Homélie de la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie

17 août 2022

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. »

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Texte de l’homélie :

Chers frères et sœurs, imaginez-vous perdus, tout seul, dans une forêt immense ! La forêt a beau être luxuriante, pleine de vie, de fruits divers et variés, avec une multitude d’animaux, nous pouvons être saisis par une grande angoisse : comment retrouver ceux que nous aimons ? Comment sortir vivant de tous les dangers ? Comment continuer à avancer sans se décourager ? (cf. témoignage d’Antonio Sena qui a survécu au crash de son avion dans la partie la plus sauvage de la forêt amazonienne).

C’est ce que beaucoup éprouvent dans ce monde. Il y a beaucoup de belles choses mais elles ne suffisent pas à combler notre cœur et notre soif d’infini. Nous pouvons nous sentir un peu déracinés, sans savoir où aller. Il y a aussi beaucoup de dangers : de beaux fruits qui peuvent s’avérer finalement vénéneux. On peut aussi se sentir très seul.

À partir du Magnificat de Marie qui nous est donné dans l’évangile de ce jour, je vous propose trois points de méditation. L’Assomption de Marie nous indique d’abord la destination, la finalité de notre vie. L’Assomption de Marie n’est pas une rupture complète : l’histoire de Marie est assumée. Et enfin, l’Assomption offre un remède à la solitude.

L’Assomption indique notre destination

Comme le dit le Concile Vatican II :

« Marie brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68)

Jésus, dans le mystère de sa résurrection et de son Ascension, nous a déjà ouvert la route vers le Royaume. Nous connaissons la destination à laquelle nous sommes appelés. Avec Marie, cela nous paraît encore plus accessible car Elle est de notre race. Bien sûr à la différence de Marie, nous ne sommes pas immaculés dans notre conception ; c’est trop tard ! Mais ce que Dieu a réalisé en Marie, il veut le réaliser en nous. Il nous appelle à être immaculés en Sa présence par la grâce de Sa miséricorde.

Marie n’a pas attendu le jour de son Assomption pour se réjouir déjà de la destinée que Dieu lui a offerte. Dans le magnificat, Elle chante déjà – de manière prophétique – la victoire de la miséricorde de Dieu, même si Elle n’est pas encore manifestée pleinement. Marie entrevoyait déjà la victoire de l’amour de Dieu en Elle.

Marie et Élisabeth vivent en pleine occupation romaine. Le monde de leur temps n’était pas plus facile à vivre que le nôtre. Pourtant Marie a su célébrer le salut de Dieu en « germe ». Dans Sa louange, Marie anticipe pour ainsi dire la victoire de la Lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal, de la vie sur la mort. Elle voit plus loin que les apparences (pour l’instant, Jésus est encore tout petit en Elle). Marie, comme Moïse, parle et agit dans la foi comme si, Elle aussi, « voyait l’invisible » (He 11, 27). Elle proclame que le salut est accompli, que Dieu est venu, qu’Il est là, et Elle l’affirme dans la foi.

Marie nous invite à nous réjouir déjà de la destinée à laquelle Dieu nous appelle. C’est aussi le message adressé aux lecteurs de l’Apocalypse que nous avons écoutée en première lecture : l’auteur aide les croyants confrontés à l’épreuve et à la persécution à percevoir déjà la victoire de Dieu sur le mal. Cette victoire est déjà là, elle est acquise par le sang de l’Agneau, même si elle est loin d’être manifestée ! C’est une invitation à la louange qui voit plus loin, plus profond, que le mal et la mort. La louange est fondée sur un acte de foi. Marie nous invite à croire en « la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ». La louange est une profession de foi en la toute-puissance de Dieu qui sait tirer un bien du mal.
Comme le dit saint Paul :

« Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » (Rm 8, 28)

L’Assomption s’accomplit dans la continuité

Il ne faudrait pas concevoir l’Assomption comme une rupture complète avec la vie terrestre de Marie. Il y a une continuité. C’est son corps avec lequel elle a vécu, donné naissance à Jésus, versé des larmes au pied de la croix, … C’est avec ce corps-là qu’elle est montée dans la gloire du Ciel.

Imaginez-vous encore un instant dans l’enfer vert de la forêt amazonienne. Dieu ne nous envoie pas un hélicoptère qui vient nous sortir de là en nous tirant vers le haut en nous laissant passifs.

Nous voyons bien qu’avant son assomption, Marie a eu à cœur de faire mémoire de l’œuvre de Dieu pour continuer à avancer dans Son pèlerinage terrestre. Ces références sont nombreuses dans le magnificat. Généralement, Dieu n’ôte pas les difficultés de notre chemin comme par un coup de baguette magique. Il nous invite à avancer avec ces difficultés en nous rendant accessibles à Sa grâce. Dieu se sert aussi des éléments négatifs dans la mesure où nous l’aimons. Et saint Augustin ajoute : même le péché.
Dans sa toute puissance, Dieu est capable de tirer le bien du mal. On en a un bel exemple dans l’histoire de Joseph dans l’Ancien Testament :

« Le mal que vous avez voulu me faire, Dieu a voulu le changer en bien afin d’accomplir ce qui arrive aujourd’hui : sauver un peuple nombreux. » (Gn 50, 20)

Dans l’original grec du magnificat, on trouve sept verbes à l’aoriste, qui indiquent tout autant d’actions que le Seigneur accomplit de manière permanente dans l’histoire :

« Déployant la force de son bras… il disperse les superbes… il renverse les puissants… il élève les humbles… il comble de biens les affamés… renvoie les riches… il relève Israël. »

Il s’agit de nous appuyer sur notre expérience personnelle de Dieu mais aussi de celle de tous les croyants qui nous ont précédés, de repérer tous les moments où Dieu est intervenu, de faire mémoire de la manière dont Dieu est intervenu. Dieu est fidèle à Sa manière d’agir ; il nous revient de nourrir notre mémoire de tout ce qui nous a rapprochés de Dieu. Cela nous donne les points de repères nécessaires pour continuer à avancer.

L’Assomption nous rappelle que nous ne sommes pas seuls

Déjà lors de Son Ascension, Jésus, l’Emmanuel, avait redit :

« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 20)

Cela est vrai aussi de Marie : par son Assomption, elle ne nous abandonne pas. Elle est plus que jamais présente à ce que les hommes de tous les lieux et de tous les temps peuvent vivre.
Dans Son Magnificat, nous voyons bien que Marie n’est en rien individualiste. Son témoignage personnel n’est pas solitaire et intimiste. Elle est consciente d’avoir une mission à accomplir pour l’humanité et Son histoire s’inscrit à l’intérieur de l’histoire du salut. Et ainsi, elle peut dire :

« Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1, 50)

Nous la voyons attentive aux pauvres et aux petits : « élever les humbles… combler de biens les affamés… relever Israël. » Elle entre dans le regard et la sollicitude de Dieu pour les plus petits. Comme Dieu, Marie est attentive d’une manière particulière aux petits. Dieu chérit les plus petits, qu’Il regarde avec prédilection celui qui n’a pas le cœur hautain et altier :

« Les regards arrogants des humains seront abaissés, et la prétention des hommes sera humiliée. Seul le Seigneur sera exalté en ce jour-là. Oui, pour le Seigneur de l’univers, il y aura un jour contre tout orgueil et toute prétention, contre tout ce qui s’élève et sera abaissé. (…) L’arrogance des humains sera humiliée ; la prétention des hommes sera abaissée. Seul le Seigneur sera exalté en ce jour-là. » (Is 2, 11-12.17)

Marie espère pour toute l’humanité et pas seulement pour elle-même. Ce n’est pas un hasard si les gens se tournent volontiers vers Marie pour obtenir certaines grâces.
Marie se fait proche de nous mais nous invite aussi à nous faire proches des autres. Certaines personnes se plaignent de solitude. Il peut leur arriver de ne pas entendre l’appel de Dieu qui les invite à ne pas attendre passivement mais à faire en sorte de se faire proches des autres : en aidant les autres à sortir de leur solitude, elles sortent elles-mêmes de la solitude.

Conclusion

En ce beau jour de l’Assomption, je vous invite à contempler et admirer la Vierge Marie, d’abord pour elle-même, mais aussi pour vous réjouir de la place que Dieu vous réserve au Ciel. Si votre chemin est difficile, n’hésitez pas à recourir au réconfort de sa présence maternelle. Si vous voyez des personnes dans l’épreuve, n’hésitez pas à les confier à sa prière maternelle !

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Apocalypse 11,19a.12,1-6a.10ab.
  • Psaume 45(44),11-12a.12b-13.14-15a.15b-16.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 15,20-27a.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,39-56 :

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.