Homélie du 1er dimanche de Carême

19 février 2018

« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

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« Accorde-nous, Dieu tout-puissant, pendant ces 40 jours du carême, de progresser dans la connaissance de Jésus-Christ. »

Voilà notre prière au début de ce carême, non pas la connaissance intellectuelle, mais apprendre à naître de nouveau avec le Christ. Apprendre à mettre nos pas dans ses pas, à mettre notre cœur dans son cœur afin de parler le même langage, afin de témoigner du même royaume et de nous ouvrir à sa lumière.
Voilà ce que nous demandons au Seigneur en ce début de Carême.

Et pour planter le décor on nous donne tout de suite les images du déluge, dans le passage de l’Évangile que nous avons aujourd’hui, car notre monde, notre cœur, d’une manière ou d’une autre, c’est d’ailleurs ce que nous montre le parcours de la Bible qui est si pénible à lire pour les uns ou pour les autres, est parcouru par la violence. C’est cette violence destructrice qui entraîne le déluge.

Il y a ce geste du Seigneur qui appelle Noé, qui veut faire repartir la vie, et il y a ce signe, cet arc-en-ciel déposé sur le ciel afin de nous montrer un chemin que va initier la Bible, même si l’Ancien Testament passe son temps à nous montrer les impasses, les difficultés et les ambiguïtés de ce chemin, mais qui finit par s’ouvrir par cette nouvelle naissance dans laquelle Jésus nous emmène.

Pour bien enfoncer le clou, saint Pierre, dans sa lettre, reprend cette image du déluge. Il nous montre que le message était annoncé à tous ceux qui sont en captivité, qui se sentent prisonniers du mal. D’ailleurs cette prière de Jésus a cette finalité dans ce désir du Seigneur : « Délivre-nous du mal ». Du mal que je subis, du mal que je fais subir, et les frontières ne sont pas toujours très facile à voir, on se laisse tellement vite gagner par la violence.

Voilà ce chemin du Carême qui nous est donné, cette naissance nouvelle qui nous est donnée : le déluge c’est l’image du baptême. Tout le chemin du Carême va nous amener à la célébration de Pâques qui est la célébration du baptême, pour les nouveaux baptisés, mais aussi pour chacun d’entre nous, déjà baptisés, de renouvellement, de se replonger dans cette grâce du Seigneur qui nous fait traverser la mort, qui vient nous libérer de la captivité du mal et du péché pour nous faire entrer dans cette vie nouvelle.

C’est, comme nous le dit saint Pierre, l’engagement devant Dieu d’une conscience droite. Il sauve par la résurrection de Jésus. N’attendons pas Pâques pour célébrer la fête de notre renaissance, mais pendant tout ce temps de Carême vivons déjà de la Pâque du Seigneur.

C’est le secret de saint Antoine du désert, ce père des moines qui est allé au désert, comme Jésus est allé au désert, et qui a fait cette expérience que ce n’est pas par nos propres forces ou par nos efforts que nous gagnons le ciel. Nicolas Buttet nous disait l’autre jour :

« Le ciel ne s’achète pas. »

Les efforts que nous sommes appelés à faire, l’effort d’un engagement à la suite du Christ, ne sont pas donnant/donnant, c’est toujours une grâce de Dieu. Le Seigneur ne s’achète pas mais il se loue ! Il nous faut louer le Seigneur pour sa grâce.

Saint Antoine a combattu avec le démon, mais il tient ferme parce qu’il sait qu’il est déjà vainqueur dans le Christ Jésus, qui a été vainqueur de l’ennemi et du mal. « Délivre-nous du mal », c’est aussi de l’auteur du mal, de Satan, de toutes ses pompes et de toutes ses œuvre comme l’on dit.

Il s’agit pour nous de nous mettre dans cette attitude de Jésus, dans cette prière, dans cette intériorité à laquelle le Seigneur nous appelle comme pour démasquer. C’est ce que fera Jésus dans ses tentations, il démasque toutes ces tentatives, ces tentations d’idolâtrie, d’avoir un dieu magique qui nous soigne de l’extérieur. Si l’introduction de la vie publique de Jésus se fait par ce désert, on verra tout au long de sa vie les moments de combat intérieur, les moments de lutte pour préserver cette authenticité du Royaume, ce Royaume qui vient nous apprendre à nous délivrer de la violence, des tendances de l’homme à accaparer le Seigneur et à s’accommoder avec le mal. Il vient nous apprendre à rentrer vraiment dans ce choix.

Si nous voulons marcher à la suite, mettre nos pas dans les pas de Jésus, si nous voulons recevoir cette vie nouvelle, la grande leçon de cet évangile aussi simple sur le combat de Jésus est « ta volonté », non pas la mienne pour que les choses soient faciles. Voici ce choix devant lequel Jésus est : il va au désert apprendre à choisir, à l’aide de la Parole de Dieu, non pas la Parole de Dieu arrangée à notre sauce, où la perversion de la Parole de Dieu que fait le diable, mais dans cette parole accueillie pleinement avec le Seigneur.

Dès le début de ce carême il nous faut nous accrocher avec ce qui sera donné à la fin de tout ce temps de renaissance, l’Esprit Saint. Car Jésus est envoyé au désert « poussé » par l’Esprit Saint, « jeté dehors », et le mot est assez violent, il est vraiment entraîné, non pas comme une pichenette qui pousse quelqu’un dans un précipice pour qu’il se débrouille, mais il est poussé et il va vivre dans et avec l’Esprit du Seigneur. C’est en vivant rempli de cet Esprit qu’il vient de recevoir la confirmation, l’annonce, la force, pour être envoyé en mission comme Fils bien-aimé et pour entrer dans son ministère.

Nous-mêmes, nous sommes invités à annoncer le Royaume de Dieu, de faire vivre du Royaume de Dieu. L’évangile ici rattache la tentation de Jésus et la prédication de Jésus : convertissez-vous, car nous sommes tous envoyés. Nous ne vivons pas le carême simplement pour briller et être des gens biens, mais c’est pour que nous puissions de manière adéquate être des instruments de paix, d’évangélisation, de guérison réelle pour ceux qui sont mis sur notre chemin et dont nous avons la grâce de pouvoir nous faire les proches.

C’est aussi dans cet Esprit Saint, dans cette présence du Seigneur qui fait de nous des fils dès aujourd’hui, dans cette victoire du Seigneur que nous sommes appelés à nous laisser planter dans le Seigneur. Cela revient encore à cet engagement, le baptême c’est l’engagement, le renouvellement de 7 engagements à la suite du Seigneur, mais nous sommes déjà appelés à en vivre. Si nous voulons faire des efforts, nous libérer de mauvaises habitudes, d’addictions, nous n’y arriverons que si nous avons vraiment décidé, si nous sommes vraiment engagés. C’est se planter dans ce choix de Jésus qu’il fait au moment du désert, qu’il refait jusqu’à l’agonie, à chaque moment.

Demandons la grâce de pouvoir rentrer à l’intérieur de notre cœur pendant tout ce temps, ce cœur qui s’ouvre à la lumière du Seigneur pour être fidèle, comme dit l’oraison du début de cette homélie, demandons de pouvoir choisir le Seigneur en conscience, dans la pauvreté. Nous ne sommes pas choisis par le Seigneur parce que nous sommes des gens bien, nous sommes choisis par le Seigneur parce que nous sommes des pauvres conscients de nos violences, de nos faiblesses, de nos péchés, que nous serons appelés d’une manière spéciale durant ce Carême à venir confesser dans les mains et le cœur du Seigneur est à travers le sacrement de pénitence.

Le Seigneur à accroché son arc au mur du ciel pour faire, comme le dit par 5 fois ce petit texte, alliance avec nous. Il met son patrimoine d’amour, son patrimoine de lumière, son patrimoine de paix, de guérison, dans notre coeur.

Supplions l’Esprit-Saint pendant cette messe de nous ouvrir, de nous entraîner à la suite du Seigneur pour que nous puissions courir d’un pas léger sur ce chemin.

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 9,8-15.
  • Psaume 25(24),4bc-5ab.6-7bc.8-9.
  • Première lettre de saint Pierre Apôtre 3,18-22.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,12-15 :

« Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait :
" Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile." »