Homélie du cinquième dimanche de Carême

27 mars 2023

On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie

Nous arrivons dans la deuxième phase du Carême, le temps de la Passion, et nous nous risquons à faire un petit bilan de notre Carême : qu’avons-nous fait, qu’avons-nous changé ? Qu’en est-il des exercices qui nous sont recommandés : le jeûne, la prière, l’aumône ?

Mais, en ce cinquième dimanche de Carême, il nous est donné, peut-être, non plus dans les choses « à faire » ou « à changer » directement, mais plutôt d’aller au cœur. Et je voudrais reprendre cette parole de Jésus qui illumine toute la démarche du Carême :

« Notre ami Lazare dort, et je vais aller le réveiller. »

Car le but du Carême, c’est bien de nous réveiller. Vous le savez, pour parler de résurrection de Jésus, nous avons ce mot spécifique qui est peut-être un peu abstrait. Dans la langue de Jésus, dans l’Évangile, ce mot abstrait n’existe pas. En Hébreu, il y a deux morts pour parler de la Résurrection : se lever ou se réveiller. Et vous avez bien entendu que le thème de ce dimanche, dans la première et la deuxième lecture, c’est vraiment de cette résurrection que l’on va fêter à Pâques dont il est question. Comment est-ce que j’accueille cette nouvelle, comment est-ce que je rentre dans cette dynamique ?

Et le clou de ce temps de Carême qu’est la Pâque - dans la nuit de Pâques – et quel est le point important si ce n’est celui du baptême, le moment du renouvellement de notre baptême ?

« Crois-tu ? »

Pour les missionnaires du XVII siècle, le but est de laisser Jésus venir à nous, de Le laisser nous réveiller. Nous avons d’abord à nous mettre en Sa présence, à l’accueillir.

Nous allons donc faire cette profession de Foi. Il y a bien sûr celle que nous faisons solennellement, mais aussi celle que nous prononçons tous les dimanches et que nous pouvons renouveler à chaque instant. Elle nous réveille dans notre être de disciple de Jésus, de membre du corps du Christ, à laisser la vie de l’Esprit passer dans notre vie, comme le disait Saint Paul.

Sommes-nous dans cet état de mort, ou plutôt vivons-nous dans l’Esprit-Saint ? Pensons-nous que Jésus est loin de nous, et la résurrection pour plus tard, comme Marthe le dit dans le texte. Nous le pensons souvent nous aussi : la résurrection, c’est pour après… « J’y crois, mais c’est pour plus tard… » sans même parfois en être très sûr, d’ailleurs. Mais là, il s’agit d’autre chose : la résurrection de Lazare est un signe.

Vous savez que dans l’évangile de Jean, il y a sept signes, et celui-ci est le dernier avant la deuxième partie qui va commencer avec l’onction à Béthanie, le lavement des pieds, le jeudi Saint et le testament de Jésus à ses disciples suivis de la Passion et de la Résurrection. Et le plus important de cette partie du récit c’est cette question qui revient :

« Oui, je crois Seigneur ! »

Le mot verbe croire revient sept fois dans ce texte, avec une fois supplémentaire à la fin quand il est dit que beaucoup crurent en Lui :

« Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. »

Dans ce dialogue avec Marthe, il y a d’abord cette plainte, comme nous le faisons aussi parce que nous ne sommes pas dans le bonheur que nous voudrions, il y a les difficultés du jour, il y a des obstacles et des malheurs qui arrivent :

« Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »

Marthe et Marie le disent à tour de rôle, cela peut finalement venir de tous les types de caractère. Ce n’est pas vraiment un reproche, c’est plutôt l’expression de la douleur de cette difficulté.
En même temps, comme en nous, il y a une espérance en Marthe car sa foi existe déjà, mais comme la nôtre, elle a besoin d’arriver à son accomplissement. Elle dit :

« Maintenant encore je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, il te l’accordera. »

Elle ne sait pas bien ce qu’elle dit mais ce dialogue montre combien elle a confiance en Jésus. Il lui dit :

« Ton frère ressuscitera. »

Et elle lui dit qu’elle le sait, et c’est bien ce que nous pensons, c’est aussi la foi des Pharisiens et des personnes vivant à l’époque de Jésus. Mais Il change de sujet :

« Moi, je suis la résurrection et la vie ! »

L’évangile de Jean est parsemé de cette parole où Jésus dit qu’Il est la vie. C’est déjà dans le prologue quand il est dit :

« Le verbe était la vie et la lumière. »

Ces mots sont encore repris dans le discours à Nicodème. Tout au long de cet évangile, Jésus nous dit qu’Il est la vie, qu’Il est venu pour apporter la vie, cette vie en plénitude. Et cela va changer car, avec la venue de Jésus, avec le don de l’Esprit-Saint qui va être répandu sur nous, c’est cette vie éternelle, cette vie en plénitude, cette vie de Dieu qui nous est donnée et à laquelle nous sommes invités à participer. Et même s’Il meurt, Il vivra.

Et il y a cette dimension de notre Foi chrétienne, de notre vie chrétienne, qui apprend à accueillir cette vie, cette charité, cet amour de Dieu, que nous sommes appelés à développer. Et tout ce qui est dans cette vie ne mourra pas.

Notre vie a une dimension beaucoup plus grande que nous pouvons le penser. Bien sûr, nous savons que dans ce monde tout passe, tout casse, tout lasse. Mais Jésus vient nous montrer, nous enseigner, nous ouvrir à cette dimension que tout ce qui est charité et amour authentique demeure, ne mourra pas.

Bien entendu, il y a beaucoup de difficultés et nous voyons Jésus qui, tout au début cet évangile, se trouve dans la région du Jourdain et retourner en Judée est dangereux car Il est recherché et prêt à être arrêté. Les disciples ont peur même si certains, comme Thomas, sont pris d’un coup de courage, cela nous arrive aussi de temps en temps…

« Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »

Ce courage ne va pourtant pas très loin, comme le nôtre, très souvent. Mais il y a cet obstacle si important parce que, vivre de la résurrection, recevoir le don de la résurrection est plus qu’un « petit » cadeau que l’on reçoit. C’est un don spécifique pour notre vie, qui tient à la Foi et qui nous pose la question de l’engagement de notre vie.
Et on le voit ensuite dans la rencontre avec Marie avec ce qui est demandé à Jésus. Car, dans tout ce passage de la résurrection de Lazare, la grande épreuve pour Jésus est qu’Il y a rejoue le don de Sa vie, de Sa vie qu’Il s’apprête à donner pour les pécheurs, Lui-même qui va être confronté à la mort.

Il y a ici deux verbes qui sont employés : Jésus est saisi par l’émotion – l’étymologie du mot c’est « le grondement d’un bruit sourd et d’une colère intérieure » - et en même temps Il est bouleversé. Ce sont les mots qui sont employés pour l’agonie de Jésus et il va devoir affronter cela. C’est un peu cette colère que Jésus ressent, ce drame devant tout ce qui est mort, qui va finalement à l’encontre de ce que l’on attend de la vie.
Mais Jésus vient dépasser la mort, non pas pour nous faire vivre selon le rêve de l’Homme, fils d’Adam, qui espère que par la médecine on va arriver à une vie longue et perpétuelle sans maladie ni autre problème. Et ce que vient faire Jésus, même s’Il meurt, c’est arracher l’aiguillon, le venin de la mort qu’est la séparation de la vie plénière de Dieu, de cette séparation d’avec Lui. Mais cela demande d’affronter, de risquer sa vie. Et c’est ce qui va advenir.

Et ce en quoi notre Foi est engagée : « Est-ce que tu crois ? est-ce que tu avances, ou est-ce que tu restes derrière, dans ton monde, dans tes habitudes ? est-ce que tu apprends à sortir pour affronter la vie ? ».
Il n’y a pas à proprement parler de résurrection sans mort, sans engagement. Et on voit que toute la pédagogie de la Pâque, à commencer par la première Pâques, la sortie de l’Exode, quand ils doivent risquer leur vie, qu’ils sont pris entre les armées de Pharaon qui sont terribles et la mer qui les effraie : il faut qu’ils l’affrontent et qu’ils osent avancer derrière Moïse dans la mer. Mais, ils vont trouver la vie !

Alors, demandons au Seigneur d’apprendre à recevoir cette vie, et à commencer par répondre à cette question : « Crois-tu ? ».
Croire, ce n’est pas simplement dire que l’on « croit bien que »… Croire, c’est engager sa vie. Répondons alors : « Oui, j’avance, je viens ».

Alors, nous qui sommes tous comme notre ami Lazare qui dort, laissons-nous réveiller par Jésus qui vient à nous et qui nous appelle :

« Lazare, viens dehors ! »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Ézéchiel 37,12-14.
  • Psaume 130(129),1-2.3-4.5-6ab.7bc-8.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,8-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 11,1-45 :

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples :
— « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent :
— « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
Jésus répondit :
— « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors :
— « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement :
— « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples :
— « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.

Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus :
— « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
Jésus lui dit :
— « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit :
— « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
— « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda :
— « Où l’avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent :
— « Seigneur, viens, et vois. »
Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient :
— « Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux dirent
—  : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit :
— « Enlevez la pierre. »
Marthe, la sœur du défunt, lui dit :
— « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe :
— « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire.
Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »

Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.