Homélie du 25e dimanche du Temps Ordinaire

20 septembre 2021

Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

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Texte de l’homélie

Chers frères et sœurs,

Nous avons cette très belle première lecture qui évoque le juste persécuté. Il faut faire un tout petit peu d’histoire biblique pour pouvoir bien la comprendre. Vous vous souvenez peut-être, Alexandre Le Grand avait conquis le Bassin Méditerranéen au IVe siècle avant Jésus-Christ, et en Égypte –à Alexandrie notamment – beaucoup de Juifs s’étaient installés. Et devant la diffusion de cette culture grecque, il leur fallait faire un choix entre s’assimiler aux mœurs des païens, du gymnase, etc, et rester fidèles à la loi de leurs pères, à leurs racines, à la Torah.
Un certain nombre a fait le choix de rester fidèles et sont alors devenus la cible de leur coreligionnaires assimilés, et cela s’est traduit par un lutte, une haine terrible entre ces deux communautés de frères ennemis : les libéraux progressistes qui persécutent les tenants de la tradition.

Cela peut nous rappeler quelque chose aujourd’hui : nous pouvons assez vite nous retrouver dans le clan qui veut maintenir les traditions de nos pères. Nous pouvons cependant être moqués même si ce qui peut nous apparaître comme du bon sens est maintenant montré du doigt comme de l’obscurantisme…

C’est vrai dans notre monde, avec tout ce recul des références chrétiennes, il est facile de prendre des petits coups d’épingles et des moqueries lorsque nous montrons notre attachement aux tradition. Ce n’est pas toujours drôle, et assez vite, nous devenons des victimes
Le risque est de céder à cette culture de victimisation qui prolifère partout, y compris en terre chrétienne…

Qu’est-ce que la persécution ?

A ce sujet, la première lecture nous invite à porter un autre regard sur la persécution. Quel est son sens si ce n’est une mise à l’épreuve au sens strict du terme ? C’est comme une demande d’accéder à plus de vérité, et c’est bien ce que signifient les paroles de persécuteurs à propos du juste :

« Voyons si ses paroles sont vraies »
« Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. »

Que vaut cette attitude religieuse finalement ? quel est son fondement ? Et si au-delà de cet odieux désir de destruction, s’il y avait un désir de vérité ?

Oui, la persécution est une mise à l’épreuve et vous le savez, le 20e siècle que l’on vient de quitter est le siècle qui a davantage persécuté les chrétiens que l’ensemble des siècles précédents réunis. Cette dernière centaine d’années a donc produit le plus de martyrs.
Mais, mis à part cette haine de Dieu au cœur de bien des hommes apparaissant au grand jour, cela permis de mettre en lumière la fidélité admirable de peuples entiers.

J’étais en Lithanie en 1996, peu de temps après la chute du mur. La mémoire du communisme était encore vive. Mais il y avait aussi la mémoire d’une résistance, de cette fidélité chrétienne : le pays étant à grande majorité catholique, un tiers de la population avait été déportée en Sibérie par fidélité à sa foi.
Ainsi, on peut dire que cette persécution a fait émerger le meilleur.

Chers frères et sœurs, non, nous n’avons pas besoin de la persécution ! Dieu nous en préserve, en aucune façon nous ne pouvons la souhaiter. Mais oui, nous avons besoin de la mise à l’épreuve, d’un examen approfondi de ce qui sommeille en nous et doit émerger, de ces zones d’ombre en nous qu’il faut débusquer. Car, contrairement à Jésus, nous ne savons pas ce qu’il y a dans l’homme, nous ne savons pas ce qu’il y a en nous.

Sous quelle forme sommes-nous mis à l’épreuve ?

Si ce n’est pas la persécution qui nous éprouve, cela peut être tout simplement notre vie de chaque jour, avec ses épreuves quotidiennes. Nous avons à passer par des joies, des plaisirs et des attentes, nos projets, des événements heureux et malheureux, chagrins et deuils qui viennent ponctuer nos existences.

Tout cela est une mise à l’épreuve, à travers tout cela notre cœur se révèle.
Et quand nous passons par la souffrance et les difficultés, il peut nous arriver de demander au Bon Dieu : « Pourquoi me fais-tu ça ? » ou plus familièrement : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? »

Le psychiatre viennois Victor Frankl que vous connaissez peut-être remarquait que dans l’épreuve, nous avons cet élan pour questionner Dieu. Mais n’est-ce pas plutôt Lui qui nous interroge ? N’est-ce pas plutôt la vie qui nous demande : « Qui es-tu ? Que vaux-tu ? »
Le Bien va-t-il résister à ces épreuves ?

Pourtant, toute notre vie est une épreuve.

Vous vous souvenez dans l’Apocalypse, il y a cette foule immense et l’on demande d’où elle vient et l’Ancien répond :

« Ils viennent de la grande épreuve. »

Finalement, notre vie est la porte-parole de Dieu car elle est dans Sa main de Dieu. Notre vie nous demande : « Qui es-tu ? ». Mais en cela, elle ne fait que reprendre les paroles du Christ qui dit à Ses apôtre :

« De quoi discutiez-vous sur le chemin ? »

De quoi discutiez-vous quand vous étiez dehors et que je vous précédais ? Autrement dit, livrés à vous-mêmes, à votre spontanéité, quand le regard du maître n’est pas là, que la crainte de perdre sa réputation ne nous retient pas, qu’est ce qui jaillit de nous, qu’est-ce qui habite le fond de notre cœur ?
Nous nous insérons dans un système, fût-il celui de l’Église, sans que le cœur en soit forcément touché. Et Jésus ne cessera d’insister « qui es-tu dans le secret ? ».

Dans les années 1950, William Golding écrivait ce livre fameux : Sa majesté des mouches, parabole de ce qu’est notre humanité quand sur elle ne pèse plus aucun frein.
Un avion transportant des garçons anglais issus de la haute société londonienne s’écrase durant le vol sur une île déserte. Le pilote et les adultes accompagnateurs périssent. Livrés à eux-mêmes dans une nature sauvage et paradisiaque, quinze enfants survivants tentent de s’organiser en reproduisant les schémas sociaux qui leur ont été inculqués. Mais bien vite le vernis craque, la fragile société vole en éclats et laisse peu à peu la place à une organisation tribale, sauvage et violente, meurtrière…

Ils n’avaient plus de surmoi, plus de contraintes, et a émergé une partie sombre de leur personnalité.

Et inversement, si nous craignons d’être questionnés par Dieu, nous refusons d’interroger Jésus, d’aller plus loin dans la connaissance…

« Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. »

Ils entendent Jésus annoncer Sa Passion, et préfèrent rester dans le flou car cette idée les épouvante. Ils n’osent pas creuser, car ils pressentent bien ce que Jésus dira plus tard :

« Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. »

C’est aussi souvent notre cas quand nous sentons que l’épreuve approche. Alors nous nous disons : « ne nous aventurons pas trop sur ce terrain délicat et peu plaisant ».
Et Jésus réplique : « non, regardons les choses en face, ne restons pas dans la mondanité, sachons payer le prix d’une vie selon l’évangile ». Car c’est une certaine superficialité qui nous dispense de nous convertir

Ne pas avoir peur de nous poser les bonnes questions

Comme tout cela est important, pour vous qui vous préparez à choisir celui/celle qui demain peut-être partagera votre vie. Cela doit être un temps « d’épreuve » bien comprise.

Vous devez vous poser des questions : « Que vaut-elle ? » « Que vaut-il ? » Il/Elle veut me plaire, mais n’est-ce pas qu’une façade ? Est-ce que sa gentillesse, son attention vont durer ?
Que vaut son cœur ? Et finalement cette question cruciale qui habite chacune de nos âmes : m’aime-t-il, m’aime-t-elle ? celle-là même que Jésus posera à Pierre.

« Pierre, m’aimes-tu ?

Pierre croyait qu’il aimait Jésus, mais il ne l’aimait pas vraiment.

Oui chers jeunes, c’est un moment délicat que vous avez à passer. Il faut savoir progresser pour aller traverser cette épreuve qui n’est pas si facile. Cela peut faire souffrir parfois.

Aelred de Rievaulx, auteur médiéval, qui, dans ses écrits spirituels, évoquait l’amitié et ses étapes : il insistait sur la nécessaire mise à l’épreuve de l’ami avant de pouvoir l’admettre comme son intime.

La Croix, école de l’amour

Ne serait-on pas alors distant, refusant toute marque d’affection et laissant trop de place au soupçon et au doute, partant du principe que toute apparence est trompeuse, et finir comme le misanthrope incapable de se satisfaire d’une marque d’amitié sans y discerner une trace de flatterie intéressée ?
Mais nous sommes sauvés de tout cela car le remède est de regarder Celui qui est a été mis à l’épreuve jusqu’au bout. Il nous montre Son cœur et nous savons qu’Il nous aime plus que tout, plus que Sa propre vie.
Dans la Passion que nous lui infligions a été trouvé sans défaut ni révolte, sans plainte ni accusation. Il a su nous aimer plus que Sa propre vie.

Oui la croix, chers amis, la contemplation de la croix reste la grande école de l’amour. Quand nous sommes dans le doute, reprenons-la, regardons-la avec Marie, contemplons-la. Nous serons alors sauvés du doute, et nous saurons que le fondement de toute chose, c’est vraiment la charité,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 2,12.17-20.
  • Psaume 54(53),3-4.5.6.8.
  • Lettre de saint Jacques 3,16-18.4,1-3.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,30-37 :

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »