Homélie du 29e dimanche du Temps Ordinaire

17 octobre 2022

« Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

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Texte de l’homélie :

Pour bien comprendre cette parabole un peu déroutante que Jésus nous adresse, il nous faut d’abord faire deux remarques.

Le règne de Dieu peut nous déstabiliser

La première est que ce passage se situe dans une section de l’évangile de Luc qui parle de la venue du règne de Dieu et de son accueil.
Et au centre, il y a un couple de deux paraboles qui vont parler de la prière. Il s’agit de celle du Pharisien et du Publicain qui prient dans le Temple, vous la connaissez certainement.

Jésus nous a déjà enseignés sur la prière qu’il ne s’agissait pas de rabâcher. Ce n’est pas à force de mots de formules et de méthodes que nous devons prier. Notre prière n’est pas celle adressée aux dieux païens, un peu comme un distributeur pour combler tout ce qui nous manque. Jésus nous a conseiller d’utiliser la prière qu’Il nous a donnée, le Notre-Père, et notamment : « Que Ton règne vienne ! » « Que Ta justice vienne ! »

L’enjeu c’est donc d’accueillir ce que Dieu offre et non de l’emporter à la force du poignet. Le but de la Loi, ce n’est pas simplement de l’observer, mais d’entrer en familiarité avec Dieu, s’y plaire. Voilà ce qu’est le règne de Dieu. Alors, ce qui est impossible aux hommes, nous révèle Jésus, est possible à Dieu, et cela peut produire des miracles.

Deuxième remarque : dans Ses paraboles, Jésus nous déstabilise. Dans l’Evangile, dans les paraboles, on voudrait trouver de la « bien-pensance », et l’on a déjà été averti il y a quelques semaines avec la parabole du gérant malhonnête qui est loué par Jésus. Vous vous souvenez aussi - toujours dans Saint Luc - de ce père qui, tout en étant mauvais, donne de bonnes choses à ses enfants, et on le compare à Dieu comme a fortiori.

Et ici, c’est la même chose : si un juge inique parvient à prendre une décision qui soit dans le sens de la bonté, comment pourrait-on douter de Celui qui est le don parfait ?

Prier sans se décourager

Le verbe « se décourager » pourrait être traduit de multiples façons avec des nuances différentes : prier sans se relâcher, prier sans aller vers le mauvais, sans maugréer, ne pas se laisser ronger intérieurement ni se laisser contaminer par l’habitude, la loi du péché qui est dans nos membres – comme le dit Saint Paul – mais rester dans la prière.

Vous savez que la prière est l’attention absolue - comme l’enseignent les moines - celle qui nous fait nous tendre vers le Seigneur, toujours.

Ce n’est pas le temps qui s’écoule car, il faut bien dormir, il faut bien remplir notre devoir dans l’action. Mais, c’est en chaque circonstance, en tous les domaines de la vie que nous pouvons vivre avec le Seigneur, Lui confier nos intentions.

Et si l’on traduit Saint Paul aux Philippiens, on trouvera cette formule :

« Soyez toujours joyeux en toutes circonstances, afin que le doute ne vienne pas ronger l’intérieur… »

Combien de fois nous prions et nous décourageons parce que nous voulons l’efficacité et l’immédiateté. Mais rappelons-nous que le Seigneur nous invite à toujours prier sans nous décourager, en restant toujours dans ce lien avec Lui.

Que les personnages de la parabole veulent-ils nous dire ?

Qu’est-ce qu’un juge ?

Un juge est quelqu’un d’important. Il est considéré comme jute et combat l’erreur. Il y a aussi cette notion dans la Bible de conduire le peuple. Pourtant, ici, il est indigne. C’est un contraste avec Dieu.

Que dire au sujet de la veuve ?

Regardons le personnage de la veuve. Elle demande justice :

« Fais-moi justice ! »

C’est aussi ce que nous sommes appelés à demander la justice du règne de Dieu et à tendre vers elle.
Qui est cette veuve ? En faisant appel à votre mémoire biblique, vous vous souviendrez sans doutes du deuxième livre des Rois, de cette veuve qui vient de perdre son mari et qui est menacée par un créancier qui veut que ses deux fils lui soient retirés en paiement d’une dette, et qu’ils travaillent à son service. Et comme il n’y a pas de pension de retraite à l’époque, cette femme seule se retrouve abandonnée, dans la nécessité, dans un réelle épreuve. Le prophète Élisée vient alors la voir et lui demande ce qu’il lui reste. Comme il lui reste un petit peu de parfum, il lui demande d’aller chercher tous les vases qu’elle a et il multiplie le parfum comme l’avait fait Élie avec l’huile et la farine de la veuve de Sarepta.
Elle pourra ainsi le vendre et s’acquitter de sa dette.

Ainsi, c’est avec nos vraies nécessités, avec nos difficultés et notre vraie vie que nous prions le Seigneur. C’est une demande vitale dans laquelle Jésus nous invite à durer.

Jésus le dit bien comme je le rappelais tout à l’heure, prier ce n’est pas répéter des formules, ce n’est pas « faire des prières", mais "être prière"… Comme Jésus qui, dans la prière, établit une relation stable avec Son Père.

Que nous puissions rentrer dans ce lien stable, de façon permanente avec Jésus.

Pour notre justification

En toutes circonstance, nous sommes appelés à demander la justice du règne. Elle consiste essentiellement à nous rendre justes, capables de se conformer au comportement et à l’être de Jésus. Cette justification, comme l’appelle Saint Augustin et le concile de Trente, ou sanctification, comme on l’appelle aujourd’hui, est un chantier permanent ! Jour et nui ! et il ne faut pas se laisser prendre par le découragement et le doute. C’est ce à quoi Jésus nous invite.

Cela prend du temps, certes. Et on a dans les psaumes plus d’un quart d’entre eux qui sont des lamentation personnelles et collectives au sujet du péché, de la maladie, des ennemis qui attaquent. Ils sont ces cris et cette prière s’expriment vers le Seigneur et qui débouchent vers une espérance. Voilà ce que c’est de prier sans se décourager.

« Espérer contre toute espérance. »

Il y a une multitudes de textes dans le nouveau testament qui nous exhortent à cette endurance et à cette persévérance. Je vous en cite quelques uns :

Dans Luc, on trouve plus loin :

« Par votre endurance, vous gagnerez la vie. »

Ou encore dans l’épître aux Hébreux :

« C’est l’endurance dont vous avez besoin pour accomplir la volonté de Dieu et obtenir ainsi la réalisation de la promesse… »

Puis, dans l’épître aux Romains :

« La vie éternelle pour ceux qui, par leur persévérance à bien faire, recherchent la gloire. »

Toutes ces paroles nous invitent à durer, à ne pas « zapper »… Ne soyons justement pas comme le Pharisien de la parabole suivante qui, dans sa prière, confie finalement tout ce qu’il a acquis dans les difficultés, remerciant le Seigneur d’y être arrivé. Il nous faut rentrer dans cette prière constante qui nous permet de vivre dans cette intimité avec Dieu et que nous nous laissions conformer à Lui.

A la fin du texte, il y a cette phrase terrible qui pourrait nous ébranler :

« Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

On pourrait se demander la Foi en quoi ? La Genèse nous le dit et Saint Paul le reprend en s’adressant aux Romains :

« Abraham crut en Lui, et cela lui fut compté comme justice. »

Pour quelqu’un qui est persévérant, qui va passer à travers toutes les épreuves de la vie, et qui se laisse purifier de l’intérieur, voilà l’objet de la Foi : c’est la venue du règne et de la justice de Dieu. Il obtient le pardon, la délivrance, la justification.
Cette justice pratiquée, elle est communiquée par Dieu qui donne Sa paix aux hommes qu’Il aime.

Que faire quand vient le mal ?

Mais que faire quand vient le mal ? Dans son commentaire sur ce passage biblique de Moïse qui tient les bras élevés, Rachi, le fameux rabbin de Troyes fait cette remarque au sujet de ce passage : quand Amaleck vint – Amaleck étant le mal personnifié puisqu’il avait attaqué ceux qui fuyaient d’Egype, les pauvres, les malades et les enfants, il est ainsi l’abomination du mal – voici ce qu’il dit dans son commentaire sur le verset dans lequel le peuple demande à propos du Seigneur :

« Est-il avec nous, oui ou non ? Et quand nous prions à nos intentions, voici le découragement qui arrive… »

Et le Seigneur répond :

« Je suis toujours avec vous, prêt à répondre à tous vos besoins. Vous venez demander si le Seigneur est au milieu de vous ou non ? Sur notre vie, un chien va venir vous mordre. Vous crierez alors vers moi, et vous saurez où je suis. »

A ce sujet, le rabbin raconte une petite histoire :

« Cela ressemble à un homme qui avait chargé son fils sur ses épaules et prit la route. L’enfant voit un objet et lui dit : "Père, prends cet objet et donne-le moi !" Le père le lui donne. Et ainsi de suite une deuxième et une troisième fois.
Plus tard, ils vont rencontrer un homme. Et l’enfant, sur les épaules de son père demande à l’homme : "As-tu vu est mon père ?" et le père de répondre : "Ne sais-tu pas où je suis ?’
Et le père le pose sur la terre sur quoi vient le chien qui le mord.

Ne nous laissons pas décourager - nous laisser mordre - mais entrons dans la prière et rentrons dans cette intimité de la prière qui nous donne tout ce dont nous avons besoin.

Juste une dernière remarque sur la fin de ce passage de Moïse qui tient les mains élevées, qui tient dans la prière et qui, n’y arrivant pas, a besoin de la prière des autres ; c’est souvent notre cas lorsque, nous épuisant dans la prière, nous nous laissons conforter par la prière de la communauté, par la prière des amis et des priants. Et voici ce que dit le texte à propos de Moïse :

« Ses mains restèrent fermes jusqu’au lever du soleil. »

Et Josué qui était en train de combattre en bas dans la plaine remporta finalement la victoire. Il est intéressant d’entendre le mot ferme. Et pour retrouver le terme Hébreux dans le texte, il serait plus proche de dire :

« Ses mains firent confiance. Ses mains eurent foi »

C’est la victoire de la Foi : Emunan . C’est de là que vient le mot « Amen » qui signifie aussi "rester ferme".
C’est bien cela que Jésus nous invite à vivre avec Moïse : de redoubler dans la prière, d’aller au Seigneur, « d’espérer contre toute espérance », et de faire confiance jusqu’à ce que le soleil de justice, Jésus, se lève,

Amen.


Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 17,8-13.
  • Psaume 121(120),1-2.3-4.5-6.7-8.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 3,14-17.4,1-2.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 18,1-8 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager :
« Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.”
Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »

Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice !
Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ?
Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »