Texte de l’homélie
Chers frères et sœurs, à l’occasion du baptême de Clarisse, je voudrais méditer avec vous sur la grâce du baptême. Tout d’abord, par le baptême, Dieu vient demeurer en nous d’une manière toute particulière. Mais cette grâce comporte aussi des exigences : ce sera ma deuxième partie. Enfin je détaillerai un peu l’une des grandes grâces de cette union avec Dieu : le don de la paix.
Par le baptême, nous devenons la demeure de Dieu
Nous devenons la demeure de Dieu
Un mot revient souvent dans l’évangile de saint Jean : « demeurer ». Lors du baptême, Dieu vient demeurer en nous d’une manière très particulière. A travers cette expérience de David et de Salomon, dans l’Ancien Testament, on voit bien que l’homme peut préparer une demeure à Dieu, mais que c’est toujours une grâce immense que Dieu accepte d’y habiter. Il est bon de préparer un lieu pour que Dieu puisse y demeurer mais le fait que Dieu vienne y résider est toujours une grâce imméritée.
Le prophète Natân le rappelle au roi David :
« Tu as eu dans l’esprit de bâtir une maison pour mon Nom, et tu as bien fait. Seulement ce n’est pas toi qui bâtiras cette maison. » (1 R 8, 18 ; cf 2 S 7, 5)
Finalement, c’est son fils, Salomon, qui construira cette maison. Lors de la dédicace du temple, Salomon en a tout à fait conscience :
« Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne peuvent le contenir, moins encore cette maison que j’ai construite !
Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur, Seigneur mon Dieu ! (…) Que tes yeux soient ouverts jour et nuit sur cette maison, sur ce lieu dont tu as dit : "Mon nom sera là !" » (1 R 8, 27)
Avec Jésus, les choses s’intériorisent. Dieu n’habite pas simplement dans un Temple mais chacun peut devenir le sanctuaire de la présence de Dieu comme Saint Paul le rappelle aux Corinthiens :
« Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3, 16)
La sainte Trinité vient demeurer en nous :
« Si quelqu’un m’aime, … mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. »
Lorsque nous Lui avons ouvert la porte par la Foi, Dieu a fait de nous Sa demeure. Dieu ne veut jamais imposer Sa présence. Il nous laisse toujours profondément libres. Nous Lui donnons les clés de la maison pour qu’Il soit chez lui. Mais ce n’est pas risqué car Il nous aime, ne nous veut que du bien. Par notre consentement, nous Lui donnons le droit de construire en nous.
Thérèse d’Avila parle d’un château intérieur où réside le Seigneur, un peu comme dans la lecture de l’Apocalypse. Il vient nous éclairer profondément :
« La gloire de Dieu l’illumine, et sa source de lumière, c’est l’Agneau. »
C’est une vraie grâce qui nous est donnée et que nous ne mesurons pas toujours. Nous sommes appelés à nous émerveiller de cette présence de Dieu en nous.
On peut appliquer à notre âme certaines paroles de psaumes qui concernaient le Temple :
« Voici le lieu de mon repos à tout jamais, c’est là le séjour que j’avais choisi. » (Ps 131,14 ; cf. Ps 32,12)
Nous n’avons accès à Dieu que par la foi
Nous aimerions aussi avoir de grandes manifestations de Dieu, qui seraient comme extérieures, visibles de tous. Mais Dieu veut plutôt nous rejoindre à l’intime de notre cœur, dans le secret entre Lui et nous. La présence de Dieu est donnée par la foi.
« Par la foi, le Christ habite en nos cœurs. » (Ep 3,17 ; cf. Ga 2, 20)
C’est un peu comme l’âme : on ne la voit pas mais elle est bien là. Elle nous donne de poser certains actes.
C’est dans ce sanctuaire que travaille l’Esprit Saint
C’est dans ce sanctuaire intime que l’Esprit Saint nous aide à comprendre cette parole de l’intérieur. Il nous fait à la fois voir et goûter les choses. Alors, nous sommes mus par l’Esprit de Dieu et non pas par un mauvais esprit.
Mais cela comporte des exigences, une fidélité à la Parole de Dieu
Jésus ne veut pas nous laisser dans l’illusion : cette présence de Dieu en nous comporte aussi ses exigences.
« Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. » (Jn 14, 23)
Il y a d’abord une exigence de foi : la foi n’est pas un fétiche
La foi n’est pas un fétiche que l’on prend avec soi mais une vie avec Dieu. Il y a besoin de garder cette disponibilité du cœur. C’est un vrai cadeau mais Dieu ne s’impose pas : « Si ».
Cette présence de Dieu n’est pas non plus quelque chose de magique, qui nous dispense d’accorder notre vie à la volonté de Dieu. On le voit bien dans l’épisode où les Philistins s’emparent de l’Arche de Dieu, le peuple d’Israël se sachant moins fort que leur ennemi :
« Les anciens d’Israël dirent alors : ’Pourquoi le Seigneur nous a-t-il fait battre aujourd’hui par les Philistins ?
Allons prendre à Silo l’arche de l’Alliance du Seigneur ; qu’elle vienne au milieu de nous, et qu’elle nous sauve de la main de nos ennemis.’ » (1 S 4, 3)
Mais en fait, ce sera la déroute car ce n’est pas quelque chose de magique.
Renoncer au mal
Dans le dialogue préparatoire au baptême, il s’agit de renoncer au mal et de croire en Dieu. Il y a des choses qui ne font pas bon ménage avec la présence de Dieu. Nous sommes appelés à accorder à Dieu l’hospitalité par notre amour.
Dieu n’est pas procédurier ; Il ne s’impose pas. Nous pouvons hélas Le mettre à la porte ; Il ne S’incruste pas. Il y a une fidélité à la Parole de Dieu. Tout à l’heure, Clarisse, tu t’engageras à rompre avec le mal, à rejeter le péché. On peut hélas se reprendre…
De même, la présence de Dieu en nous nous presse aussi à vivre de charité. Si notre cœur se refuse à être habité par l’amour de Dieu, Dieu ne S’y sent plus chez Lui. Comme le dit saint Jean :
« Dieu est amour. »
Il ne peut demeurer en nous si nous nous fermons volontairement à l’amour. Si donc nous voulons goûter à cette paix que Jésus promet, nous sommes invités à vivre le commandement de l’amour que Jésus nous laisse.
L’humilité est nécessaire
Cette grâce est réservée aux tout-petits (Mt 11, 25). Dieu ne veut pas nous tenir tête. Il faut une attitude d’humilité où on se laisse conduire, où on permet à Dieu d’agir à Sa manière.
Les fruits, les bénéfices, de cette présence de Dieu : la paix
Chers frères et sœurs, à quel moment de sa vie Jésus a-t-il prononcé les paroles de l’Évangile que nous venons d’entendre : « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne » ?
Ce n’est pas au moment où Il avait du succès auprès des foules qui étaient ravies des guérisons qu’Il opérait. C’est au moment où Judas est déjà sorti pour Le livrer aux grands prêtres. Ce sera bientôt l’agonie et le moment où Ses disciples vont L’abandonner, quelques heures avant Sa mort sur la Croix.
Ce n’est donc pas dans des circonstances idylliques que Jésus nous dit :
« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne. »
Comme le dit très bien Saint Raphaël Arnaiz Baron, un moine trappiste espagnol :
« Quand le monde cherche la paix, c’est ainsi qu’il la conçoit : silence, quiétude, amour sans larmes, beaucoup d’égoïsme camouflé. L’homme cherche cette paix-là pour se reposer, pour ne pas souffrir ; il cherche la paix des hommes, la paix sensible, cette paix que le monde représente dans un cloître sous le soleil, avec des cyprès et des oiseaux ; cette paix sans tentations et sans croix… »
Avec vous, je désire relever trois différences entre la paix donnée par le monde et la paix donnée par Jésus.
La paix de Jésus ne correspond pas à une absence de difficultés extérieures
Jésus ne nous dit pas : venez à moi et vous n’aurez plus de difficultés, de contrariétés ou d’épreuves ; vous ne souffrirez plus. Seules des sectes peuvent promettre une telle chose. La paix de Jésus résulte d’un dépassement. Jésus n’enlève pas la souffrance mais lui donne un sens et une fécondité.
On peut choisir une vie tranquille en fuyant toutes les situations difficiles. Par exemple, je fuis les gens qui sont désagréables et je ne fréquente que les gens qui pensent comme moi et qui ne me demanderont rien. Je coupe les ponts avec les gens qui m’ont fait du mal plutôt que d’essayer de me réconcilier et de pardonner.
La paix de Jésus n’est pas quelque chose de narcissique où je coupe les ponts avec tout ce qui peut me troubler.
La paix de Jésus ne consiste pas en une absence de combat intérieur
La paix de Jésus n’est pas tant extérieure qu’intérieure. Dans notre vie, il y a un véritable combat spirituel. Comme le dit Catherine de Sienne :
« Sans guerre, il n’y a pas de paix. »
Ou encore Saint François de Sales :
« Sachez, ma chère fille, que Notre-Seigneur, (…) avant de mettre la paix dans un lieu, il y fait la guerre. »
Ce combat est le lieu de notre purification, de notre croissance spirituelle. Mais ce combat est illuminé par la certitude de la victoire du Christ.
La paix de Jésus n’agit pas comme un tranquillisant : Quand vous prenez un tranquillisant, cela vous calme. Vous êtes assez passifs. Tandis que la paix de Jésus appelle notre coopération. Jésus nous donne Sa paix mais nous appelle en même temps à agir, à être proactifs. Cela ne va pas de soi de s’abandonner entre les mains de Dieu quand on est inquiet ou angoissé. Cela suppose de grandir dans la foi, la confiance, l’espérance.
Jésus ne nous promet pas d’assouvir tous nos désirs ; Il nous apprend plutôt à les ordonner, à y mettre de l’ordre. À certains moments cela passe inévitablement par des sacrifices et des frustrations. Mais c’est pour un bien plus grand. Jésus nous appelle à avoir une maîtrise sur nos passions et cela passe par un combat.
La paix de Jésus ne consiste pas à fuir notre culpabilité et nos faiblesses
Jésus nous donne la grâce d’accepter nos faiblesses. Il est prêt à nous pardonner nos péchés. La paix est un fruit de la mort et de la résurrection du Christ. Le soir de Pâques, Jésus apparaît avec les marques des clous.
« Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » (Jean 20, 19-23)
Conclusion :
Tournons-nous vers Marie en qui Dieu a pu vraiment demeurer. Marie qui ruminait cette parole et vivait ainsi dans la véritable paix de Dieu. Marie qui gardait si fidèlement la Parole qu’il lui a été donné d’enfanter le Verbe de Dieu.
Comme le disait Jésus :
« Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. » (Lc 8, 21 ; cf. Lc 11, 28)
Amen !
Références des lectures du jour :
- Livre des Actes des Apôtres 15,1-2.22-29.
- Psaume 67(66),2-3.5.7-8.
- Livre de l’Apocalypse 21,10-14.22-23.
- Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14,23-29 :
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »