Homélie du Deuxième dimanche de l’Avent

9 décembre 2025

« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »

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Texte de l’homélie

Comme vous le savez sûrement, pendant le temps ordinaire, concernant les lectures de la Parole de Dieu, c’est l’Évangile qui donne le la, qui donne le ton de la méditation spirituelle, de l’homélie. Et en fonction de cet Évangile, la liturgie trouve une première lecture qui est en lien, qui résonne, tirée soit de l’Ancien Testament, soit des épîtres. Cette première lecture permet aussi au prédicateur de faire un fil rouge dans sa prédication en temps ordinaire.

Mais pour l’Avent, ce n’est pas du tout pareil. Pour l’Avent, c’est la première lecture qui donne le tempo. Cette première lecture est toujours tirée du prophète Isaïe. Et cette première lecture tirée du prophète Isaïe, parle de cet Isaïe qui annonce le Messie, qui annonce le Messie, cet Isaïe qui annonce une espérance, une bonne nouvelle.

Différence entre le Messie de l’Ancien et du Nouveau Testament

Mais c’est important pour comprendre la position tant de Jean-Baptiste que de Jésus, de voir l’évolution qu’il y a eu dans la conception du Messie en Israël. en Hébreu, « Messie » signifie « frotté d’huile », le fait de recevoir l’onction d’huile. Et c’est ainsi pour tous les rois de l’Ancien Testament. Cela a été repris par les rois de France qui ont reçu une onction d’huile.

Mais progressivement, de frotter d’huile, c’est passé à celui qui enlèvera le mal, qui ramènera le paradis terrestre, qui ramènera la prospérité sur la terre. L’homme providentiel. L’homme par qui toute justice sera accomplie :

« Il n’y a plus de larmes, il n’y a plus d’injustice, il n’y a plus de corruption sur ma montagne sainte. La connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. »

C’est vraiment la personne qui ramène la paix, mais sur toute la terre, pas simplement en Terre Sainte, sur toute la terre, et Jérusalem comme un flambeau pour les nations.

C’est là où nous avons un désaccord avec nos amis juifs. Nous n’avons pas du tout la même vision du Messie. Parce que pour nous, le Messie en Jésus, est celui qui n’est pas venu éradiquer le mal, confère tout ce qui est à voir avec la Passion.
Et nos amis juifs nous disent : « Mais vous dites qu’il est Messie, mais regardez, depuis 2000 ans, est-ce qu’il y a eu moins d’injustice ? Ouvrez les journaux, la télévision, l’Internet. Le mal semble triompher. Votre Dieu Messie, prétendu Messie, n’est pas Messie. » Oui, comme vous, frères aînés dans la foi, vous l’entendez, Jésus n’est pas venu éradiquer le mal. N’est pas venu enlever toute corruption, n’est pas venu rétablir un paradis terrestre.

Et c’est là qu’intervient la figure de Jean le Baptiste, qui est une figure assez étonnante. C’est clairement une figure prophétique, vêtu de poils de chameau, se nourrissant de miel sauvage, etc… C’est vraiment cette figure prophétique. Certains pensaient que c’était le retour du prophète Élie même.

Mais, il y a quelque chose auquel Jean-Baptiste n’a pas eu accès, quelque part qu’il n’a pas compris. Vous vous rappelez, quand il était en prison, il envoyait des émissaires. Poser la question à Jésus :

« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous, devons-nous en attendre un autre ? Que devons-nous faire ? »

Le Christ n’est pas un Messie libérateur au sens politico-théologique

Il y avait comme un doute, parce que Jean-Baptiste, il reste avec cette vision du Messie qui enlève le mal et la corruption sur toute la montagne sainte, qui rétablit le paradis terrestre. Et de fait, dans les citations d’Isaïe, ce sont des citations de la nature qui ont été prises.

Et que répond Jésus aux émissaires de Jean-Baptiste ? Il répond avec la Parole de Dieu :

« Les aveugles voient, les boiteux marchent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Il ne dit pas : « On va chasser les Romains qui, depuis 90 ans, occupent la Judée. » Ce n’est pas un Messie libérateur au sens politico-théologique. Donc, on voit il y a quelque chose, et puis il y a quelque chose auquel il n’a pas accès, disons, qui peut-être s’est endurci.
Alors, pour comprendre aussi la position de Jean-Baptiste, il faisait partie d’une secte juive qu’on appelle qu’on appelait les Esséniens. Je suppose ça. Qui s’est radicalisée au fil du temps, surtout pendant les guerres judéo-romaines du Iᵉ siècle. On connaît bien ce cet épisode de Massada où les Romains ont voulu prendre cette forteresse, détenue par les Esséniens. Ils y sont arrivés, et tous les Esséniens se sont suicidés, contrairement à ce que les commandements du Seigneur.
Donc, on est face à une sorte de radicalisation d’une secte juive et qui progressivement, bien sûr, ce n’était pas la réalité de Jean-Baptiste, mais il y avait déjà dans son cœur comme ça une forme de colère, voilà, de face c’est le style prophétique.

Et c’est intéressant dans la manière dont Jean-Baptiste prêche, l’exemple qu’il prend lui aussi de la nature. Il parle ainsi :

« Le Messie tient dans sa main la pelle à vanner. Il va nettoyer son aire, abattre le blé, il amassera son grain dans le grenier. Quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Notons que ce n’est pas la prédication de Jésus :

« Le semeur est sorti pour semer. Du bon grain est tombé dans telle et telle pierre, ronce, dans la bonne terre. »

Et quand Jésus fait la méditation sur cette parabole qu’on connaît bien, Il dit pas du tout ça. Il dit :

« Laissez les anges faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, de peur qu’en arrachant la mauvaise herbe, vous n’arrachiez aussi le bon grain. »

Quand Il parle de son rôle de Messire, Jésus fait référence au bon grain et à la moisson. droite

C’est intéressant, on voit bien ces nuances de dire que le royaume de Dieu tolère une part d’injustice. Le royaume de Dieu tolère une part d’injustice. Il n’est pas venu éradiquer le mal. Et c’est vrai que c’est assez intéressant, nous qui nous avançons vers Noël, vous prêterez attention, cette question du mal est présente dans la liturgie. Vous savez, tout de suite après Noël, le 26 décembre, Saint-Étienne, premier martyr, le 28 décembre, les Saints Innocents. Donc des bains de sang. Jésus n’est pas venu rétablir un paradis terrestre.

Et c’est vrai que la fête de Noël aussi est parfois difficile et complexe à gérer. C’est une fête où ressortent aussi toutes les tensions familiales. Celui qui ne viendra jamais à la fête. Celui qui a coupé les ponts. Celui qui ne parle plus à sa famille. Celui qui avec lequel on n’arrive plus à se réconcilier ou dont le conjoint est en délicatesse avec l’un ou l’autre. C’est tout ça qui ressort à Noël, c’est tous les liens. Les relations parfois difficiles dans les familles, que dire des familles séparées où on multiplie les Noëls pour que les enfants puissent voir chaque grand-parent de chaque côté.

Jean-le-Baptiste nous appelle à un retour à la vie intérieure

Vous voyez, je trouve c’est intéressant de dire que notre vision du Messie est bien différente de la vision de l’Ancien Testament. Et d’une certaine manière, nous devons nous méfier de quelqu’un qui voudrait rétablir le paradis terrestre. Ça a été le cas de tous les grands dictateurs : entre ceux qui veulent imposer la race pure et ceux qui imposent le marxisme…. On va tout partager entre frères. Et c’est des bains de sang.

Non. Notre vision du Royaume n’est pas la vision de Jean-Baptiste, puisque même Jésus dira le plus petit dans le Royaume est plus grand que Jean. C’est-à-dire que Jean avait un grand désir de sainteté, il était brûlé par un certain feu spirituel, certainement, annonçant la conversion. Mais il a eu cette grâce particulière de s’approcher, de changer de regard par rapport à l’avènement du Messie, en tous cas, on le lui souhaite bien sûr dans la gloire maintenant, on le croit, c’est un Saint que nous invoquons, Saint Jean.
Au fond, il aura découvert une autre manière de vivre le Royaume.

Et je crois que, pour nous, ce temps de l’Avent est un temps de conversion. Vous voyez que le prêtre revêt la chasuble violette, de même qu’il la revêtira aussi au moment du Carême, signe d’un temps de conversion joyeuse.

Mais peut-être on peut aussi demander cette grâce particulière au Seigneur de changer de regard par rapport à l’injustice. Renoncer au paradis terrestre est une véritable conversion.

C’est une véritable conversion. Admettre une part de mal dans notre vie, et de fait, nous aussi nous n’échappons pas à cette diffusion de l’injustice, puisque nous demandons dans le Notre Père que le Seigneur nous pardonne. Signe aussi que nous qui sommes ici, nous ne sommes pas nous les privilégiés, les purs, les bons, et à l’extérieur les gens qui ne connaissent rien. Non, non, non, non. Nous découvrons aussi que nous aussi, en pensée, en parole, par action et par omission, et bien, nous diffusons l’injustice et le mal.

Mais, mais nous avons le baptême. Nous avons le baptême. Nous avons, parce que nous portons en nous-mêmes plus que nous-mêmes, parce que nous sommes habités par une force intérieure, nous avons les mêmes combats que les autres, c’est tout à fait clair. Mais nous avons plus de ressources que d’autres au plan spirituel.

C’est le baptême dont parle Saint Paul, précisément, le baptême dans l’Esprit. Il y a le baptême de l’eau, et ensuite le baptême dans l’Esprit. C’est un baptême qui n’est pas simplement extérieur à nous-mêmes où on serait purifié, on voit des rites de purification, par exemple, dans des traditions asiatiques, dans le se plonger dans le Gange, donc c’est quelque chose d’assez universel, ce baptême d’eau, ou se plonger dans le Jourdain pour Jean-Baptiste au temps de l’Ancien Testament.
Et non, c’est un baptême intérieur, c’est-à-dire qui nous fait avoir un regard sur le monde non pas comme un ennemi, mais comme un lieu à habiter, précisément parce que nous sommes invités à y diffuser de la lumière.

Nous sommes invités à rendre ce monde plus lumineux, plus juste, dans le combat intérieur que nous vivons.

Alors, cette conversion, on peut nous-mêmes nommer les lieux de tension dans nos vies. C’est quoi les lieux de tension, les lieux les lieux où justement, nous laissons tenter, tenter par la parole malfaisante, par la critique. Nous laissons tenter par la superbe, ces grands idolâtries qui sont en nous, ces idolâtries qui fait qu’on est dans une toute-puissance, c’est ça au fond qui rend le monde malheureux, c’est la toute-puissance.

Mais on peut déjà demander au Seigneur : « où est-ce qu’est où est-ce que se niche parfois dans des détails la toute-puissance ? »

Et puis dans ces difficultés relationnelles qui ressortent au moment de Noël, qu’est-ce qui dépend de nous ? Tout ne dépend pas de nous. Bien sûr que non. Parce que l’autre aussi a sa liberté, quelqu’un qui se coupe de la famille, se coupe de la famille.

Mais qu’est-ce qui pourrait dépendre de nous ? Quel geste du Royaume on pourrait faire face à celui qui fait souffrir ou a fait souffrir, ou nous a fait souffrir ? Justement, parce qu’on ne veut pas que le mal ait le dernier mot, nous tentons une espérance, une main tendue.

Alors, je crois que ce temps de l’Avent, c’est un temps où il y a un enjeu particulier qui nous recentre vers la vie intérieure. La nature elle-même se recueille, les jours sont ramassés comme pour nous inviter à une intériorité. Et cette intériorité me fait penser à cette phrase du grand Saint Augustin. Qui loin de déplorer l’époque qu’il vivait, qui était une époque très complexe, très compliquée pour l’Église et le monde, disait la chose suivante :

« Soyez bons et les temps seront bons. Soyez saints et les temps seront saints. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 11,1-10.
  • Psaume 72(71),1-2.7-8.12-13.17.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 15,4-9.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 3,1-12 :

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : ‘Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.’
Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion.
N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »