Homélie du 32e dimanche du temps ordinaire

8 novembre 2016

« Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur ‘le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

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Texte de l’homélie :

« Si les morts ne ressuscitent pas, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. »

Chers frères et sœurs,

Cette phrase de Saint Paul nous semble peut-être un peu étrange.
Aujourd’hui, pourquoi la perspective de la résurrection changerait mon quotidien ? Le fait de savoir qu’un jour je retrouverai l’intégralité de mon corps, pourquoi cela peut m’affecter, me faire du bien, ou me réjouir ?
Les textes de ce jour vont nous aider.

Les Sadducéens viennent voir Jésus aujourd’hui et comme bien d’autres, ils veulent Le « coincer ». Eux-mêmes ne croyaient pas à la résurrection des morts, ils s’appuyaient presque exclusivement sur les cinq premiers livres de la Bible, où il n’est pas fait mention explicite de la résurrection. Ils vont jusqu’à dire, plus ou moins, que si les morts ressuscitent, ce doit être une belle foire au Ciel, les femmes se retrouvant avec plusieurs maris, les maris avec plusieurs femmes et ce sera bien difficile de mettre de l’ordre dans tout cela.
Ils demandent alors que Jésus « revoie sa copie », qu’Il « retourne au catéchisme », pour donner une vision un peu plus rationnelle de tout cela.

Si le contexte est différent, nous-mêmes nous sommes souvent sur les traces de ces Sadducéens, voulant faire rentrer à toute force le dogme, les vérités de la foi, ses splendeurs dans notre petite intelligence, sans nous laisser dépasser par ces sublimes vérités.

Aujourd’hui on pointe du doigt cette incapacité parfois radicale, incapacité pratique, à croire à un haut delà.
Le pape Benoît XVI déplorait qu’ait disparu de nos prédications, de la théologie, ce qu’on appelle l’eschatologie. C’est-à-dire la contemplation des réalités dernières : le ciel, l’enfer, dont il est question dans l’Évangile aussi, le purgatoire, mais aussi aujourd’hui plus particulièrement, cette résurrection des morts que nous proclamons dans le Credo.

Nous sommes, lamentablement parfois, limités à notre petite horizon et incapables de nous préoccuper des réalités qui dépassent cet horizon immédiat : notre bonheur, notre bonheur terrestre.
Quand on étudie la théologie, parfois on est surpris, même amusé de voir avec quel soin on se penche sur la hiérarchie des anges et comment ils vivent. On est à des années-lumière de ce type de questionnement aujourd’hui. Mais ne nous moquons pas trop vite de cette pensée, parce que cela dénote un profond désintéressement de l’esprit humain qui sait contempler l’éternité et les choses qui sont loin de nous.

Dante aussi, pendant des livres et des livres a évoqué le paradis, l’enfer, le purgatoire, avec ce génie qu’on lui connaît.

Pourquoi la résurrection est-elle si importante ?

« La résurrection des morts, cette croyance nous fait vivre. »

La première lecture nous aide à comprendre cette phrase de Tertullien. Une énorme persécution va s’abattre sur les Juifs au IIe siècle avant notre ère : les Grecs qui ont envahi tout le bassin méditerranéen, veulent leur imposer leurs coutumes, leur paganisme, leurs idoles. Ils veulent introduire leurs idoles jusque dans le temple de Jérusalem. Mais certains résistent, et c’est la grande révolte des Maccabées et aujourd’hui le martyre de ces 7 frères, dont on a les extraits les plus expurgés. La persécution est d’une cruauté la plus inouïe : on arrache la langue, on scalpe, on découpe les morts en morceaux.
Quelle est la grande réponse de Dieu à ces horribles mutilations ? C’est la résurrection !

Le Seigneur redonnera à ces corps abîmés leur plénitude, leur force, leur gloire
Autrement dit, la résurrection, dans le livre des Maccabées, c’est Dieu qui continue de sauver son peuple, il l’a délivré d’Égypte de la main du pharaon, il l’a fait revenir d’exil et demain il rendra la vie aux corps de misère.

C’est intéressant de voir dans la Bible que justement c’est dans le contexte de souffrance extrême que la résurrection est annoncée.
Dans le livre de Job, Job est à la dernière extrémité du malheur, il est malade, il est ruiné, il est méprisé, il est rejeté, mais il proclame comme une affirmation de foi en la bonté, en la puissance, en la victoire de Dieu :

« De mes yeux de chair je verrai sa face, je ressusciterai. »

Frères et sœurs, notre époque n’est que trop scandée par ces massacres, ces offenses faites aux corps. C’est pour cela qu’elle a un grand besoin qu’on lui annonce aussi cette Bonne Nouvelle.
Tous ces martyrs d’aujourd’hui, tous ces souffrants, et finalement toute l’humanité, marquée par cette catastrophe qu’est la mort physique, revivra avec son corps. Pensons à ces immenses cohortes qui sont parties vers tous ces camps, tous ces goulags au siècle dernier, tous ces êtres qui aujourd’hui disparaissent tragiquement dans les conflits se lèveront en cohorte lumineuse tel que le décrit l’Apocalypse.

Qu’est-ce que la vie du corps ressuscité ?

Borgès, dans ces récits de nouvelles, décrit un voyageur qui pénètre dans une contrée assez mystérieuse où il va voir des gens allongés, parfois certains avec de la mousse sur leur corps, un peu plus loin les oiseaux ont fait un nid sur la tête d’un autre et viennent y loger. Ce sont des gens condamnés à l’immortalité, qui ne peuvent plus mourir et c’est une tragédie pour parce que dans leur cas la vie éternelle, immortelle, n’est qu’une continuation de la pauvre vie qu’aujourd’hui nous menons.
Qui voudrait de cette continuation de cette vie-là ? Personne ! Elle ne serait qu’un châtiment. Voilà pourquoi l’immortalité, la vie éternelle, est un total renouvellement de notre vie, ce n’est plus la même. Le corps ressuscité c’est un corps qui ne souffre plus, un corps qui ne peux plus mourir.

« Le Christ ressuscité ne meurt plus. »

C’est ce que nous affirme Saint Paul : son corps est en connexion directe avec Dieu, à chaque moment. Dieu l’engendre à chaque instant, fait couler en lui Sa propre vie. Le corps glorieux est comme une transparence d’une présence de Dieu, de cette gloire de Dieu qui vivifie tout.
Dieu nous dit à chaque instant, lorsque nous serons ressuscité : « moi aujourd’hui je t’ai engendré », « moi aujourd’hui je t’engendre ». Et comme nous le dit l’Évangile :

« Tu es fils de la résurrection. »

Moi aujourd’hui je suis ton père, toi aujourd’hui tu es mon fils, c’est l’accomplissement totale de notre filiation. Nous serons fils jusque dans notre corps. Voilà quel est le mystère de cette intimité avec notre Dieu que nous connaîtrons lors de la résurrection finale.

Chers frères et sœurs, une dernière chose : les Sadducéens n’ont peut-être pas complètement tort. On peut en effet se demander de qui cette femme sera-t-elle l’épouse ?
Autrement dit, pour élever un peu le débat : que faire de ces liens entre époux et épouse dans le Ciel ? Le mariage n’a-t-il un sens que pour cette terre ? Quelle déception s’il n’en reste rien là-haut pour ceux qui sont en train de discerner s’ils vont se marier ou pas !
L’amour aspire à l’éternité, voilà pourquoi il est important qu’on puisse donner une réponse à cette question.

Le mariage au Ciel, dans la mesure où il est ordonné à avoir des enfants, n’aura plus ce sens-là.
Nous serons éternels, donc plus besoin de procréation, nous serons comme des anges dit Jésus. Ce qui demeurera du mariage, c’est la qualité du lien entre les époux, c’est-à-dire la charité, le don de soi, la communion.
Sur la terre, c’est vrai, l’amour que doivent connaître les époux va se concentrer sur une seule personne et au ciel nous serons appelés à aimer l’universalité de ce qui nous entoure. Il y aura quelque chose de différent, mais malgré tout cet amour que l’époux doit à son épouse est un amour absolu, éternel, parce qu’il vient de Dieu. C’est la charité même de Dieu qui doit unir les époux et dans cette mesure là il franchira les portes de l’éternité.

La béatification de couples ces dernières années en est la preuve : les époux Quattrocchi, les époux Martin que nous aimons tellement.
Voici quelques phrases de Zélie à son époux :

« Je suis toujours très heureuse avec lui. Il me rend la vie bien douce, c’est un saint homme que mon mari. J’en désir un pareil à toutes les femmes. Nos sentiments étaient toujours à l’unisson. Il me fut toujours un consolateur et un soutien. Il me tarde d’être auprès de toi mon cher Louis, je t’aime de tout mon cœur. »

Et cela jusqu’à la fin de leur vie, pas simplement lorsqu’ils sont amoureux dans les deux trois premières années. Pourquoi jusqu’à la fin, parce que l’amour ne vient pas tout simplement de leurs limites humaines, parce qu’il vient de l’éternité de Dieu. Sur la terre on ne peut aimer que quelques personnes concrètes, mais limitées dans le nombre.
Mais ces limites dans le nombre ne sont nullement une limite à l’intensité.
Alors, maris, aimez beaucoup vos femmes, femmes aimez beaucoup vos maris, aimez beaucoup chacun d’entre vous ceux qui vous entourent immédiatement, vos prochains proches.
Que nous puissions toucher du doigt, à travers le lien qui unit l’homme et la femme, la présence même du Dieu vivant et ressuscité, que nous puissions toucher cette présence du Christ parmi les liens qui nous unissent entre frères. C’est l’immense service que chacun, suivant notre vocation, nous pouvons rendre à l’Église et au monde.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre des Maccabées 7,1-2.9-14.
  • Psaume 17(16),1ab.3ab.5-6.8.15.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 2,16-17.3,1-5.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 20,27-38 :

En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent :
« Maître, Moïse nous a prescrit : ‘Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.’
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit :
« Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.

Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur ‘le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »