Texte de l’homélie :
Ce temps passé par Jésus à Nazareth et cet apparent échec de Son apostolat, n’est pas sans nous rappeler l’échec – général d’ailleurs – de Jésus. D’ailleurs, on dit bien dans l’introduction :
« Il est venu parmi les Siens et que les Siens ne l’on pas reçu. »
Mais l’histoire de Jésus et de cette pierre fondatrice, c’est la pierre rejetée par les bâtisseurs. Et notre société est marquée par un grand rejet du Seigneur, peut-être encore plus qu’avant.
Combien n’est-il pas douloureux dans les familles de voir les enfants, qui ont pourtant été éduqués dans la Foi, abandonner le cheminement avec le Seigneur.
Le temps du jugement
Dans cet évangile, il est dit :
« Par leur manque de Foi, Jésus ne pouvait pas faire grand chose… »
Et nous avons l’impression que nous sommes en effet dans un temps et une situation dans laquelle Jésus ne fait pas grand chose.
Dans son intelligence et pour nous aider à lire ce texte, la liturgie nous invite en première lecture à prendre le livre d’Ézéchiel, afin de comprendre cette situation. Ce livre nous est donné pour vivre un temps comme nous vivons le nôtre. En traversant le temps que nous vivons, nous risquons d’être perdus et de céder à la tentation.
Ce n’est pas facile d’être Chrétien aujourd’hui, on voit des défaites de toutes parts, et l’on peut se demander comme beaucoup le font s’il ne faudrait pas se tourner vers quelque chose de plus attirant et qui « marche »
Et le prophète Ézéchiel nous est donné – comme Jérémie avant – d’une manière particulière pour affronter ce temps. Vous avez sans doutes entendu le début de ce texte :
« L’esprit vint en moi et me fit tenir debout. J’écoutai celui qui me parlait. »
Une fois qu’il est debout, le Seigneur peut lui parler.
Il faudrait retracer le livre d’Ézéchiel dans son entier pour comprendre cette attitude du prophète devant ce peuple qui se rebelle, qui n’est pas enclin à suivre et à adhérer au Seigneur. Le rebelle, c’est celui qui refuse l’autorité d’une personne, qui résiste et s’oppose à quelque chose. Les littéraires d’entre nous peuvent se souvenir de ces quelques mots de Corneille :
Ou encore chez Racine :
Il s’agit de cette opposition, de cette défiance dans un peuple qui refuse la Foi, qui passe son temps à la critiquer et à la tourner en dérision. Et au milieu de cela, le Seigneur suscite Son prophète.
« Trente ans plus tard », « La cinquième année du roi Joachim »… le livre d’Ézéchiel donne des dates. Et si on les analyse, ce livre étant près du Lévitique, on découvre qu’elles couvrent cinquante ans, la cinquantième année étant l’année jubilaire, comme le déclare Jésus.
C’est cette année où chaque personne du peuple est appelée à rentrer dans son patrimoine, une année d’annulation des dettes, notamment pour les esclaves, ceux qui s’étaient mis en gage et qui sont délivrés, afin de rentrer en possession du pays tel que le Seigneur le donne.
Avec ces dates, le prophète nous donne la vision de ce chemin.
Le moment de la restauration
Il y a différentes parties, à commencer par cette dénonciation du péché et de l’idolâtrie, des difficultés du peuple de Dieu qui ne veut pas entendre. Puis, il y a ces jugements contre « les nations », et enfin la restauration avec Dieu qui donne un cœur nouveau, un esprit nouveau, une force nouvelle qui refait une unité nouvelle.
Dans ces temps de l’exil où vit Ézéchiel, le Seigneur nous accompagne.
Si l’on pensait que Dieu était donné par le roi et dans le temple, maintenant que le temple est détruit et le roi en exil, Ézéchiel voit cette présence du Seigneur qui s’élève du temple, qui reste trois mois sur le Mont des Oliviers, puis qui part. A travers Son prophète, le Seigneur parle aux exilés. Il veut nous parler…
Jérusalem est en état de siège et rien ne pourra la sauver. Comme Jérémie, Ézéchiel se bat pour que nous ne soyons pas dans l’illusion, trouvant de faux fuyants pour justifier cette destruction.
Mais cette destruction n’est pas une défaite du Seigneur, c’est très marqué dans la Bible. C’est le Seigneur qui juge Son peuple, qui veut lui apprendre à sortir de l’idolâtrie, de cet alignement que le peuple a fait sur les autres nations - notamment pour ce qui concerne les mœurs – et en oubliant les commandements du Seigneur.
Et il n’y a même pas le passé que l’on pourrait rêver, en vue de le retrouver, pour restaurer ce qui était avant. Non, car dès le début de son histoire, Israël était impur car la pureté c’est le Seigneur qui la donne et elle est à conquérir.
La défait d’Israël n’est pas non plus la défaite des nations car elle vont elles aussi à leur ruine. Et de là tous les jugements sur les nations qui s’enchaînent.
Et au delà de tout cela, il y a des passages très connus d’Ézéchiel qui insiste sur les responsabilités personnelles. Les désordres sociaux, sexuels et cultuels sont porteurs de mort, et Dieu invite à prendre ses responsabilités et à avancer. Il va régénérer la volonté et Il offre aussi les moyens d’une vie nouvelle. C’est un peuple qui est appelé à ressuscité, à la vie qui est appelée à reprendre alors que l’on croyait les choses mortes.
Le prophète : un homme envoyé par Dieu pour parler aux hommes
Alors, pour revenir à notre texte du prophète, il est à noter que l’on appelle « fils d’homme ». On sait qu’il y a parmi eux un prophète qui va prophétiser, mais on l’appelle ainsi car il est appelé à être un homme, à ne pas se laisser être écrasé par la situation.
Car, soit à la vue de la gloire de Dieu dans le premier chapitre, ou en entendant la parole de Dieu il est abasourdi, ou en voyant la misère et les difficultés du peuple, il a tendance à s’effondrer. Mais le Seigneur lui demander d’écouter et de se tenir debout, l’attitude caractéristique d’un homme.
« C’est à eux que je t’envoie…. »
Et le Seigneur l’envoie par deux fois vers ce peuple à la nuque raide, au visage dur et au cœur endurci. Et Il lui promet de le fortifier. D’ailleurs, le nom d’Ézéchiel signifie « Le Seigneur m’a durci, Il m’a fortifié ». Il lui recommandera ensuite d’être fort face à ses contradicteurs : « Que les gens écoutent ! Parle, annonce ! Ne reste pas dans le découragement… »
« Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles ! – ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »
Dans un premier temps, cela ne va peut-être pas porter de fruit, mais c’est le Seigneur qui nous accompagne.
« Mais toi, fils d’homme, n’aie pas peur, ne crains pas. Dis-leur ma parole, ne t’effraye pas. »
Effectivement, avec notre vie de foi dans le monde, nous avons souvent l’impression d’être assis dans les orties et les épines ou sur des scorpions, comme le dit le texte : ce n’est pas confortable. Mais le Seigneur dit :
« Je suis avec toi. Parle. »
Et tout de suite après le texte, le Seigneur présente un rouleau, un petit livre. Il est écrit sur les deux côté, fait inhabituel à l’époque où on écrivait sur une face des rouleaux, mais c’est parce qu’il y a beaucoup de texte. Ce sont des gémissements, des lamentations, toute cette douleur, toute cette misère.
Puis, il est invité à manger ce livre. C’est à la fois le cri du peuple et l’écriture qui nous est donnée.
Une parole pour nous guider aujourd’hui encore
Alors, je ne saurai que vous inviter à vous mettre debout pour lire la parole, pour connaître ces textes extraordinaires qui nous montrent de manière très actuelle comment tenir, comment être Chrétien dans notre monde aujourd’hui. Non pas en rêvant à un passé, non pas en pensant que c’est la défaite, la déroute, mais en voyant, en sachant que Dieu nous invite, vous invite, à être debout, à annoncer, à partager, à voir cette action de Dieu qui vient purifier notre cœur pour qu’il devienne correspondant au Seigneur. Nous avons tous du chemin à faire. Ce n’est pas parce que nous sommes Chrétien que nous sommes arrivés, au contraire, nous sommes en chemin.
Regardez l’Évangile, regardez les apôtres et les amis de Jésus, ils sont tous déroutés par Lui : Il ne correspond jamais à leurs attentes naturelles et humaines. Ils imaginent tous Jésus d’une autre manière, et ils se fracassent sur le mystère de la Croix…
Mais le Seigneur Se montre vivant.
Comme nous fêtions hier Thomas, nous avons vu que le Seigneur ne vient pas l’humilier de sa non-croyance, mais Il vient accueillir cet homme en quête de vérité, en questionnement sur Lui et Il Se montre à Lui.
A notre tour, venons auprès du Seigneur, « mangeons » ce livre de Sa parole qui nous paraît amer avec toutes ces lamentations, mais qui – pour celui qui y a goûté – devient doux comme du miel.
Lisons la Parole, et laissons-nous guider par le Seigneur qui nous donne ces moyens et qui nous parle vraiment.
Nous avons l’habitude de considérer que l’Écriture est parfois un peu étrange et elle ne nous parle pas toujours, mais si on accepte de s’y plonger, on découvre cette lumière du Seigneur qui nous accompagne,
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre d’Ézéchiel 2,2-5.
- Psaume 123(122),1b-2ab.2cdef.3-4.
- Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,7-10.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 6,1-6 :
En ce temps-là, Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et ses disciples le suivirent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient :
— « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet.
Jésus leur disait :
— « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains.
Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.