Homélie du 11e dimanche du temps ordinaire

18 juin 2018

« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. »

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Texte de l’homélie

Ces paraboles du Royaume de Dieu que l’Eglise nous donne de méditer en ce dimanche représentent une partie importante du message du Christ. Elles ont été retranscrites par les évangélistes et parviennent maintenant jusqu’à nous. Cette forme d’enseignement est pédagogique : elle part du concret, du réel, du visible et nous fait accéder à quelque chose d’invisible.

L’invisible, ce royaume de Dieu dont Jésus nous parle…

Ces deux paraboles donnent un éclairage différent sur ce royaume.

La première est celle de l’homme qui jette la semence et cette semence qui se lève et grandit chaque jour, il ne sait comment. C’est beau…

Cela s’oppose aux manières de voir le règne de Dieu de façon volontariste, à la force du poignet. Ce règne de Dieu – qui n’est autre que Dieu lui-même – nous dépasse.

Premièrement, il faut perdre le semence : elle est enfouie. Tout comme dans la deuxième parabole, avec le levain dans la pâte : on voit qu’il disparaît.
Elle signifie que je suis appelé à quitter, à perdre quelque chose pour qu’une croissance advienne.

Dans les deux cas, il s’agit bien d’une croissance :

  • la semence grandit, l’herbe monte, puis l’épi apparaît et le blé se forme à l’intérieur…
  • la graine, au départ la plus petite, grandit et devient la plus grande des plantes potagères….

Oui, il est intéressant de voir que cette parole de Dieu, ce royaume de Dieu grandit en nous à notre insu. C’est très beau : nous n’avons qu’à laisser faire la grâce qui agit. Cette question de la grâce est tout à fait capitale : si nous sommes ici dans cette chapelle, c’est par la grâce de Dieu qui nous a appelés ce matin à nous rassembler autour de Sa parole, de Son corps et de Son sang.
C’est tout à fait différent que de voir ma vie spirituelle comme le fruit de ma volonté, comme si tout dépendait de moi…

Grandir, c’est se laisser façonner par la grâce du Seigneur

Nous le savons bien, c’est la grâce qui nous précède. Nous sommes d’abord précédés par un don. Dans les deux paraboles, ce n’est pas nous qui avons fabriqué cette semence : elle nous a été donnée.
Nous sommes précédés par un amour. Et, dans la mesure où je me laisse faire, cet amour grandit en moi. Et en grandissant en moi, il grandit autour de moi !

Dans la première parabole, lorsque le grain est mûr, lorsqu’une maturité, une croissance ont été atteintes, l’homme met la faucille : la moisson est arrivée.
Traditionnellement, dans le langage parabolique, la moisson représente la fin du monde. Les anges sont les moissonneurs, nous dira Jésus dans la parabole du bon grain et de l’ivraie : ce que nous aurons vécu du Royaume de Dieu, nous l’aurons vécu dans la Foi comme le dit Saint Paul dans la deuxième lecture.

Dans ce face à face, le Royaume de Dieu nous apparaîtra dans la mesure où nous l’aurons laissé grandir en nous. Et c’est à nous de ne pas mettre d’obstacle, de nous laisser émonder – Il le dira dans une autre parabole à propos de la vigne, pour qu’elle porte du fruit - dans la mesure où nous Le laissons faire dans notre vie. Il y a quelque chose qui nous échappe.
Que nous soyons endormis ou éveillés, cette parole grandit en nous. C’est très rassurant : si cela ne dépendait que de nous que le Royaume de Dieu advienne, cela ne serait pas près d’arriver ! mais, si nous savons - comme le Seigneur le rappelle dans Sa parole – que c’est Lui qui est à l’origine de la semence, à l’origine de la croissance et de la maturité, c’est tout à fait autre chose.
Notre attitude spirituelle va être beaucoup plus dans l’accueil, dans le laisser-faire, le lâcher prise, et on sait bien quel travail cela représente. C’est aussi le fruit de la grâce.

Alors, si nous sommes ici dans cette chapelle, c’est en grande partie pour nous relancer, nous encourager les uns les autres, que ce soit dans le chemin du catéchuménat, ou dans les équipes Notre-Dame, ou en tant que simple fidèle habitué de l’église : nous sommes là pour demander au Seigneur que nous puissions nous laisser faire par Sa grâce.
C’est ce que Jésus nous demande aujourd’hui : regarde la parole, regarde la semence :

« Il ne sait comment, mais elle grandit. »

Dans la deuxième parabole, il y a une deuxième disproportion. La graine de moutarde : c’est la plus petite de toutes les semences, mais quand on l’a semée, elle dépasse toutes les plantes potagères. C’est la plus petite, mais c’est aussi la plus grande.

« Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

Là aussi, il y a une leçon de vie énorme.

« Ce qu’il y a de plus petit dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les forts, et ceux qui se croient quelque chose.
Ceux qui se croient sans renommée, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les puissants. »

Le Royaume des cieux est présent dès ici bas

Ce paradoxe évangélique qui est fécond pour l’intelligence et pour les cœurs, est l’essence même de cette parabole.
Au sujet de ce qu’il y a de plus petit : faisons attention à ce que l’on appelle les motions du Saint-Esprit, ces mouvements du cœur en nous. Soyons connectés à nous-même, à notre cœur profond. Ces petits détails ont parfois une portée bien plus grande que ce que nous pouvons imaginer.

Oui, ce qu’il y a de plus petit peut aussi être à l’origine de la croissance des autres :

« Les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Leur nid, leur couvée, et d’autres peuvent grandir dans cette plante potagère. De notre croissance, il en va aussi la croissance des autres. De notre maturité, il en va aussi de la maturité des autres, parce que je ne peux pas dire « je » sans dire « tu », je ne peux pas dire « tu » sans dire « nous ».
Alors, qu’est-ce qui rassemble tous ces éléments et bien d’autres : à la fois l’origine de la grâce, à la fois la semence, la croissance, la vie éternelle à travers le jugement dernier, la moisson arrivée, d’un royaume qui se prolonge dans l’au-delà…

Ainsi, on pourrait dire que l’Église est le Royaume de Dieu. Au-delà de ce que nous pouvons voir de l’Église visible, il y a l’Église invisible, celle qui est auprès du Seigneur, comme dans cette parabole du bon grain et de l’ivraie, composée de saints et de pécheurs.
Que l’Église n’ait pas le souci d’elle-même : lorsqu’elle se replie sur elle-même, c’est là où elle n’est plus signe. Mais, quand elle se préoccupe des autres, lorsqu’elle est croissance pour d’autres, c’est là qu’elle montre sa beauté.

Dans nos pays, l’Église a des moyens qui ne sont pas du tout proportionnées à son objectif. Si c’était une entreprise humaine, cela fait longtemps qu’elle aurait mis la clef sous la porte : que ce soit en termes de communication, de marketing, et tout ce qui fait la réussite d’une entreprise humaine…
Il n’y a pas de proportion entre ce à quoi l’église est appelée à témoigner et ce qu’elle est : la plus petite des semences. Mais, les oiseaux du ciel peuvent y faire leur nid, d’autres y puiser leur croissance et leur beauté.

Ainsi, ces belles paraboles nous parlent du Royaume des Cieux, celui qui est à venir mais aussi celui qui est ici et maintenant, cette église que nous formons, cette église du ciel, cette église corps du Christ à laquelle nous appartenons.

Chers catéchumènes qui frappez à la porte de l’église, je trouve beau que vous ayez le sens très ouvert et très large de l’Église, et que vous rentriez aussi dans ce lâcher prise, dans cette confiance. Nul ne se déclare membre de l’église par sa propre volonté : il est appelé pour l’être. Il est d’abord précédé par un amour.
C’est votre cas, chers catéchumènes : si vous persévérez jusqu’au baptême, vous serez appelés. C’est aussi le cas de l’enfant qui vient de naître et que ses parents présentent sur les fond baptismaux : ils reçoit la grâce de participer.
On ne s’autoproclame pas membre de l’église : on reçoit ; il y a donc une confiance, un lâcher prise dès le départ. Cela ne nous appartient pas.

C’est beau de voir de tout jeunes enfants être baptisés précisément parce qu’on voit le Royaume de Dieu qui agit à la manière de Jésus dans cet enfant qui n’a pas encore sa volonté et toutes ses facultés intellectuelles formées. Et pourtant, c’est là que le Royaume de Dieu agit.
Chaque baptême est l’expression de l’Église qui accepte d’être juste ce signe du Royaume de Dieu.

Ainsi, nous pouvons demander au Seigneur d’avoir un autre regard sur notre Église au sens très large. C’est le cas avec l’Église domestique que vous formez, vous familles présentes à cette célébration : vous êtes aussi invités à ce lâcher prise, en particulier avec l’éducation des enfants qui dépasse les parents et tout ce qu’ils souhaitent apporter.

Jésus nous invite à cette humilité face à cette croissance invisible : on ne sait pas comment ça grandit, mais on n’a pas à se faire de souci concernant l’avenir de l’Église. Il y aurait une tentation de repli sur soi, notamment avec l’inquiétude concernant le manque de prêtres, les statistiques du nombre de baptisés… est-ce vraiment ça l’église ?
C’est par douze apôtres que le Seigneur a commencé, et regardez où nous en sommes ! Faisons donc mémoire de cela.
Dans notre vie, c’est pareil : faisons mémoire de la grâce de Dieu qui agit en nous. Ce que nous sommes, nous le devons aussi à l’Église.

Soyons dons dans une grande confiance par rapport à l’avenir. Et c’est justement là où vous, Chrétiens, vous êtes attendus : de rappeler le primat de la confiance sur le contrôle dans une société qui – au contraire – invite à toujours plus sécuriser, normer, protocoler… il y a certainement du bon, mais nous sommes dans un autre ordre.

Nous sommes dans l’ordre de la grâce. Et l’ordre de la grâce est tout autre,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 17,22-24.
  • Psaume 92(91),2-3.13-14.15-16.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 5,6-10.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 4,26-34 :

En ce temps-là, Jésus disait aux foules :
« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment.
D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »

Il disait encore :
« À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ?
Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre.
Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.