Homélie du 32e dimanche du Temps Ordinaire

11 novembre 2013

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants.
Tous, en effet, vivent pour lui. »

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Texte de l’homélie :

En ce mois de novembre, avec la fête de la Toussaint et la commémoration des fidèles défunts, ce sont les premiers jours du mois, et dans toutes les communautés religieuses, dans toutes les églises diocésaines, cette succession de célébrations préparent en réalité à la fête du Christ Roi. Ce mois est pour ainsi dire consacré au mystère de l’Église. Nous nous acheminons donc vers le début de l’Avent. Nous méditons alors sur la fin de notre monde, notre propre fin, et ce pour quoi nous sommes faits. Et nous sommes invités à regarder le Royaume du Seigneur, ce Royaume qui vient.

L’Évangile d’aujourd’hui nous parle de la mort et de la Résurrection. On pourrait dire qu’il tombe « à pic » pour notre méditation ! Nous sommes dans l’évangile de Saint Luc. Jésus vient d’entrer dans Jérusalem de manière solennelle, c’est la fête des Rameaux. C’est la dernière semaine, la semaine décisive de Jésus, celle qui va avoir son couronnement dans Sa Passion et Sa Résurrection. Couronnement de Sa vie, couronnement de l’histoire d’Israël, couronnement de l’histoire du monde et de l’humanité, avec son salut qui est réalisé et qui nous est offert en ce jour.

Des lectures qui font polémique aujourd’hui encore :

Mais auparavant, nous assistons cette semaine dans l’Évangile à trois polémiques : une première polémique avec les chefs des prêtres, les chefs du peuple et du Temple, les Pharisiens, qui vont rentrer en discussion avec Jésus pour des sujets qui sont encore d’actualité aujourd’hui :

  • L’autorité de Jésus : « De quelle autorité parles-tu ? sans doutes es-tu un prophète, mais qui te donne cette autorité ? ». Cela nous rappelle que les évangiles que nous lisons ne sont pas simplement des histoires qui nous racontent la vie de Jésus, mais ce sont avant tout apôtres les qui nous prennent par la main pour cheminer dans la Foi et accueillir Jésus comme fils de Dieu.
  • La deuxième polémique, bien moderne elle aussi, concerne la politique et les questions de société. Et nous savons bien encore comment les chrétiens sont eux aussi prêts à se déchirer sur les questions de société – ici, il s’agit d’impôt à César et de la présence des Romains en Israël.
  • La troisième concerne la mort et l’Au-delà ; question bien difficile et polémique elle aussi, qui met l’homme en échec face à son désir d’infini, son désir de continuer toujours… Et de notre temps, avec les complications qui apparaissent dans les familles recomposées, par exemple, on pourrait faire un tableau se rapprochant de celui du Saducéen qui vient interroger Jésus.

Nul ne peut échapper à la mort

La mort, sur laquelle bon en mal en, que nous le voulions on non nous méditer, à laquelle nous sommes confrontés au moins par ce souvenir de la Toussaint – même s’ils ne pratiquent pas, les gens se souviennent et vont au cimetière à ce moment-là. La mort met en échec les meilleurs aussi : rappelez-vous Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, combien à la Pâque 1897, après une sortie d’exaltation au cours de laquelle elle comprend qu’elle va mourir, c’est cette nuit spirituelle, et il ne faut alors plus lui parler du Ciel, parce que c’est comme un mur. Elle va y être confrontée de manière difficile, comme nous tous.

Et quand survient le malheur pour nous, pour nos proches, nous pouvons être traversés par toutes ces questions… Mais, ne trouvez-vous pas que la Résurrection est une question vraiment difficile ? et la vraie question à laquelle aucun de nous n’a de réponse, c’est « comment cela va t-il se passer ? », comment les choses vont se passer dans le Royaume, d’un point de vue scientifique ? et même dirigés par notre imagination, il nous est impossible d’avancer sur ce sujet là. Et bien souvent, nous « calons », alors que c’est un article du credo :

« Je crois en la Résurrection de la Chair, en la Vie Éternelle… »

Et nous avons beaucoup de mal à suivre Jésus et à nous y reconnaître.

Dans l’Évangile, la question du Saducéen est compliquée à souhait, embrouillée, même. Mais, la réponse de Jésus est simple et claire : ne pensez pas le Royaume « du monde à venir » – comme il est dit dans l’Évangile, ne pensez pas le Paradis comme une continuité de la vie humaine. Ce n’est pas simplement une répétition de ce que l’on vit maintenant qui dure. Comme le dit la liturgie, notre vie n’est pas enlevée mais elle est transformée. Elle est prise dans le mystère de la Résurrection de Jésus. Ce sont les textes de Saint Paul qui sont tellement forts lorsqu’il parle de cette vie dans l’Esprit.

Car, la Résurrection, nous sommes appelés à en être les héritiers. Et l’on pourrait rester avec cette expression que Jésus emploie :

« Nous sommes fils de Dieu, héritiers de la Résurrection. »

Et c’est déjà le mystère pascal qui s’accomplit. Cela a commencé à notre baptême. Et ce qui nous est demandé, c’est d’apprendre à vivre aujourd’hui de la Résurrection. Si le dimanche a une telle importance dans l’Église, c’est justement parce qu’il nous rappelle ce mystère pascal chaque semaine, et il nous invite à apprendre à vivre de la Résurrection.

Pour reprendre ce que dit Saint Paul :

« Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par Son esprit qui habite en vous. »

Si Jésus est ressuscité – et Saint Paul insistera dans d’autres textes – ce n’est pas pour Lui-même, mais c’est pour nous ! C’est pour nous associer à la vie en Dieu, à la vie dans l’Esprit.

La petite Thérèse connaît une épreuve redoutable : alors que toute sa vie, elle pense au Ciel, il va se jouer la cohérence de tout ce qu’elle a vécu jusqu’ici, de ce qu’elle a annoncé de son désir immense du Ciel, de cet amour parfait, de cet amour total du Seigneur. Il s’accomplit alors ce qui doit s’accomplir dans notre chemin spirituel. Ainsi, elle va passer, en atterrissant peut-être sous toutes les formes sur lesquelles elle a projeté, elle a imaginé tant de choses, pour apprendre, confrontée à cette difficulté, à aimer.

Et c’est la force de la Petite Thérèse, qui va apprendre, comme elle l’explique bien d’ailleurs dans son manuscrit C, avec ce petit traité de la Charité, comment elle a appris à aimer ses sœurs, d’une manière toute simple. Des grands désirs, oui, mais réalisés dans le temps, réalisés pas à pas, réalisés dans cette école d’amour qu’est notre vie, notre chemin de tous les jours, dans son quotidien parfois rude, qui demande des combats.

L’Esprit d’enfance mène au chemin de résurrection

Ce qui est extraordinaire avec cet esprit d’enfance de Thérèse de Lisieux, c’est qu’elle sera comme un enfant qui a un appétit de vivre, et cette épreuve ultime n’aura pas raison de son appétit de vivre. Ce désir porte une certaine violence, et l’on voit bien la force de vie extraordinaire des enfants qui les fait passer par bien des combats et des difficultés mais pour avancer debout.

Et voilà que nous sommes pris dans cette grâce de la Résurrection en apprenant à la vivre. Bien sur, la mort est radicale. C’est un dépouillement où il faut nous apprendre à vivre de Foi, non pas seulement de représentations comme « demain ça ira mieux », etc, mais à vivre dès maintenant de la Résurrection du Seigneur. Demandons-le activement, demandons d’apprendre à vivre de ce mystère de la Résurrection pour accueillir le Seigneur.

Notons une expression dans ce texte : après avoir répondu que la vie après la mort n’est pas un chemin imaginaire comme l’art ou les religions peuvent le représenter, Jésus répond avec simplicité sur le fait de la Résurrection. Il nous cite l’Exode où Dieu se présente comme le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, Il rajoute :

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. »

Ils ont leur place ! Ils ont leur place auprès de Dieu. Et si dans le Judaïsme on osait dire que les patriarches ont leur place vivant auprès de Dieu, ici, Il termine :

« Tous vivent en effet pour Lui. »

Et c’est ce qu’il nous faut apprendre, cette parole si forte de Saint Paul :

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est Lui qui vit en moi. »

Nous vivons pour Lui, comme il dans un texte que nous avons lu dans la messe cette semaine :

« En effet, aucun de nous ne vit pour soi-même et personne ne meurt pour soi-même. Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et si nous mourrons, nous mourrons pour le Seigneur.
Soit que nous vivions, soit que nous mourrions, nous sommes au Seigneur. Car c’est pour être le Seigneur des morts et des vivants que le Christ est mort et qu’Il a repris vie. »

Voilà. C’est pour nous ! mais nous avons à apprendre à vivre par Lui, pour Lui, en Lui. Et ici, Paul parle sur des choses très concrètes : c’est sur l’accueil que l’on fait à la différence sur les personnes, lorsqu’il est question de manger, de nourriture, etc… c’est vraiment le quotidien. Apprendre à vivre avec cette joyeuse espérance, ce réconfort du Seigneur qui va nous donner d’avancer, de marcher sans oublier l’essentiel : cette mission de charité et d’amour que nous donne le Seigneur : d’aimer, non pas pour nous-mêmes, non pas pour notre intérêt, mais pour que ce soit l’amour du Seigneur qui triomphe.

Alors, en parlant du mystère de mort, du mystère de notre vie, je terminerai par cette image que l’on m’a rapporté ces derniers jours, qui parle de la vie, et qui dit : « Notre vie sur terre, c’est un peu comme la vie d’un enfant dans une couveuse : l’enfant est là, il vit, mais il doit lutter, il doit se battre, avoir du courage. Il se sent un peu seul, même si sa mère est là, et les médecins autour, qui sont unis pour l’entourer, pour le faire vivre. Mais, il n’est pas dans cette pleine communion.

Ainsi, notre vie est un peu comme celle de l’enfant dans la couveuse, qui attend de pouvoir vivre en communion plénière – sortons de l’image : en communion glorieuse avec le Seigneur. Et surtout, n’oublions pas, quand nous pensons à Dieu, quand nous pensons au sacrifice que Jésus a fait pour que nous ayons la vie, n’oublions pas que, derrière la couveuse, il y a la mère qui attend avec beaucoup d’émotion, d’impatience, d’intensité, que l’enfant lui soit donné et qu’elle puisse le serrer dans ses bras,

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Deuxième livre des Maccabées 7,1-2.9-14.
  • Psaume 17(16),1ab.3ab.5-6.8.15.
  • Deuxième lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 2,16-17.3,1-5.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 20,27-38 :

En ce temps-là, quelques Sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent :
— « Maître, Moïse nous a prescrit : ‘Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.’
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »

Jésus leur répondit :
— « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.
Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur ‘le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’

Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants.
Tous, en effet, vivent pour lui. »