Homélie du 25e dimanche du Temps Ordinaire

24 septembre 2015

« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs bien-aimés,

C’est bien, quand on lit un passage de la Bible, et singulièrement du Nouveau Testament, de resituer au plan géographique les lieux dans lesquels circule Jésus.
Aujourd’hui, nous sommes à Capharnaüm, et Jésus « revient à la maison ». De quelle maison s’agit-il ? Cette maison est celle de saint Pierre, située tout prêt du lac et qui est un peu comme la base arrière à partir de laquelle le Seigneur a rayonné dans toute la Galilée pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Et vous savez que saint Marc que nous lisons durant cette année liturgique est l’évangéliste de saint Pierre, saint Pierre n’a pas écrit d’Évangile mais des lettres apostoliques, et saint Marc a été, en quelque sorte, son journaliste.
Et c’est intéressant de voir que Jésus fait cette réflexion et appelle cet enfant au milieu des apôtres, alors qu’ils se posaient la question de savoir qui était le plus grand, au cœur même de la maison de Pierre !
Et la maison de saint Pierre, qu’est-ce que c’est sinon l’Église ?
Car dans l’Église même, aussi, et ne nous en surprenons pas, il y a des combats de pouvoir. Nous pouvons le voir dans nos communautés paroissiales, dans nos communautés religieuses, au sein même des diocèses, dans l’Église à Rome, au Vatican… On voit bien que là où il y a l’homme, il y a aussi « l’hommerie ». Il est donc intéressant de voir que Jésus a interpellé ses disciples au cœur même de l’Église pour leur rappeler cet appel à l’humilité et à la petitesse.

Alors prenons conscience de quelle manière concevons l’autorité ou la parcelle d’autorité qui nous échoit, que ce soit dans notre vie professionnelle, dans notre vie familiale, notre vie ecclésiale.
Est-ce qu’on la voit comme un vrai service, parce que Jésus le dit : « si vous voulez être le premier, soyez les serviteurs de tous. » Voit-on l’autorité comme un service ?
Vous savez que l’autorité vient de augere en latin, qui signifie « faire grandir ». Donc exercer l’autorité, c’est être au service de la croissance de l’autre.
Et en même temps, dans autorité, on entend aussi « auteur » ! Que l’autre devienne l’auteur de sa vie.
Et donc Jésus exerce l’autorité de cette manière, on le voit dans les différentes annonces qu’il a faites durant son ministère apostolique, il s’est adressé à des personnes particulières pour les faire grandir : « Nul homme n’a parlé comme cet homme ! »
Mais il s’agit de faire grandir quelque part par le bas, de s’adresser à l’autre avec ce profond respect, dans cette attitude de petitesse, d’humilité, de douceur… Comme il est dit dans la première lecture : « soumettons-le à des outrages, nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. » Jésus vient d’annoncer sa crucifixion, et les disciples ne comprennent pas évidemment. Mais c’est là qu’on voit un Dieu patient. « Jésus doux et humble de cœur rendez mon cœur semblable au vôtre. »

Donc il y a là l’invitation à la douceur, l’invitation à s’approcher de l’autre pour le faire grandir, mais en lui rappelant qu’il n’a pas à avoir peur de la petitesse, de la fragilité, d’une certaine vulnérabilité comme celle de l’enfant.
Et le fait d’amener un enfant au milieu des disciples n’est pas anodin : du temps de Jésus, les enfants n’avaient pas d’importance dans la société. Ce n’est que très récent que l’enfant soit considéré dans la société.
Du coup, c’est intéressant de voir que Jésus met celui qui n’a pas de place, l’infans c’est-à-dire « celui qui ne peut pas parler » au milieu des apôtres, leur disant : voilà, si vous voulez être témoins du Royaume de Dieu, si vous voulez être témoins de l’Église que je vais fonder sur Pierre, eh bien soyez comme cet enfant, c’est-à-dire : « accueillez-moi comme cet enfant, et celui qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. »

Dans l’autorité, il y a d’abord cette dimension d’accueil : j’accueille l’autre pour le faire grandir, mais je l’accueille en me mettant plus bas, sans bien sûr nier cet aspect de responsabilité, mais en ayant ce souci de la douceur. Et cette invitation très spécifique de Jésus et du christianisme dans la manière d’exercer l’autorité est aussi pour nous. Elle nous rappelle que nous sommes à Capharnaüm, « le village du consolateur », que Jésus s’est établi dans le village du consolateur.

Et en quoi cette attitude est-elle une attitude de consolation ? Parce qu’elle vient dire à tous ceux qui sont dans cette situation de fragilité comme cet enfant, qu’ils sont là comme des témoins du Royaume de Dieu, et c’est là la grande consolation ! Alors qu’ils pouvaient être considérés comme rien parce que malades, pauvres, lépreux, difformes, eh bien par cet enfant, Jésus les met au milieu.

Posons-nous la question : dans nos familles, dans nos communautés, est-ce qu’on est au milieu, est-ce qu’on est, au fond, le plus petit ? Qui est le plus petit ? Il ne s’agit pas de faire des enfants des rois parce qu’ils seraient des tyrans !
Le plus petit, c’est celui qui n’a pas forcément voix au chapitre, qui n’a pas cette aura, qui n’a pas la prestance d’un adulte dans sa pleine capacité comme pouvaient l’avoir Jésus et ses disciples.
Est-ce qu’on donne une place à ces personnes ? Est-ce qu’on laisse au plus petit cette capacité de nous interpeller, de nous révéler quelque chose de Dieu ?

Dans toute l’histoire de l’Église, et la pape François le rappelle avec force, on trouve cette invitation à mettre le pauvre au cœur de l’Église et au cœur de nos vies et de nos communautés. Par définition, le pauvre éprouve notre douceur, éprouve notre patience, comme les enfants peuvent parfois éprouver notre douceur et notre patience.

Mais en même temps, il y a quelque chose du Royaume de Dieu qui se manifeste là, et c’est extraordinaire. Et ça, c’est la Bonne Nouvelle de l’Évangile.

Demandons que notre Église, cette maison, soit déjà un lieu de consolation, ne serait-ce que par l’accueil que l’on se réserve les uns aux autres. Que chacun se sente profondément accueilli.
Chacun a une place dans l’Église, et c’est important, parce que certains pensent qu’ils sont de trop, que ce n’est pas pour eux, parce qu’ils n’ont pas toute cette culture, parce qu’ils ne connaissent pas les rites. Je parlais avec une personne qui faisait une retraite à l’Abbaye, et qui me disait qu’elle avait été baptisée, mais pas catéchisée, et à la messe elle se lève quand tout le monde se lève et s’assied quand tout le monde s’assied, mais elle n’en voit pas le sens. Mais si j’interrogeais notre assemblée en faisant un micro-trottoir dans les rangs, je ne suis pas sûre que vous ayez massivement une réponse sur la place du corps dans notre célébration !

Alors, il faut en avoir la certitude, chacun a une place dans l’Église, et nous devons en être absolument les témoins, et en faisant ça nous serons les témoins du Ressuscité, nous serons des consolateurs. Beaucoup de personnes estiment déjà que, dans la société ils n’ont pas de place, ou ne se sentent pas à leur place. Mais au-moins, dans l’Église du Seigneur fondée sur l’Apôtre Pierre, nous soyons des témoins qui à la fois faisons grandir et à la fois annonçons cette Bonne Nouvelle du Salut.

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Sagesse 2,12.17-20.
  • Psaume 54(53),3-4.5.6.8.
  • Lettre de saint Jacques 3,16-18.4,1-3.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9,30-37 :

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant :
— « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger.
Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda :
— « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit :
— « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
— « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »