Homélie de la solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

2 juin 2016

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Texte de l’homélie :

« Donnez-leur vous-même à manger »

Ils se demandent bien ce qu’ils vont pouvoir faire.
Jésus est ce maître de l’impossible, il nous disait déjà dans l’Évangile cette semaine : « pour l’homme, c’est impossible. Mais pour Dieu, tout est possible », comme nous invitant à passer, comme ici avec l’Eucharistie, à une autre échelle que la nôtre propre. Une autre dimension, une autre foi que notre foi humaine.

« Donnez-leur vous-même à manger »

Et si c’est vrai ici de ce passage de la multiplication des pains, c’est encore plus vrai de ce que Jésus demande après la Pentecôte, avec ce que nous vivons avec la liturgie après Pâques, la Résurrection, avec la Pentecôte où l’Esprit Saint est donné et envoi les disciples en mission, avec le mystère de la Trinité qui nous met au cœur de Dieu.
Avec ici la fête du Saint Sacrement, le sacrement du Royaume de Dieu qui nous est donné, qui va nous apprendre à voir le mystère de notre réalité humaine : le pain, le vin, mais consacrés par Jésus d’une nouvelle manière, dans cette perspective de Dieu, dans la beauté à la fois de la puissance et de la capacité originelle de la création, qui comme disait Saint Augustin « est capable de Dieu » et dans sa dimension finale, eschatologique, du temps accompli où l’Eucharistie nous emmène tout droit vers le ciel, vers ce ciel qui est « déjà présent », dont nous avons déjà un avant-goût.
Nous vivons ce geste que Jésus fait la veille de sa mort, c’est Jésus qui se donne, qui nous entraîne vers son Père, qui vient ramasser toute humanité avec ce qu’elle est dans sa richesse mais aussi avec toutes ses blessures. C’est Jésus qui descend dans nos ténèbres à travers la Passion mais qui n’en reste pas là, qui n’a pas pour horizon simplement la ténèbre, le gouffre, la tombe, mais qui a pour horizon cet amour du Père qui le soutient, qui et là, même jusque dans le plus grand abandon pour que nous puissions comprendre que jamais le Seigneur ne nous abandonne au pouvoir du mal, mais qu’il vient nous y arracher.

« Donnez-leur vous-même à manger »

C’est combien dire Jésus qui est le pain vivant descendu du ciel, c’est combien dire Jésus viens nous mobiliser, nous engager à sa suite. Combien je vais nourrir ceux qui sont avec moi, combien je vais être une nourriture, une bonne nourriture, bien reconstituante à travers ma vie, ma prière, à travers chaque moment. Ce n’est pas simplement à la mesure des bonnes actions que je peux faire, mais dans ce travail, comme Jésus, dans ce travail d’offrande de notre vie, d’ouverture de notre cœur au Seigneur qui passe aussi par notre humanité. On le voit avec les Apôtres à travers leurs faiblesses, et Jésus qui n’a pas peur non plus de s’identifier avec les pauvres.

C’est demander la grâce avec l’Eucharistie d’apprendre à nous laisser transformer par la Parole de Jésus, par le pain de Jésus, par l’acte de Jésus qui s’offre, car s’il est vrai qu’avec la Résurrection comme nous l’avons médité à la Pentecôte, Jésus est avec nous tous les jours de notre vie partout et n’importe où, avec la célébration de l’Eucharistie, avec l’adoration c’est-à-dire notre engagement, notre remise de notre être pour nous engager à avancer avec Jésus, nous sommes invités à participer à l’offrande de nous-mêmes, à cette offrande de Jésus, pour que nous devions nous même Eucharistie c’est-à-dire offrandes de nous-mêmes. C’est-à-dire que nous ne laissions pas notre humanité terminée simplement à nos actes et à ce que nous sommes, mais que nous soyons ouverts sur le ciel, ouverts sur cet amour du Seigneur, ouverts pour à la fois recevoir et transmettre l’amour du Seigneur.
L’Eucharistie que nous sommes appelés à recevoir, c’est pour que nous puissions la disséminer pour que nous soyons nous-même nourriture.

Ce geste de Jésus déjà dans ce texte de la multiplication des pains, a cette forme liturgique : « il leva les yeux au ciel, il prononça la bénédiction, il rompit, … » C’est cet acte liturgique qui est cette bénédiction, qui nous ramène sans cesse à cette action de grâce.
Cette action de grâce qui a fait un choc si énorme dans la vie d’Abraham, où lors d’une fête qui célèbre la victoire qu’il a remporté pour délivrer son neveu Loth, loin de se laisser emporter par la gloire, rencontre le prêtre qui invoque le nom du Seigneur, qui offre le pain et le vin comme la liturgie l’annonce aujourd’hui, comme ce mystère Eucharistique de cette action de grâce.
Cette action de grâce chez Abraham va avoir un effet énorme : il va payer la dîme sur tout ce qu’il a à ce prêtre pour montrer sa reconnaissance, sa soumission, cette impression qu’il a eu que c’est vraiment un messager de Dieu qui lui permet d’être dans sa vocation. La vocation d’Abraham qui est justement de louer le Seigneur, d’être bénédiction. Le Seigneur béni Abraham « et par toi toutes les familles de la terre seront bénies », cette bénédiction de Dieu se transmet, deviendra nourriture pour tous.

Demandons donc de nous approcher de l’Eucharistie avec un amour toujours plus grand, avec une reconnaissance toujours plus grande, avec un engagement où nous sommes appelés nous-mêmes à devenir cette offrande. De déposer notre vie, d’en confier le fruit au Seigneur et de nous laisser transformer pour devenir de vraies sources de bénédiction.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 14,18-20.
  • Psaume 110(109),1.2.3.4.
  • Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 11,23-26.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9,11b-17 :

En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin.
Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent :
— « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. »
Mais il leur dit :
— « Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
Ils répondirent :
— « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. »
Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples :
— « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. »
Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde.
Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule.

Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.