Homélie du 15e dimanche du temps ordinaire

13 juillet 2016

Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. »
Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

le critère essentiel qui a conduit à choisir Griezmann, Pogba, Giroud ou Payet pour l’équipe de France, est-ce le fait qu’ils connaissent bien les règles du football ? Bien évidemment, ce n’est pas le critère décisif car alors on pourrait choisir de vieux messieurs de 90 ans. Alors pourquoi ont-ils été choisis ? Parce qu’ils jouent bien.

Quel est le rapport avec le passage d’Évangile d’aujourd’hui ?

Le plus important, nous dit Jésus, ce n’est pas de connaître les règles, c’est de jouer.
Clairement, le docteur de la Loi connaissait bien les règles ; mais c’est le samaritain de la parabole qui a mis la loi en pratique. Si tu connais l’Évangile par cœur mais que tu ne le vis pas, cela ne sert pas à grand-chose. Les pensées peuvent quelquefois dessécher notre cœur.
Mais en revanche, si tu commences à vivre ce que tu connais de l’Évangile, tu vas le connaître de mieux en mieux.

De même, il nous faut bien reconnaître que des gens qui sont loin de l’Église et n’ont peut-être pas par ailleurs une vie exemplaire selon les canons de la morale chrétienne nous donnent quelquefois de bonnes leçons de charité (même si nous trouvons quelques subtilités théologiques pour dire que ce n’est pas vraiment de la charité).

Puisque le Christ nous donne l’exemple de ce samaritain, je vous propose de retenir 3 moments, 3 étapes, dans la charité du bon Samaritain.

Être saisi de pitié

J’aime bien le petit mot par lequel sont introduits le prêtre et le lévite dans la parabole :

Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. »

Par hasard. Il y a tellement d’imprévus qui se glissent dans notre vie, de choses auxquelles nous ne sommes pas préparés, d’événements qui font irruption et viennent interférer dans nos beaux projets.

En tout cas, la première chose par laquelle le bon Samaritain se démarque du prêtre et du lévite est qu’il est saisi de pitié. Il se laisse toucher intérieurement ; il ne peut pas rester indifférent. Ce mot « saisi de pitié » est très caractéristique de la miséricorde, on le retrouve par exemple dans la parabole du fils prodigue. C’est ce qui caractérise le Christ quand il voit les gens comme des brebis sans berger (Mc 6 , 34), devant la femme de Naïm qui vient de perdre son enfant, …

Comme le disait Benoît XVI en commentant cette parabole,

Il n’est pas du tout certain qu’il s’agisse d’hommes sans cœur, peut-être avaient-ils peur eux-mêmes et essayaient-ils d’atteindre la ville le plus vite possible, peut-être étaient-ils maladroits et ignoraient-ils ce qu’ils devaient faire pour aider, d’autant que, de toute façon, il n’y avait apparemment plus grand-chose à faire. »

De fait, les circonstances (le fait que cette route était dangereuse, qu’ils ne savaient pas comment faire, la peur de contracter une impureté, …) peuvent nous aider à comprendre leur réaction.

Mais de fait, ils ne sont pas ou ne veulent pas être saisis de pitié. De soi-disant “bonnes raisons” les dissuadent d’aider le malheureux. Peut-être même se défilent-ils en disant : “il n’avait qu’à ne pas passer par là !” Il arrive très souvent que pour se disculper, l’homme tend à trouver une culpabilité en l’autre. Il peut arriver aussi que l’on accuse les pouvoirs publics, l’humanité, … ce qui ne porte pas du tout secours aux personnes en détresse. Saint Paul a une très belle parole à ce sujet (Rm 12, 11). :

Ne brisez pas l’élan de votre générosité mais laissez jaillir l’Esprit »

De fait, la personne en détresse possède un certain pouvoir d’attraction sur le cœur humain. La “pitié”, au bon sens du mot, est un sentiment très fort dans le cœur humain. Cela vient du fait que nous sommes créés à l’image de Dieu.
La première chose que nous pouvons apprendre du bon Samaritain est celle-ci : avant même de savoir si l’on pourra faire quelque chose ou non, il importe de se laisser saisir par la détresse de l’autre, sans porter de jugement sur sa culpabilité ou non.

S’approcher

Un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié. Il s’approcha. »

Le prêtre et le lévite s’écartent ; ils prennent leur distance. Encore une fois, ils ont sans doute une multitude de « bonnes » raisons pour le faire. Mais sans s’approcher, comment peuvent-ils voir qu’il a encore un petit souffle de vie. En s’écartant, le prêtre et le lévite résolvent le problème sans avoir pris le temps de faire l’inventaire des moyens qui auraient permis de venir en aide à cet homme.

S’approcher ferait que la détresse de cet homme roué de coups ne leur serait plus tout à fait étrangère. Mais ils sont trop centrés sur eux-mêmes, sur ce qu’ils ont à faire, pour qu’un imprévu se glisse. On voit que dans ce cas, il y a comme un mur qui les sépare des autres : « c’est son problème ». On sent ici les ravages de l’égoïsme.

Il arrive que nous soyons touchés par la détresse des autres mais nous sommes retenus par une certaine peur. En effet, la misère attire et fait peur tout à la fois. Combien de gens sont paralysés par la peur : on voit quelqu’un pleurer mais on ne sait pas trop quoi lui dire ; on voit quelqu’un d’affligé par un deuil mais on se sent un peu démuni. Du coup, la personne reste seule.

Nous pouvons penser ici à saint François d’Assise qui a surmonté son dégoût pour s’approcher du lépreux. Cela a été pour lui un vrai moment de conversion.

La deuxième chose que nous pouvons apprendre du Samaritain est de s’approcher.
Le plus important, ou en tout cas la première chose à faire, est de s’approcher, de se rendre présent. Peut-être ne pourrons-nous pas faire grand chose. Mais c’est en s’approchant, ce n’est pas en le regardant de loin, que le Samaritain découvre que le malheureux vit encore. C’est en s’approchant des personnes blessées et non pas en les regardant de loin que nous pouvons découvrir la vie qui les anime encore telle une braise sur laquelle il faut souffler pour faire repartir le feu.

C’est précisément à ce moment qu’il y a un renversement : ce n’est plus le malheureux qui est le prochain ; c’est le samaritain qui devient le prochain, précisément parce qu’il s’est approché. Déjà à partir de ce moment, ce pauvre homme roué de coups n’est plus seul avec son problème.

Faire notre possible

Le bon samaritain n’était pas médecin ; ce n’était pas le SAMU. Il n’était sans doute pas plus adroit que les autres.
D’autres auraient peut-être même fait les choses bien mieux que lui, mais il a fait son possible :

Il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ’Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.’ »

Le bon samaritain n’en reste pas au niveau des bonnes intentions. Il va jusqu’au bout ; sa charité se concrétise.
Du fait qu’il s’est laissé saisir de pitié et qu’il s’est approché, le bon samaritain s’est aperçu qu’il pouvait faire quelque chose. Il passe à l’acte : il panse ses plaies.

La troisième chose que le bon Samaritain nous apprend, c’est de faire tout son possible. Il est important que notre charité se concrétise. La loi d’amour de Jésus « n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. »
Bien sûr nous ne pouvons pas venir à bout de toute la misère du monde. Mais nous pouvons tout de même porter secours à des personnes que Dieu met sur notre route (cf. paroles de Mère Térésa). Il est bien de donner à des œuvres qui s’occupent des gens en détresse ; mais il est bien aussi de rencontrer en direct, si je puis dire, des personnes qui traversent un moment difficile et de leur venir en aide autant que nous le pouvons.

Conclusion

Alors, vous voulez faire partie de l’équipe qui gagne le ciel ? Seront sélectionnés ceux qui ne se contentent pas de savoir beaucoup de choses sur Jésus mais ceux qui essaient de vivre selon l’évangile.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre du Deutéronome 30,10-14.
  • Psaume 69(68),14.17.30-31.33-34.36ab.37.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens 1,15-20.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 10,25-37 :

En ce temps-là, voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant :
— « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Jésus lui demanda :
— « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? »
L’autre répondit :
— « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »
Jésus lui dit :
— « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. »
Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus :
— « Et qui est mon prochain ? »
Jésus reprit la parole :
— « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ;
ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.
Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion.
Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.
Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant :
— “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”
Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? »
Le docteur de la Loi répondit :
— « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. »
Jésus lui dit :
— « Va, et toi aussi, fais de même. »