Homélie du 14e dimanche du Temps Ordinaire

6 juillet 2015

« Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi. »

Il n’y a pas d’enregistrement pour cette homélie, veuillez nous en excuser…

Texte de l’homélie :

Qu’est-ce qui va arriver au synode pour la famille ?

Frères et sœurs bien-aimés,
Pardonnez-moi cette question un peu provocante. En effet, il y a beaucoup d’inquiétudes au sujet de ce synode. Pour une part, ces inquiétudes peuvent être justifiées. Cependant, il serait dommage qu’elles soient démesurées et engendrent un durcissement.

Dans l’Évangile, Jésus déstabilise ceux qui pensaient le connaître.

L’évangile de ce jour nous relate un moment délicat dans la vie de Jésus : ses compatriotes ne l’accueillent pas. Au départ, ils se posent de bonnes questions mais cela tourne vite au vinaigre car ils croient tout savoir de lui. Ils savaient des choses sur Jésus, mais la connaissance de son être profond leur échappait. Les questions qu’ils se posaient pouvaient être l’occasion d’aller plus loin. Mais à ce moment là, ce qu’ils savent de lui les empêche d’aller plus loin car cela n’entre pas dans leurs cadres intellectuels.

Il est vrai que, dans un premier temps, la prétention de Jésus à se présenter comme Fils de Dieu, paraissait mettre à mal la foi en un Dieu unique. C’est au nom de cette foi au Dieu unique qu’ils vont rejeter Jésus. De fait, il faudra beaucoup de temps pour comprendre comment Dieu peut être à la fois un et trine, d’une même substance mais en 3 personnes. Pour en arriver là, il a fallu d’abord accueillir la révélation que Dieu faisait. Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on a pu comprendre intellectuellement comment cela était possible.

Cet évangile nous invite à ne pas surévaluer nos cadres de compréhension. Bien sûr, nous avons besoin de cadres qui nous aident à comprendre la réalité. Mais, pour reprendre un principe cher au pape François :

« La réalité est plus importante que l’idée. » (PF, EG n° 231-233)

« Il existe une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. » (PF, EG n° 231)

« L’idée – les élaborations conceptuelles – est fonction de la perception, de la compréhension et de la conduite de la réalité. L’idée déconnectée de la réalité est à l’origine des idéalismes et des nominalismes inefficaces, qui, au mieux, classifient et définissent, mais n’impliquent pas. Ce qui implique, c’est la réalité éclairée par le raisonnement. » (PF, EG n° 232 ; cf. 233)

A un certain moment, nos idées peuvent nous empêcher d’accueillir vraiment la réalité, la réalité telle qu’elle nous est donnée par Dieu. Le pape François revient sur cette attitude d’esprit dans sa récente encyclique sur l’écologie :

« Un dialogue entre les sciences elles-mêmes est aussi nécessaire parce que chacune a l’habitude de s’enfermer dans les limites de son propre langage, et la spécialisation a tendance à devenir isolement et absolutisation du savoir de chacun. » (PF, LS n° 201 ; cf. n° 110)

Dieu déborde largement notre intelligence. Dieu dépasse nos idées et conceptions. Il est normal qu’à certains moments il soit tout à fait inconfortable d’accepter ce que Dieu nous révèle.

Dans la deuxième lecture, saint Paul doit évoluer dans sa manière de voir les choses.

Dans la deuxième lecture aussi, sous un angle différent, nous voyons que saint Paul a dû évoluer dans sa compréhension de l’agir de Dieu. Par trois fois, il demande à Dieu d’être libéré de l’écharde de sa chair et Dieu ne répond pas à sa prière.

Au point de départ, Paul pense qu’il serait meilleur apôtre sans cette fameuse écharde. Nous ne savons pas très bien ce qu’était cette écharde. Certains pensent à la souffrance que causait à Paul l’endurcissement de ses frères juifs ; d’autres pensent à des tentations contre la pureté ; d’autres encore - et cela semble plus vraisemblable - pensent à une maladie (cf. Ga 4, 13-14 ; peut-être une ophtalmie fréquente, un mal d’yeux très fort)…

Toujours est-il que Paul perçoit cette écharde comme une humiliation. Le mot “gifler” indique moins la souffrance que l’humiliation intérieure (et qui est donc le remède direct et intime à toute tentation d’élévation). Sans doute cette écharde le rabaisse-t-elle au regard des autres ou à son propre regard. Sa faiblesse, au lieu de rester cachée, est comme mise en évidence. Finalement il comprend que sa faiblesse n’est pas un obstacle. Dieu l’invite à considérer autrement sa faiblesse et celle des autres.

« Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »

Au lieu de nous plaindre de nos faiblesses (personnelles, familiales, communautaires), ne faut-il pas nous en glorifier ?

Dans tous les cas, la voie est celle de la foi et de la confiance.

La foi et la confiance ont une composante d’humilité. Il faut accepter de ne pas tout maîtriser. L’attitude évoquée dans le psaume va dans ce sens : les yeux levés vers Dieu (dans ce regard vers le haut, il y a une composante d’attente, d’espérance). C’est exactement l’inverse de l’attitude décrite dans l’évangile où le prophète est méprisé c’est-à-dire regardé du haut vers le bas. Les yeux levés sont l’une des expressions habituelles de l’adoration et de la confiance.

Ce n’est pas à nous de dire à Dieu comment cela devrait être. Dans son encyclique sur l’écologie, le pape François parle souvent du paradigme technocratique qui consiste notamment à plier la réalité à notre volonté plutôt que de se mettre à l’école de ce que Dieu veut nous dire par la nature.

Dans le document « Dei Verbum » du Concile Vatican II (n° 5), il est bien expliqué que ce qui est premier, c’est la révélation de Dieu. C’est Dieu qui a l’initiative. L’adhésion va d’abord à Dieu lui-même (celui qui se révèle et révèle) et non pas à une vérité particulière.
La foi est d’abord une relation interpersonnelle.
Le premier moment de la foi consiste à s’abandonner tout entier entre les mains de Dieu. C’est le moment primaire et fondamental de la foi. Il implique l’homme dans sa totalité, cela ne concerne pas seulement son intelligence mais aussi son affectivité.
Le deuxième moment consiste en une docilité, en une écoute pleine. Dans cette attitude, l’homme se met à la disposition de Dieu en lui faisant l’hommage de la soumission de son intelligence et de sa volonté. Comment parvient-on à la foi ? Par l’écoute, dit Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 10, 14).
Dans un troisième temps, il y a un assentiment volontaire à ce qui est dit. L’assentiment à un énoncé vient en second par rapport à l’abandon à la personne. On arrive là à un aspect intellectuel qui est essentiel dans la foi.

Le processus de la foi est comme une spirale : plus je suis abandonné, plus je suis docile, plus je donne mon assentiment à ce qui est révélé ; de ce fait, je suis porté à m’abandonner davantage…
C’est aussi ce qui apparaît dans l’acte de foi :

« Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous nous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper, ni nous tromper. »

Frères et sœurs bien-aimés, lorsqu’il y a des choses qui viennent bouleverser nos schémas mentaux, demandons la grâce de ne pas nous raidir immédiatement mais plutôt de nous enraciner plus profondément dans une attitude de foi et de confiance à l’égard de Dieu. Dieu aime son Église et le Christ continue de veiller sur son épouse.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 2,2-5.
  • Psaume 123(122),1b-2ab.2cdef.3-4.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,7-10.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6,1-6 :

En ce temps-là, Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et ses disciples le suivirent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient :
— « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »
Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur disait :
— « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains.
Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.