Homélie du 13e dimanche du Temps Ordinaire

28 juin 2021

Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.

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Texte de l’homélie :

L’évangile de Marc propose une pédagogie pour les disciples, et c’est avec ce regard-là que nous allons tenter de méditer ensemble ce passage. Vous souvenez-vous de l’Évangile de dimanche dernier ? La tempête apaisée était aussi une approche pédagogique pour les disciples, eux qui avaient été appelés pour être des pêcheurs d’hommes, les voici secoués de tous côtés et interpellant Jésus qui dormait sur un cousin :

« Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »

Et Jésus se réveille et calme vent et les flots. Il réalise avec Ses disciples ce à quoi ils sont appelés à être, c’est à dire des pêcheurs d’hommes. Les humains ne sont pas faits pour vivre dans l’eau, si l’on aime bien se baigner, nous ne sommes pas capables de vivre toute la journée dans l’eau car nous ne sommes pas des êtres aquatiques. Et comme nous sommes des êtres terrestres, cette expression nous rappelle qu’il s’agit de nous faire sortir d’un lieu où nous ne sommes pas appelés à être – un lieu de mort – pour être en sécurité, vers un lieu de vie. Cette image est d’autant plus forte que, comme vous le savez, le peuple juif n’a pas le pied marin, c’est un peuple de pasteurs et de commerçants,

A travers ces deux récits de miracle qui s’enchevêtrent, nous retrouvons la manière de faire de Jésus : Il nous invite à sortir d’un lieu de mort pour nous conduire à la vie, mais pas des chemins différents.
Tout d’abord, il y a la femme qui avait des pertes de sang.

La femme dite « impure »

Comprenons bien qu’une femme dans sa situation était déclarée impure. Ainsi, les femmes dans cette période particulière du mois doivent s’isoler de la communauté, ne peuvent être en contact avec personne. Une personne souffrant de ce mal d’une façon permanente était rejetée.
Combien de fois a-t-elle pu être rabrouée et mal traitée durant ces douze années ?
Vous l’avez entendu, elle a dépensé tout son argent, et elle profite du passage de Jésus pour toucher Son vêtement, derrière lui, avec discrétion.

« Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée… »

Et c’est vraiment cette foi qui fait que cette femme impure touche Celui qui est saint, Celui qui est pur, et devient purifiée à son tour. Et il est intéressant de voir que Jésus a senti une force sortir de Lui :

« Qui m’a touché ? »

Cette application thaumaturgique, cette grâce particulière pour des gens malades, est admirable !

Cette page d’Évangile nous enseigne donc qu’être pêcheur d’homme ce n’est pas seulement sortir la personne des eaux de la mort, mais c’est aussi la tirer d’une situation mortifère. La personne qui est dans une situation d’impureté aux yeux de la loi était clairement rejetée, dans une impasse. Elle n’avait plus rien, elle avait dépensé tout son bien, depuis douze ans qu’elle courait après les médecins. On voit l’énergie du désespoir :

« Si seulement je pouvais toucher la frange de son vêtement, je serais sauvée… »

La vie de cette femme semble bloquée : par exemple, rien n’est dit sur son mariage, et elle était probablement seule car aucun homme ne voulait d’elle. Rien n’est dit non plus sur sa vie spirituelle, car le fait d’être impure l’empêchait de se rendre au Temple et elle était ainsi coupée de la vie spirituelle. Montrée du doigt, elle était privée de vie sociale et de vie spirituelle.
Et Jésus Se laisse toucher par cette femme-là, physiquement et émotionnellement. Et Il Se laisse aussi toucher par toux ceux qui sont rabroués et mis de côté dans la vie, ceux dont on ne veut plus pour une raison ou pour une autre, parce qu’ils ne sont pas dans une situation régulière.

Il est intéressant de voir combien Jésus a été en contact avec des personnes en situation irrégulière, et singulièrement par rapport à la vie matrimoniale, cela pourrait faire l’objet d’une réflexion à part entière.
Considérons ainsi cette manière de Jésus de laisser l’autre s’approcher et de se laisser toucher.

Que faisons-nous avec l’Eucharistie, qui est la grande pédagogie, la mystagogie – pédagogie des mystères – si ce n’est toucher le Christ ?
Nous allons toucher le Christ. Ce n’est pas simplement la frange de Son manteau, c’est le corps et le sang du Seigneur.

S’approcher du Christ

Ainsi, allons-nous nous approcher avec l’énergie du désespoir, de la recherche de la dernière chance ? que ce soit oui ou non, les grâces sont à la mesure de notre foi ainsi qu’à celle de notre situation de pauvreté…

Mais vous, chers fiancés qui vous préparez au mariage, prenez conscience que le mariage est l’union de deux pauvres qui viennent à la rencontre du Christ, tentez de toucher avec humilité, demandez des grâces. Vous le savez, tout sacrement est un signe du Salut. Demandez d’être sauvés !

On se marie à l’Église pour être sauvé. Ainsi, il faut se demander de quoi votre couple a-t-il besoin d’être sauvé ? Comme tout le monde, vous en avez besoin mais puissiez-vous le jour J demande précisément d’être sauvé de l’orgueil, de l’égoïsme ou de l’individualisme, du perfectionnisme ou d’autant d’idolâtries qui nous pourrissent la vie…

Prenez conscience du fait que nous avons besoin d’être sauvés, que comme fiancés, le sacrement de mariage vous ouvre les portes de la vie et vous plonge dans la source de la vie qu’est le Christ. Vous plongez en Lui ce qui est mort dans votre couple et qui est appelé à renaître.

Il y a donc un miracle à l’intérieur d’un deuxième miracle. Ensuite, il y a la fille de Jaïre. Le chef de la Synagogue vient voir le maître lui disant qu’elle est à toute extrémité. Et après la guérison de cette femme au milieu de la foule, arrive un groupe de personnes qui annoncent la mort de la jeune fille, avec cette phrase :

« Pourquoi déranger encore le maître ? »

Rien n’est impossible à Dieu !

A travers ce miracle, Jésus montre qu’Il est le maître de l’impossible. droite

Cela nous attire notre attention sur le fait que la foi commence là où plus rien n’est possible, là où il n’y a plus d’espoir. Et à travers cela, Jésus montre qu’Il est le maître de l’impossible.

Ainsi c’est une question de foi, et Jésus invite à la confiance avec ces mots :

« Ne crains pas, crois seulement. »

« N’aies pas peur ! tu es confronté non seulement à une attitude mortifère, mais à la mort !
C’est la même aventure que les disciples passagers de la barque sur la mer agitée qui sont confrontés à la mort : « N’aies pas peur, crois seulement. »

Dans ce cas, ce n’est pas seulement Jésus qui se laisse toucher, même s’Il est rempli de compassion pour ce père de famille qui a perdu sa fille, mais c’est lui qui va nous toucher quand nous ne sommes plus en mesure de faire un pas. C’est le cas d’une personne morte ou dans le coma…

Se laisser toucher par le Christ

Lorsque nous sommes dans l’impuissance radicale, lorsque nous n’y arrivons plus, que nous n’avons même plus la force de toucher la frange de Son vêtement, c’est Jésus qui vient c’est Lui qui nous touche. Et en nous touchant, Son pouvoir de vie nous ressuscite.

Son pouvoir de vie vient renouveler ce qui était perdu.

C’est intéressant de voir ce parallèle entre cette femme et cette jeune fille avec cette durée de douze ans : l’âge de l’adolescente correspondent à la longueur de la maladie de la femme. Et notons que Jésus l’appelle : « Ma fille », alors qu’il s’agit d’une adulte…

Ce parallèle entre les deux miracles qui sont emboîtés est un signe de rapprochement : ce n’est pas par hasard que Jésus appelle une adulte : « ma fille », et de même pour cette durée de douze ans, de vie comme de maladie. C’est comme pour nous montrer qu’il s’agit d’un seul et même miracle, une seule et même pédagogie : aller à la rencontre du Christ, Le toucher ou se laisser toucher par le Seigneur dans notre impuissance radicale.

Ce qui est intéressant pour la fille de Jaïre, c’est l’intervention de tiers : le père de l’enfant qui demande la guérison et les proches de la famille qui viennent annoncer le deuil.
Ils sont ensuite comme éloignés. Le texte parle d’abord de la foule qui presse le Christ ; ensuite Il va voir l’enfant avec Pierre, Jacques et Jean uniquement. Ils sont en nombre réduit et rentrent dans la maison, puis dans la pièce où il y a la jeune fille où Il dit aux personnes de partir, sauf aux parents. Auprès d’elle il y a donc uniquement Jésus, Pierre, Jacques, Jean et les parents. C’est le signe du secret de Dieu, Son œuvre se fait dans la discrétion.

L’œuvre de Dieu se fait dans la discrétion

L’œuvre de Dieu ne se fait pas au grand jour, au vu et au su de tout le monde, comme on peut le voir parfois dans certaines assemblées de prières, en Amérique Latine par exemple, où il faut que tout le monde voie le miracle. Dans ce cas là, personne ne voit le miracle se dérouler.

Quand le Christ agit, quand Dieu agit, c’est dans la pièce la plus retirée.

« Quand tu pries, retire toi dans la pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret. (Mt. 6, 6) »

On peut également y entrevoir une pédagogie : Jésus forme ainsi ses disciples leur montrant qu’il y a plusieurs manières de provoquer des grâces, de toucher Son vêtement et d’être touché par Lui.
Cela nous montre aussi cette confiance et cette médiation, et nous indique de ne pas faire obstacle à la grâce de Dieu. Cela nous invite à conduire le Christ à la personne qui est en grande fragilité.

Cela nous dit aussi l’importance de cette discrétion du mystère de Dieu. Laissons-nous saisir par la pauvreté des sacrements : certes, nous avons des offices majestueux, nous entendons des chants magnifiques, mais quand nous regardons la réalité des sacrements, c’est extrêmement simple et modeste. Et c’est dans cette sobriété que le Seigneur agit.

C’est ce que nous allons demander les uns pour les autres. Chers fiancés qui vous préparez au mariage, demandez des grâces le jour J. Vous êtes dans la situation des personnes qui vont vouloir toucher le Christ, qui prennent conscience que sans Lui, rien n’est possible. La question du Salut est compliquée car on pense se débrouiller seul et que l’on va s’en sortir, mais quand on touche sa vulnérabilité, c’est le moment de s’approcher discrètement du Christ pour toucher Son manteau.
C’est ce que nous allons faire dans cette célébration,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24.
  • Psaume 30(29),2.4.5-6ab.6cd.12.13.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 8,7.9.13-15.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 5,21-43 :

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer.
Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait. Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré - … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait :
— « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent :
— « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors :
— « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci :
— « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue :
— « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.