Homélie du 6e dimanche de Pâques

3 mai 2016

« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »

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Texte de l’homélie

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. »

Chers frères et sœurs, à quel moment de sa vie Jésus a-t-il prononcé les paroles de l’Évangile que nous venons d’entendre ?
Est-ce lorsque tout allait bien, qu’il avait du succès auprès des foules qui étaient ravies des guérisons qu’il opérait ?
Est-ce sur le mont des Béatitudes lorsque des foules se pressaient pour goûter et apprécier ses paroles ?
Non, vous savez bien que Jésus prononce ces paroles dans des circonstances bien particulières : c’est au cours du dernier repas, de la Cène ; Judas est déjà sorti pour le livrer aux grands prêtres ; ce sera bientôt l’agonie et le moment où ses disciples vont l’abandonner ; c’est alors que va commencer la passion avec ses souffrances terribles pour aller jusqu’à la mort de la Croix et l’ensevelissement dans le tombeau.

Ce n’est donc pas dans des circonstances idylliques que Jésus nous dit : « c’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ».

Quel est le secret de Jésus pour cette paix ? Je désire relever trois éléments :

  • Cette paix est liée à la présence de Dieu ;
  • elle est liée également au don de l’Esprit Saint ;
  • et enfin, elle contraste avec une façon mondaine de concevoir la paix.

La paix est liée à la présence de Dieu

Un mot revient souvent dans le discours d’adieux de Jésus : « demeurer ». Jésus demeure en son Père, voici le secret de sa paix. C’est aussi ce chemin qu’il nous ouvre :

« Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. »

Il y a un lien entre le fait que Dieu « demeure » en nous et la paix. En lui nous trouvons notre sécurité. Pour nous, baptisés, cette présence de Dieu en nous commence au jour de notre baptême. Elle est le lieu par excellence où Dieu veut nous donner sa paix, comme le dit Saint Paul :

« Vous êtes le temple de Dieu »

Cela est une invitation à vivre dans une certaine intériorité. Et cette intériorité se cultive dans la prière.

Même si nous n’osons pas toujours nous l’avouer, nous sommes très vulnérables. Devant les assauts du mal, nous nous sentons tellement démunis. De la même façon que nous aimons être à l’abri quand il y a une tempête ou un orage, ainsi en est-il dans les tempêtes de notre vie.

Cette présence de Dieu n’est pas non plus quelque chose de magique qui nous dispense d’accorder notre vie à la volonté de Dieu.
On le voit bien dans l’épisode où les Philistins s’emparent de l’Arche de Dieu. Se sachant moins forts que les Philistins, « les anciens d’Israël dirent alors : ’Pourquoi le Seigneur nous a-t-il fait battre aujourd’hui par les Philistins ? Allons prendre à Silo l’arche de l’Alliance du Seigneur ; qu’elle vienne au milieu de nous, et qu’elle nous sauve de la main de nos ennemis.’ » (1 S 4,3).
Mais en fait, ce sera la déroute car ce n’est pas quelque chose de magique.

De même, la présence de Dieu en nous nous presse aussi à vivre de charité. Si notre cœur se refuse à être habité par l’amour de Dieu, Dieu ne se sent plus chez lui.
Comme le dit saint Jean :

« Dieu est amour »

Il ne peut demeurer en nous si nous nous fermons volontairement à l’amour.
Si donc nous voulons goûter à cette paix que Jésus promet, nous sommes invités à vivre le commandement de l’amour que Jésus nous laisse.

Cette paix est liée au don de l’Esprit Saint

Il est question de l’Esprit Saint dans ce passage d’Évangile. Il nous est bon de rapprocher ce passage d’Évangile de celui de l’apparition de Jésus au soir de Pâques :

Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.
Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté.
Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
(Jean 20, 19-23)

La paix est étroitement liée au don de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint nous purifie de nos péchés.
Encore faut-il reconnaître humblement son péché. Comment retrouver la paix si l’on s’obstine à nier ou justifier son péché. Sans humilité, il nous est difficile de goûter à la paix que Jésus nous offre.

L’Esprit Saint nous donne de bénéficier du sacrifice de Jésus sur la Croix. Comme le dit l’épître aux Hébreux :

« Le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. »
(He 9, 14)

L’Esprit Saint est l’Esprit d’amour ; il est l’Esprit qui a poussé Jésus à s’offrir pour nous.

Cette paix n’est pas donnée à la manière du monde.

Grosso modo, la manière du monde de donner la paix c’est d’éviter le mal et la souffrance.
Pour Jésus – ce passage d’Évangile nous le dit clairement – la paix que Jésus nous donne n’est pas à tout prix d’éviter le mal et la souffrance. Bien entendu, nous préférons ne pas souffrir, c’est bien normal ! mais, pas à tout prix…
De fait, le soir de Pâques, lorsqu’Il répand la paix sur ses apôtres, Jésus apparaît avec les marques de sa passion à Ses mains et à Son côté : la résurrection n’a pas effacé les marques de la passion.
Nous risquerons de poursuivre en vain la paix si nous attendons une vie totalement zen. Ce n’est pas ce que Jésus nous indique.

Cette paix que Jésus nous offre et qu’Il promet déjà :

« Je vous laisse la paix. Je vous donne la paix.
Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. »

Cette paix est le fruit de la mort et de la résurrection du Christ Jésus. Par elle, on sait que le mal et la souffrance n’ont pas le dernier mot. Dans notre vie, on préfèrerait éviter la souffrance lorsque – hélas - elle est sur notre chemin. Mais, par la grâce du Seigneur mort et ressuscité, ces souffrances peuvent porter du fruit, et peuvent être source de paix.

On voit la joie qu’éprouvent les apôtres. On les voit tout d’abord effrayés et bouleversés au moment de la Passion, et c’est compréhensible. On les voit aussi apeurés tant qu’ils n’ont pas pris conscience de la Résurrection du Seigneur.
Mais, une fois qu’ils découvrent le Seigneur mort et ressuscité – qui porte encore les marques de Sa passion – ils sont alors remplis de Sa paix, ils sont habités par la paix du Seigneur.

« Le soir de la résurrection, Jésus donne la paix en plénitude et elle devient pour la communauté source de joie, certitude de victoire, sécurité dans l’appui sur Dieu. (…)
Dans la lumière fulgurante de la Pâque, dans la rencontre avec le Ressuscité, les disciples saisissent le sens salvifique de sa passion et de sa mort.
Alors, de la tristesse et de la peur, ils passent à la pleine joie. La tristesse et les blessures elles-mêmes deviennent source de joie. »
(Benoît XVI, 11 avril 2012)

Voici donc trois éléments pour vivre cette paix dans l’intériorité :

  • en vivant de cet amour de Dieu dans l’humilité,
  • en accueillant le fait que nous ne sommes pas parfaits,
  • et en acceptant que cette paix ne soit pas sans une part de souffrance et de difficulté.

De fait voilà ce que Jésus disait dans la dernière phrase du discours après la Cène, avant la prière sacerdotale :

« Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. »
(Jn 16, 33)

En conclusion, on peut dire que cette paix n’est pas à vivre de manière égoïste et solitaire. Connaissez-vous Séraphim de Sarov, ce saint mystique qui disait : Acquiers la paix intérieure et une multitude trouvera le salut auprès de toi ».

Bien entendu, nous sommes appelés à trouver notre paix auprès du Seigneur, mais nous ne devons pas la garder pour nous ; et lorsque le pape François nous invite à évangéliser, c’est justement pour communiquer aux autres ce qui est pour nous source de paix. La foi en Jésus change quelque chose. Je n’aborde pas les difficultés de la vie de la même façon selon que je crois en Jésus ou que je n’y crois pas.

Ainsi, il y a tellement de personnes que nous rencontrons quotidiennement qui sont tourmentées et dans la difficulté qu’il ne faut pas hésiter à demander cette grâce de pouvoir dire la raison pour laquelle nous trouvons notre paix dans le Seigneur.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre des Actes des Apôtres 15,1-2.22-29.
  • Psaume 67(66),2-3.5.7-8.
  • Livre de l’Apocalypse 21,10-14.22-23.
  • Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14,23-29 :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.

Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi.

Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »