Homélie du 2e dimanche de Pâques

17 avril 2012

« Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

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Texte de l’homélie :

Frères et sœurs, pourquoi donc, il y a 12 ans (le 30 avril 2000), le pape Jean-Paul II a-t-il institué ce 2e dimanche de Pâques, le dimanche de la Miséricorde Divine ? Vous me direz peut-être : « c’est pour répondre au désir que le Seigneur avait formulé par sœur Faustine ». Mais n’est-ce pas rajouter une dévotion supplémentaire qui viendrait un peu « comme un cheveu sur la soupe ? »
Alors je repose la question : pourquoi Jean-Paul II a-t-il institué ce 2e dimanche de Pâques, le dimanche de la Miséricorde Divine ?

Ce qu’il y a de plus visible dans la Résurrection, c’est la victoire du Christ sur la mort. On comprend que les disciples soient remplis de joie en voyant le Seigneur ressuscité. Mais cette joie va plus loin encore que le simple fait de retrouver le Christ. La Résurrection n’est pas un retour en arrière. Un pas en avant décisif a été accompli. La Résurrection nous assure que le Père a agréé le sacrifice du Christ pour le péché. Plus fondamentale encore que la victoire sur la mort (la mort étant une conséquence du péché), la Résurrection nous dit la victoire de l’amour de Dieu sur le péché.

Dans un premier temps, nous allons essayer de voir comment la résurrection est une victoire sur le mal. Dans un deuxième temps, nous verrons davantage le « pour nous », comment la victoire sur le mal nous rejoint dans notre vie personnelle.

La Résurrection, une victoire sur le mal

Revenons au texte d’évangile de ce jour. Au début, les portes du cénacle sont verrouillées. Mais plus que les portes du cénacle, ce sont les portes de leurs cœurs qui sont verrouillées. Quel en est le motif ? La peur. Cette peur est tout à fait compréhensible : après les jours terribles qu’ils ont vécu, c’est une réaction humaine saine et normale. Il ne s’agit pas d’être naïfs par rapport au pouvoir du mal. La Passion, ce n’est pas simplement un cauchemar : au réveil, on revient à des pensées plus réjouissantes. Non, la Passion et la mort de Jésus ont été bien réelles. La Résurrection ne gomme pas les souffrances et la mort.

Pardonner, ce n’est pas faire comme si de rien n’était. Le pardon n’est pas une négation, un déni par rapport au mal. C’est un dépassement. Le pardon suppose que quelque part, il y a une victoire sur le mal (c’est un peu comme l’humilité qui repose sur une estime de soi, sinon le sol se dérobe sous nos pieds). Sans doute hésiteriez-vous à sauter en parachute, surtout si vous n’êtes pas sûr qu’il s’ouvrira ! Si la victoire sur le mal n’est pas acquise, comment risquer le pardon ?

Le pardon n’est pas un oubli. Ce n’est pas effacer comme sur une ardoise magique. C’est d’ailleurs pourquoi le Christ montre ses plaies. Elles sont comme des cicatrices, témoins à la fois d’une blessure et de la vie qui a pris le pas sur la blessure.

« Par le pardon est assumée, réparée et ainsi surmontée, la faute »
(Benoît XVI, Jésus de Nazareth II, p 182).

La paix que Jésus donne (Jn 14, 27 ; 16, 33), c’est grâce aux souffrances du Serviteur qu’elle est accordée :

« Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. » (Is 53, 5).

Par la Résurrection, les plaies de Jésus ne sont pas supprimées mais glorifiées. Elles deviennent un canal de vie. Ces plaies sont figurées sur le cierge pascal par les grains d’encens. Le cierge pascal, allumé pendant tout le temps pascal signifie la présence du Seigneur ressuscité au milieu de nous. Les cinq grains d’encens piqués au centre et à l’extrémité de chaque branche de la croix qui est figurée sur le cierge pascal indiquent les plaies glorieuses du Christ.

C’est du cœur transpercé de Jésus que sœur Faustine voyait s’échapper deux rayons (un blanc et un rouge) qui représentent le sang et l’eau du sacrifice de la Croix. D’ailleurs, la prière d’ouverture nous invite à comprendre « toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel Esprit nous a fait renaître, et quel sang nous a rachetés ».

La nouvelle de la Résurrection vient vraiment débloquer quelque chose. Les disciples ne sont pas les mêmes avant et après. Mais ce « déblocage » ne se situe pas d’abord à un niveau subjectif ou psychologique, il se situe d’abord à un niveau objectif : la Résurrection du Christ nous donne l’assurance que le pardon est accordé. La Résurrection est la réponse du Père au don d’amour de Jésus. Elle est le sceau du pardon de nos péchés. C’est seulement à partir de là que les apôtres voient alors que souffrir peut être acceptable ; avant, ils n’en voyaient pas du tout l’intérêt. Mais dans le Actes des Apôtres, on voit que « Les apôtres se réjouissent d’avoir été jugés dignes de subir des souffrances pour le nom du Christ » (Ac 5, 41) L’Esprit Saint ne fait pas des gens naïfs à l’égard du mal mais des gens qui n’ont plus peur du mal.

« Jésus, j’ai confiance en toi ».

Le pardon, communiqué par l’Église

Jésus répand son Esprit Saint. Par le don de l’Esprit Saint nous est donnée la possibilité d’avoir une vie proprement spirituelle, cela nous permet d’aller au-delà des possibilités humaines, naturelles. Cela se manifeste notamment dans le pardon : le pardon sacramentel et aussi le pardon à ceux qui nous ont offensés.

Puis il les envoie comme messagers du pardon de Dieu, ambassadeurs de la réconciliation. Bien entendu, cela ils ne le pourront pas par leur pouvoir propre mais parce qu’ils seront habités par l’Esprit Saint. Il y a un lien profond entre le don de l’Esprit et la mission de réconciliation.

« Le pardon est sorti de la tombe » proclame la lecture des matines byzantines de la Résurrection. Ce n’est sans doute pas un hasard si les premières personnes à qui Jésus apparaît sont Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée (symbole de l’épouse infidèle que Dieu a rapprochée de lui dans l’amour) ou Pierre qui a renié le Christ ?

« Son plus grand plaisir est de nous pardonner ! »
(Curé d’Ars, Nodet p 132).

Nous avons tellement de chance d’avoir cette possibilité de ne pas être enfermés à tout jamais dans les actes mauvais que nous avons posés ! Cependant, ce pardon ne devient effectif que dans la mission des apôtres. A travers leur ministère, le pardon, la miséricorde de Dieu, se répand sur le monde entier. De fait, dans l’évangélisation de rue, l’annonce du pardon de Dieu tient une place de choix.

Le pardon sacramentel

La mission de réconciliation prend d’abord la forme du pardon sacramentel. Les apôtres, et les prêtres à leur suite, peuvent remettre les péchés au nom de Dieu. Le sacrement de la réconciliation est un canal privilégié du pardon de Dieu. Et l’Église demande à chacun de se confesser une fois l’an (en toute cohérence, un chrétien ne devrait pas communier s’il ne s’est pas confessé depuis plus d’un an, et même plus s’il a commis une faute grave depuis la dernière confession).

Certaines personnes se trouvent dans une situation telle qu’elles ne peuvent recevoir le pardon sacramentel. Que ces personnes sachent que Dieu est plus grand que les sacrements et qu’il peut pardonner aussi en dehors du sacrement. De la même façon, elles peuvent prendre part à la procession de communion et se tenir avec les bras croisés sur la poitrine pour recevoir la bénédiction du prêtre.

Mais alors dans ces conditions, si Dieu peut pardonner en dehors du sacrement, pourquoi recevoir le sacrement du pardon ? Parce que Dieu a proportionné ce signe sensible à notre faiblesse. Nous nous trouvons dans la situation de Naaman le général syrien du 2e livre des Rois (chap 5). Cela lui semblait trop simple d’aller se baigner dans le Jourdain pour être purifié de sa lèpre. Il était en quelque sorte piqué dans son amour propre. Et il se serait ainsi privé de ce qui est apparu comme l’instrument de sa guérison !

Le pardon à ceux qui nous ont fait du mal

L’envoi des apôtres concerne aussi la réconciliation entre les personnes humaines. Si Jean-Paul II a voulu instituer cette fête de la miséricorde, c’est parce que le monde en a terriblement besoin.

« Le monde d’aujourd’hui a tant besoin de la miséricorde de Dieu ! Là où dominent la haine et la soif de vengeance, là où la guerre apporte la douleur et la mort des innocents, on a besoin de la grâce de la miséricorde pour apaiser les esprits et les cœurs et faire naître la paix. »

« Nous avons particulièrement besoin de cette annonce aujourd’hui, à une époque où l’homme se retrouve désemparé face aux multiples manifestations du mal. Il faut que l’invocation de la miséricorde de Dieu jaillisse du profond des cœurs remplis de souffrance, d’appréhension et d’incertitude, mais en même temps à la recherche d’une source infaillible d’espérance. »

Il y a une limite très claire au mal.
Pour pardonner y a un saut dans la foi à faire. C’est ce qui était si difficile pour Thomas. Mais aussi pour nous. Nous sommes appelés à nous appuyer sur la foi des apôtres qui n’étaient pas des gens crédules. Comme l’affirme l’évangile de ce jour : c’est par la foi que nous avons la vie au nom de Jésus.

« Tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés. »
(Ac 10, 43).

Demandons à Marie de nous aider à faire cette démarche de foi qui nous permet de nous laisser rejoindre par le pardon qui jaillit du tombeau !

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 4,32-35.
  • Psaume 118(117),1.4.16-17.22-23.24-25.
  • Première lettre de saint Jean 5,1-6.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20,19-31 :

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.

Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient :
— Nous avons vu le Seigneur ! »
Mais il leur déclara :
— « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux.

Il dit :
— « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors :
— « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit :
— « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.