Homélie du 14e dimanche du Temps Ordinaire

9 juillet 2025

« Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs, l’Evangile est-il seulement une belle histoire du passé ? Ne s’adresse-t-il pas pour nous également aujourd’hui ?
Ce que Jésus a demandé aux soixante-douze disciples, ne nous le demande-t-il pas encore aujourd’hui ? Pour autant, force est de constater qu’il y a d’immenses réticences à aller évangéliser dans la rue…

Vous me direz : "avant de témoigner par la parole, il faut témoigner par notre vie". C’est vrai ! Et en tout cas, nous devons toujours veiller à ne pas être des contre-témoignages.

Vous me direz : "l’évangélisation de rue n’est pas la seule manière d’évangéliser ». C’est vrai ! Les charismes dans l’Église sont divers et variés.

Vous me direz encore : « aujourd’hui ce sont plutôt des sectes que l’on retrouve dans la rue ». Dans notre contexte culturel, nous sommes vite accusés de prosélytisme. C’est vrai !

Et pourtant l’Évangile n’est pas pour hier. Il est pour aujourd’hui ! Comment pouvons-nous vivre cet évangile ? Car le « précepte missionnaire » - comme on l’appelle - reste vrai pour nous aujourd’hui. Le pape François n’avait de cesse de le rappeler : « un disciple de Jésus doit être missionnaire.
Pour nous aider à avancer, je vous propose trois pistes :

  • cultiver la louange ;
  • consentir à la vulnérabilité ;
  • goûter les fruits de l’évangélisation.

Cultiver la louange

Être content de Dieu et fier de lui

Si vous n’êtes pas contents du bon Dieu, mieux vaut rester chez vous car ce serait contre-productif. Si vous me permettez la comparaison : je doute qu’un commercial réussisse beaucoup s’il pense que les produits qu’il propose sont complètement nuls !
Aux antipodes, nous voyons saint Paul qui est fier de la Croix du Christ.

Il nous faut chanter ce salut comme la première lecture et le psaume. La louange est importante. On le voit d’ailleurs : beaucoup de groupes missionnaires se retrempent auparavant dans la louange.

Trouver les mots de la louange

Vivre la louange nous aide à trouver les mots pour dire ce que nous admirons en Dieu et dans Son œuvre. Elle nous aide à exprimer pourquoi nous sommes heureux de Dieu. Bien sûr, il faut que la louange soit sincère. Elle ne doit pas rester extérieure, au niveau des mots…

La louange implique une certaine relecture : qu’est-ce que le fait de croire en Jésus m’apporte ? Pas seulement une certaine vision de la vie : elle me donne une clé pour vivre de nombreuses situations.
C’est ce que fait saint Paul par exemple lorsqu’il dit :

« Alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? … Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés.
J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8)

Ce sont des situations qu’il a vécues et où il a fait l’expérience d’être soutenu par l’amour de Jésus.

Avoir une conscience plus vive du salut apporté par Jésus

Il s’agit de se réjouir du salut que nous avons reçu de Jésus. Comme le répète saint Paul, c’est par la Croix de Jésus que nous sommes sauvés (2e lecture). Il n’y a pas d’autre nom sous le ciel par lequel nous devons être sauvés.
Nous n’annonçons pas une philosophie de la vie mais Jésus qui nous sauve :

« ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. » (1 Co 15, 10)

Il n’y a pas besoin d’aller bien loin pour réaliser que nous avons besoin d’un salut : comment nier la présence et la puissance du mal et du péché en nous mais aussi dans le monde, dans la société, dans les relations internationales.

« A la question pourquoi la mission ?, nous répondons, grâce à la foi et à l’expérience de l’Eglise, que la véritable libération, c’est s’ouvrir à l’amour du Christ. En lui, et en lui seulement, nous sommes libérés de toute aliénation et de tout égarement, de la soumission au pouvoir du péché et de la mort. Le Christ est véritablement “notre paix” (Ep 2, 14), et “l’amour du Christ nous presse” (2 Co 5, 14), donnant à notre vie son sens et sa joie » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio n° 11)

Les disciples que Jésus envoie ont certainement raconté aux gens les signes dont ils avaient été témoins. C’est ce qui leur permettait d’affirmer que le Royaume est tout proche. Sinon cela serait resté très abstrait. Sans la foi, on ne part pas !

Consentir à la vulnérabilité

Manière de se positionner

On ne peut pas dire que Jésus place ses disciples dans une situation très confortable : « Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N’emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route. » Il faut souligner cet appel à la douceur évangélique symbolisé par la référence à l’agneau. L’évocation des loups souligne les dangers auxquels les missionnaires seront confrontés. Ce n’est pas dans l’arrogance et la brutalité que l’on évangélise mais dans la douceur.

C’est aussi ce qu’exprime saint Paul aux Corinthiens :

« Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. » (1 Co 2)

C’est l’expérience Sue saint François et Saint Dominique ont faite lors de la création des ordres mendiants. Saint Dominique est allé vers les Cathares dans la pauvreté. À la différence d’un ordre qui y était allé avec plus de puissance et de prestige, Saint Dominique ne les a pas abordés par le haut. Il n’a pas cherché à les impressionner par une forme de puissance.
Il étaient tout à fait dans la veine de saint Paul :

« Mais le Seigneur m’a déclaré : ‘Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.’ C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Co 12)

Cela ne veut pas dire que nous devons rester d’éternels amateurs. Nous pouvons aussi apprendre de nos échecs, comme Paul à l’aréopage d’Athènes (Ac 17). Mais nous devons toujours garder à l’esprit que c’est Dieu qui touche les cœurs ; c’est à lui, comme pour Gédéon, que revient la victoire.

« Celui qui a l’esprit missionnaire éprouve le même amour que le Christ pour les âmes et aime l’Eglise comme le Christ. Le missionnaire est poussé par le “zèle pour les âmes”, qui s’inspire de la charité même du Christ, faite d’attention, de tendresse, de compassion, d’accueil, de disponibilité, d’intérêt pour les problèmes d’autrui. » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio n° 89)

Jésus nous l’a demandé

Si on va évangéliser, c’est parce que Jésus nous l’a demandé :

« Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28)

Nous allons évangéliser au nom de Jésus. Jésus veut se servir de nous. Il pourrait bien sûr Se passer de nous. Mais ce n’est pas le chemin qu’Il a choisi.

Dans Isaïe, par délicatesse, Dieu semble se parler à lui-même :

« Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » (Isaïe 6, 8)

Nous sommes invités à répondre comme Isaïe :

« Moi je serai ton messager, envoie-moi ! »

Nous sommes dans un monde très individualiste qui nous accuse vite de prosélytisme. Et pourtant les saints ne peuvent se désintéresser du sort des autres hommes.

Quant au contenu

La pape François sait trouver des mots très simples pour parler de cette évangélisation :

« Ce qui t’aide à vivre, c’est cela que tu dois annoncer ! »
Ou encore : « tu sais que la vie avec Jésus n’est pas la même que la vie sans Jésus. C’est cela dont tu dois témoigner ! »

Le psaume dit aussi à sa manière ce qu’est l’évangélisation :

« Je vous dirai ce que Dieu a fait pour mon âme. »

La première forme d’évangélisation est le témoignage.

« L’homme contemporain croit plus les témoins que les maîtres, l’expérience que la doctrine, la vie et les faits que les théories. » (n° 42)
« Le témoignage évangélique auquel le monde est le plus sensible est celui de l’attention aux personnes et de la charité envers les pauvres, les petits et ceux qui souffrent. La gratuité de cette attitude et de ces actions, qui contrastent profondément avec l’égoïsme présent en l’homme, suscite des interrogations précises qui orientent vers Dieu et vers l’Évangile » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio n° 42)

Goûter les fruits de l’évangélisation

La joie

Un premier fruit de l’évangélisation est la joie. Dans l’évangile de ce jour, nous voyons les disciples faire un récit enthousiaste à leur retour de mission :

« Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : ‘Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. »

Cette joie, Saint Luc y fait très souvent référence lorsqu’il a écrit les Actes des Apôtres. C’est aussi la joie d’avoir retrouvé la brebis perdue. Mais aussi la joie du geôlier et de toute sa maison laissent déborder leur joie de croire en Dieu à la suite de son baptême (Ac 16, 34).
On retrouve cela chez le Prophète Isaïe qui s’émerveille de l’action de Dieu et du salut qu’il a accordé.

Les signes du royaume

Nous sommes appelés à relire ce que Dieu a opéré par nous, les réconciliations se sont opérées, les cœurs qui se sont ouverts, pourquoi pas des guérisons…

Fortifiés dans notre foi, notre espérance et notre charité

Comme le disait Jean-Paul II :

« La foi se renforce en la donnant. »

Il y a aussi la joie de s’être mouillés pour Jésus qui fait grandir notre communion avec Lui.

C’est vrai aussi de la communion entre les disciples. Ils sont envoyés « deux par deux » pour vivre déjà de la charité, de la communion. Et cela renforce la communion.
Jean-Paul II disait encore :

« C’est seulement en devenant missionnaire que la communauté chrétienne pourra dépasser ses divisions et ses tensions internes et retrouver son unité et la vigueur de sa foi » (Jean-Paul II, Redemptoris Missio n° 49)

Conclusion :

Je vous propose de commencer par faire comme la Vierge Marie : dans Son Magnificat, Elle chante les merveilles du salut que Dieu vient apporter.
Mettons-nous à Son école pour ensuite savoir aussi le dire avec nos mots tous simples à ceux que Dieu met sur notre route,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 66,10-14abc.
  • Psaume 66(65),1-3a.4-5.6-7a.16.20.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 6,14-18.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 10,1-12.17-20 :

En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.
Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” »
Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : “Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.”
Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »

Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. »
Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire.
Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »