Homélie du 13e dimanche du Temps Ordinaire

2 juillet 2015

Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Chers Frères et Sœurs,

Vous avez tous passé des examens. Habituellement, on préfère être après (surtout si on a réussi !) qu’avant. On leur donne aussi le nom d’« épreuves ». C’est un moment délicat qui nous permet d’accéder à la classe supérieure par exemple.
Dans l’évangile de ce jour, Jésus met à l’épreuve la foi de la femme hémoroïsse et celle de Jaïre. A travers cette épreuve, ils vont grandir dans la foi. Je désire m’arrêter ce matin avec vous sur trois éléments que nous trouvons dans l’évangile :

  • les différentes manières de toucher Jésus (la foule ou la femme hémoroïsse) ;
  • le progrès dans la foi de la femme hémoroïsse ;
  • le progrès dans la foi de Jaïre.

Les différentes manières de toucher Jésus

La question de Jésus : « qui a touché mes vêtements ? » fait rire les disciples. Pourtant la femme a touché Jésus d’une manière bien différente de la foule qui l’écrase. Dans la foule, il y a certainement des gens qui touchent Jésus de façon beaucoup plus forte que cette femme.

Jaïre et la femme hémoroïsse sont dans la détresse.

Comme le note saint Marc, la femme a épuisé tous les recours humains possibles : les médecins n’ont pas réussi à soigner son mal. Il n’est pas précisé que Jaïre ait convoqué tous les médecins de la région auprès de son enfant, mais on peut le supposer vu l’intensité de sa détresse : tout comme la femme, il a épuisé tous les recours humains possibles. En un sens, c’est sa détresse qui la conduit à un toucher de Jésus qui ne soit pas un toucher distrait. Son toucher est porteur de l’intensité de son désir d’être sauvée, guérie. Elle met dans ce toucher toute son espérance : « Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée ».
Dans une telle situation, on peut sombrer dans la désespérance si caractéristique de notre société actuelle ; mais on peut aussi se tourner avec confiance vers Dieu.

A la différence de la foule, le toucher de cette femme est porté par la foi.

Elle sait que le corps humain de Jésus est dépositaire d’une puissance de guérison qui excède les forces humaines. Elle voit en lui un Sauveur. Si Marc tient ainsi à noter l’impuissance des hommes, c’est pour mieux faire ressortir le pouvoir de Jésus. Ce pouvoir, à la différence des prophètes de l’Ancien Testament (Elie ressuscitant le fils de la veuve de Sarepta en 1 R 17, 17 – 24 et Elisée rappelant à la vie le fils de la Shounamite en 2 R 4, 18 - 37) lui appartient en propre. La grâce nous vient par l’incarnation de Jésus. Son corps est canal de grâce.

La foi rend possible le contact avec le Seigneur. A travers ce contact, sa force vitale passe à travers nous et opère le salut. Pour nous, ce contact avec le Sauveur se fait notamment dans l’Eucharistie et la Parole. A nous de choisir entre un rapprochement stérile, comme celui de la foule qui l’écrase, et un « toucher » en vérité, dans la confiance et dans la certitude de trouver la vie.

« C’est la foi qui touche le Christ ; c’est la foi qu’Il voit.
Ce n’est pas notre corps qui le touche ; les yeux de notre nature ne le saisissent pas.
Car voir sans percevoir, ce n’est pas voir ; entendre sans comprendre, ce n’est pas entendre, ni toucher si on ne touche pas avec foi… » (Saint Ambroise)

L’épreuve de la femme hémoroïsse

Jésus invite la femme à aller plus loin que ce toucher. Au point de départ, elle ne demande rien à Jésus. Elle arrive par derrière, pensant agir à son insu. Elle veut en quelque sorte se servir par elle-même. Par sa question qui peut sembler naïve (« qui a touché mes vêtements ? »), Jésus invite la femme à se dénoncer.

La femme est craintive et tremblante peut-être parce qu’elle a peur que Jésus ne lui reproche de lui avoir fait contracter une impureté. En effet, du fait de sa maladie entraînant des pertes de sang continuelles, cette femme était en état d’impureté légale. Mais Jésus retourne la situation car en proclamant publiquement sa guérison, il la réintroduit dans la communauté (tout comme le lépreux en Mc 1, 40-45).
Comme pour le lépreux (6e dimanche B), le cours des choses s’est en quelque sorte inversé : avec Jésus, nous n’avons plus à avoir peur d’être contaminés par le mal. Car en Jésus nous est offerte la victoire sur le mal et la mort.
Jésus ne se contente pas de contenir le mal par des précautions diverses ; Jésus est vainqueur du mal. Jésus est tellement “le Saint” que le contact avec notre souillure, sans l’atteindre, nous purifie.

Le désir de Dieu, au-delà de la guérison, c’est que nous le rencontrions, que cela ne se fasse pas par derrière mais face à face. Au monologue intérieur de la femme, Jésus substitue un dialogue. Nous ne pouvons pas vivre notre foi simplement dans le secret de notre cœur, il faut accepter de nous compromettre pour Jésus aux yeux des autres, de nous afficher pour Jésus, de dire publiquement notre foi en lui.

L’épreuve de Jaïre

Le récit commence par Jaïre. En un sens, cela semble mieux parti pour lui : Jaïre est un notable, il est chef de la synagogue, il est entouré de serviteurs, sa maisonnée est nombreuse. Cela lui demande déjà une vraie foi que de se jeter publiquement aux pieds de Jésus (c’est la première fois qu’un responsable religieux juif se jette aux pieds de Jésus, dans une démarche publique).

Mais Jésus l’invite encore à progresser dans la foi. L’aggravation de la situation lui en donne l’occasion. Vous connaissez l’« à-quoi-bonite » ? C’est la réaction des serviteurs qui viennent le trouver lorsque la jeune fille est morte : « à quoi bon » déranger le maître… Cet « à quoi bon » est destructeur. C’est la voie du découragement. Le Seigneur l’exhorte à combattre le doute et à persévérer dans la confiance :

« Ne crains pas, crois seulement. »

Ce n’est pas par hasard que saint Marc nous présente ces deux miracles comme enchevêtrés. Jaïre, pour aller plus loin dans sa foi, est aidé par la foi de cette femme toute simple. Comme Jaïre, dans notre cheminement de foi, nous avons besoin des autres, et particulièrement des petits qui recourent à Jésus avec une grande simplicité. Plutôt que de nous moquer des « petits » qui touchent le rocher de Lourdes par exemple, nous pouvons nous laisser enseigner par les petits.

De fait, Jaïre devra continuer son itinéraire de foi en affrontant les moqueurs. Lorsque Jésus dit que l’enfant n’est pas morte mais qu’elle dort, on se moque de lui. Comme pour lui, il se trouve aussi des moqueurs pour nous susurrer que les moyens spirituels ne sont pas adéquats. Il faut alors avoir le courage de mettre les moqueurs dehors. Ces moqueurs ne sont pas forcément des personnes extérieures. Ce sont quelquefois nos propres raisonnements qui empêchent l’action de Dieu.

En ce dimanche, demandons à la Vierge Marie de nous aider à aller jusqu’au bout de notre cheminement de foi : de ne pas nous contenter de « toucher » Jésus distraitement, de nous « compromettre » publiquement pour lui, de savoir nous appuyer sur la foi des petits plutôt que sur nos raisonnements.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24.
  • Psaume 30(29),2.4.5-6ab.6cd.12.13.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 8,7.9.13-15.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 5,21-43 :

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer.
Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment :
— « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… - elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré. Cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait :
— « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent :
— « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela.
Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors :
— « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci :
— « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue :
— « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
Il entre et leur dit :
— « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans.
Ils furent frappés d’une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.