu’on donne le plus facilement. Sachez même qu’un non-baptisé peut baptiser lui-même, à partir du moment où il a l’intention de faire ce que fait l’Église que veut dire. Et ce que l’Église veut signifier avec ,cela c’est que le Salut est pour tous. Il suffit d’avoir cette eau, cette matière qui désormais a trouvé un nouveau pouvoir en elle : la communication de la grâce.

Mais allons plus loin : les eaux physiques représentent ces eaux symboliques du malheur, comme je l’ai évoqué. Et bien, justement, ce sont ces même eaux symboliques du malheur qui sont baptisées. Cela signifie que toute difficulté peut devenir source de vie : c’est notre foi.
Regardons bien notre vie : comment est ce que nous avons grandi ? n’est-ce pas souvent à partir de difficultés, de souffrances profondes et d’échec dans une relation qui nous ont obligés à supplier pour que l’Esprit d’amour vienne habiter notre cœur et nous aide à dépasser le conflit ? N’est-ce pas un échec qui a porté au cœur, qui a anéanti ou en tous cas amoindri notre amour-propre ? Toutes ces choses-là font que, petit à petit, la vie divine fait son œuvre en nous, que la grâce nous façonne.

Oui, tout cela est « baptisé », toutes ses forces de mort, par la grâce du Christ qui nous précède, peuvent devenir source de vie moyennant notre patience et ainsi que notre consentement à marcher derrière le Christ.

Une dernière chose, frère et sœurs : que signifie le Baptême pour le Christ ? quelle attitude nous laisse t-Il ?

Jésus nous montre les fruits de l’humilité

Saint Luc est le seul qui le dise :

« Nombreux étaient ceux il qui se faisaient baptiser avec Jésus. »

Ainsi, Jésus Se met dans la file des pêcheurs. Il descend comme « un parmi bien d’autres ». Autrement dit, c’est l’humilité de Celui qui descend et de ce fleuve qui descend. Vous savez peut-être que le mot hébreux « Jourdain » veut dire « ce qui descend ».

Ainsi, nous avons à nous inscrire dans cette descente du Christ. Il courbe la tête devant Jean-Baptiste, son cousin, Lui qui n’est qu’un homme alors que le Christ est Dieu.

C’est ainsi qu’il faut que soit accomplie toute justice. Comme Jésus nous le montre, l’humilité ce n’est pas simplement rester à sa place mais c’est prendre la dernière place et y aller, la faire nôtre.
Comme le disait justement Charles de Foucault :

« Jésus a tellement pris la dernière place que nul ne pourra la lui ôter… »

C’est alors qu’il faut se demander ce que faisons-nous des humiliations dans notre vie : quand la comparaison ne tourne pas à notre avantage, quand on ne parle pas de nous, quand on ne relève pas ce qui nous semble quelque chose de valorisant mais qu’on reste dans l’ombre, quand un de nos travers que nous ne voudrions pas voir révélé est gentiment moqué, quelle attitude ! L’amour-propre meurtri se rebiffent…
Ou bien, après un premier réflexe bien compréhensible, nous disons « Merci Seigneur ! trop de fois je cherche la gloire, alors quand tu m’envoies un peu d’humiliation, c’est une bonne nourriture vraiment !

Alors, n’ayons pas peur de toutes ces petites occasions, accueillons les comme une opportunité. Le Père Lamy le disait :

« Nous devons être à la dernière place comme un poisson dans l’eau ! »

Quand on vous donne une mauvaise chambre, un mauvais emploi, soyez-en contents ! Car, plus nous serons humbles, moins nous aurons à craindre du tsunami du monde, car, plus nous serons conformes au Christ et derrière Lui.
Marie fut infiniment humble par grâce de Dieu, si bien que le tsunami du péché ne l’a pas effleurée, ne l’a même pas mouillée. Alors, qu’Elle nous enseigne à nous tenir au sec !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 40,1-5.9-11.
  • Psaume 104(103),1c-3a.3bc-4.24-25.27-28.29-30.
  • Lettre de saint Paul Apôtre à Tite 2,11-14.3,4-7.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3,15-16.21-22 :

En ce temps-là, le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit.
L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »