Homélie du 29e dimanche du temps ordinaire

17 octobre 2016

« Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ?
Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Peut-être avez-vous vu - tout comme moi - fleurir ici et là des propositions de stage de méditation. On voit, par exemple, un certain nombre d’articles sur la méditation de pleine conscience, sur des méditations d’origine asiatique, cela a un certain succès. Les gens s’inscrivent dans cette démarche parce que notre société est agitée, parce qu’on a besoin de se recentrer. Mais comme ces propositions sont différentes de ce que nous propose le Seigneur !

Pourquoi sont-elles si radicalement différentes ? Parce que dans ces propositions, aussi honnêtes soient-elles, la personne humaine reste centrée sur elle-même, elle se regarde, elle se concentre, elle s’apaise et c’est un certain bien-être, une certaine paix psychologique qui est recherchée, un certain calme.

Voilà qui est tout à fait différent de la prière…
En effet, la prière n’est pas un recentrement sur soi-même et la recherche d’un certain calme, d’une certaine paix, un bien-être. La prière est d’abord un décentrement, un cri, un peu comme à la manière de cette veuve qui vient casser les oreilles de ce juge injuste.
C’est un cri vers Dieu. C’est un cri de façon à ce que nous puissions nous aussi nous tourner vers Lui, c’est un décentrement de soi-même pour mettre notre centre en Dieu lui-même.
Prier, c’est nous tourner vers Lui et non pas nous tourner vers nous-même ; nous tourner vers nous-même, comme cela arrive malheureusement trop souvent, et ce n’est pas ce qui va nous sauver…

De même quand Moïse avait les bras levés contre Amalek (Jésus est le nouveau Moïse) et Josué et qui combattait dans la plaine (Josué c’est comme Jésus,« Dieu sauve », ce sont les mêmes racines), quand Moïse avait les bras levés, Israël gagnait et quand de guerre lasse, par la fatigue, il baissait les bras, Israël perdait. À tel point qu’on lui tenait les bras levés vers le Seigneur de façon à ce qu’Israël emporte la bataille.
De là vient aussi le geste du prêtre au moment de la messe qui lève les bras vers le Seigneur en suppliant, dans une attitude de prière, en prie aussi avec notre corps.

Je trouve cela intéressants cette attitude de Moïse et ces bras levés de Moïse, cela nous rappelle que ce n’est pas simplement en cherchant un apaisement psychologique que nous allons gagner cette bataille intérieure. Cette bataille intérieure, c’est d’abord un regard tourné vers le Seigneur et singulièrement un regard tourné vers le Seigneur à la Croix qui a aussi les bras levés vers le ciel et implore pour nous le salut.

La prière, un ajustement à Dieu

Frères et sœurs bien-aimés, c’est important de nous rappeler que la prière est ce qui nous permet de nous ajuster à Dieu. On peut ne pas être tout à fait d’accord avec le Seigneur, sans manquer de respect bien sûr, mais quand on écoute Jésus qui dit :

« Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit, les fait-il attendre ? Je vous déclare, bien vite il leur fera justice. »

Mais nous avons tous l’expérience où nous avons prié et nous n’avons pas été entendus. _ Nous avons prié de tout notre cœur. Nombre de personnes délaissent la foi parce qu’enfants ils ont prié, avec leur confiance d’enfant, pour la guérison d’une grand-mère. Mais la nature a opéré de cette façon inéluctable et la grand-mère est décédée. Ces personnes une fois adultes, ont dit « j’ai prié et je n’ai pas été entendu ».

Là on est un peu bousculé par le Seigneur. Les fait-il attendre ? Oui, nous fait attendre. Mais comprenons bien la parole de Jésus :

« Est-ce que Dieu ne serait-il pas justice à ces élus ? »

Est-ce que Dieu ne nous fera progressivement rentrer dans un ajustement à lui ? C’est cela la prière.
Ce n’est pas pour que nous puissions obtenir comme de façon magique ce que nous demandons, mais nous ajuster progressivement au vouloir divin et découvrir, dans les circonstances et les nécessités de notre vie, que Dieu est en train d’agir. C’est tout à fait différent, c’est un renversement, c’est comme une révolution copernicienne, c’est-à-dire que le Seigneur lui-même agit mais nous ne le voyons pas. La prière c’est pour que nous le voyions agir, il nous justifie, il nous rend juste, il nous ajuste à lui.

« Dieu ne ferait- il pas justice à ses élus, les fait-il attendre ? »

Non, de ce point de vue-là, le Seigneur a de cesse de nous ajuster à lui. Et nous demande d’avoir un cœur ouvert à cela.

C’est intéressant de voir cette prière d’une manière différente. Et la grande prière de la messe c’est la grande prière de l’Église, c’est aussi l’office divin : les laudes, les vêpres, les complies que prient les religieux et aussi les laïcs.

Pourquoi prier ?

Pourquoi prie-t-on ? Pour convertir notre regard, pour changer notre regard. Parce que nous voyons mal, nous sommes tous des aveugles, nous ne voyons pas. Nous avons comme les yeux plein de boue, nous n’avons pas ce regard clair qui nous permet de discerner. C’est avoir un regard spirituel, c’est découvrir que le Seigneur progressivement change notre cœur.

La foi c’est d’abord le chemin du regard, c’est cette manière de regarder, dans cette acuité qui nous fait découvrir que Dieu est là, il ne nous fait pas attendre, il est bien là ! Il est « aux ordres du prêtre » quand celui-ci dit : « ceci est mon corps, ceci est mon sang », nous le savons il est là présent il ne nous fait pas attendre. Mais c’est nous qui ne sommes pas présents.

Le Seigneur nous demande aujourd’hui comme une conversion de notre vie spirituelle, il nous demande de changer de cap, de changer notre manière de voir, il nous demande d’être vraiment des suppliants, comme Moïse. Depuis combien de temps n’avons-nous pas crié vers le Seigneur ? Est-ce que notre prière ne s’est pas un peu « embourgeoisée », n’est-elle pas un peu somnolente ? Dans ce cas-là nous ne sommes pas prêts à découvrir que Dieu agit.

Alors le Seigneur nous demande comme cette veuve, d’être des suppliants. Des suppliants pour les intentions que nous portons, c’est important aussi au début de chaque messe, c’est le sens de la prière de collecte que le prêtre dit au début de la messe, dans le sens où il collecte les intentions intérieures que vous portez et que vous déposez sur l’autel, le prêtre les offres ensuite les main levées au Père par le Christ dans l’Esprit.

Comme dit le curé d’Ars :

« L’homme est un pauvre qui a besoin de tout demander à Dieu. »

En est-on si convaincu que cela ? Notre monde est en attente, se tourne vers d’autres propositions alors que nous avons une richesse en matière de vie de prière, d’oraison.
Nous avons fêté samedi la grande Thérèse d’Avila qui est une richesse spirituelle considérable dans l’Église. Nous n’avons pas à rougir de ce que nous avons à offrir au monde en matière de cheminement intérieur, au contraire !

Mais il semblerait que des personnes se tournent vers ailleurs parce que nous ne sommes peut-être pas assez clairs, nous n’offrons peut-être pas assez de façon visible ces propositions de prière.
Notre évêque a mis en place de façon très heureuse ces temps d’adoration, paroisse par paroisse, de façon qu’il y ait une adoration perpétuelle dans le diocèse. C’est important d’offrir des lieux et des temps à la prière. Combien de personnes se sont retrouvées devant la porte fermée d’une église ?

Personnellement, est-ce que nous osons la prière ? Parce qu’il faut oser la prière. Par exemple osons-nous bénir le repas le dimanche, osons-nous dire que nous prions pour quelqu’un ? Souvent nous disons : "je penserai bien à toi", mais ma pensée ne va sauver personne. Si je dis « je vais prier pour toi », on entre dans une autre cour.

Mes amis, ayons l’audace de la prière, ayons cette audace des saints, ayons cette audace de cette supplication ardente, cette audace de croire qu’à travers ces temps de prière visible nous puissions nous même être, de façon visible, touchés par notre foi.
Demandons-en la grâce aujourd’hui à Moïse, le grand orant, le grand intercesseur, demandons à Jésus, Dieu qui nous sauve, qu’il intercède pour nous et nous donne de rentrer plus avant dans cette dimension spirituelle.

Amen !

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Références des lectures du jour :

  • Livre de l’Exode 17,8-13.
  • Psaume 121(120),1-2.3-4.5-6.7-8.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 3,14-17.4,1-2.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 18,1-8 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager :
« Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes.
Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.”
Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »

Le Seigneur ajouta :
« Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice !
Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ?
Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »