Homélie du dimanche des Rameaux et de la Passion

30 mars 2021

« Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »

Écouter l’homélie

Texte de l’homélie :

Puisse le rideau du sanctuaire se déchirer en nous, depuis le haut jusqu’en bas. Que le rideau du sanctuaire de notre cœur puisse s’ouvrir à la Parole pour qu’elle entre dans notre cœur.
Elle y fait ouvrir le Cieux, ouvrir le cœur de Dieu.

C’est intéressant qu’au début de l’Évangile de Marc, on a un déchirement au début – celui du ciel – et à la fin – celui du voile. Et dans les deux cas, il s’agit de Jésus qui vient prendre la place des pécheurs : au baptême et sur la Croix.

Quand Jésus nous parle de Sa royauté

Et nous voyons combien nous risquons de lire l’Évangile comme une histoire, comme un souvenir, sans que cette parole ne pénètre dans notre cœur. Que le ciel se déchire, c’est tout de même incroyable ! Que le rideau du temple qui protège ce mystère de Dieu imprononçable et incompréhensible pour l’intelligence humaine, c’est tout de même inédit.
Et pourtant, comme le reprend l’épître aux Hébreux :

« Il est entré dans le sanctuaire… »

Le mystère au cœur de Son règne

Et ce sanctuaire, c’est la révélation des mystères pour parler de cette ouverture, de ce déchirement, il faudrait reprendre le chapitre 73 du livre des psaumes. Alors que, comme nous, il ne comprend pas très bien le monde dans lequel ce ne sont pas forcément les justes et les bons qui mènent une bonne vie, et il est dans le trouble et dans la jalousie. Il ne comprend pas, il est au bord de la révolte et son cœur s’aigrit. Puis, il a ces paroles :

« Je ne comprenais pas jusqu’au jour où je suis entré dans le sanctuaire… »

Et l’on peut traduire par ce synonyme : « jusqu’au jour où je suis entré dans la mystère. »

À propos de ce mystère, Saint Paul nous dit :

« C’est le cœur de Dieu ! »

Ce pas le Dieu que nous avons imaginé, comme nous le faisons tous. Le Père Jousse dit à ce sujet :

« Nous sommes tous des machines à faire des dieux, à projeter l’image que l’on a de Lui. »

Il nous faut rentrer dans ce mystère où Dieu vient tuer la haine, tuer la mort, où Il vient réaliser l’unité et rassembler les enfants de Dieu dispersés, comme il est dit à propos du Sanhédrin avec Caïphe.

Et cette unité se fait uniquement parce que Dieu prend la place du pécheur. Et vous voyez combien c’est fort dans ce cas : le criminel qui est relâché à la place de Jésus s’appelle Barrabas, ce qui signifie « le fils du père ».
Et Jésus qui est lié vient délier Barrabas pour que chaque fils du père que nous sommes soit délié et soit accueilli dans le mystère de Dieu, qu’il puisse se relever, s’éveiller à une vie nouvelle vivante et pleine, à la Vie Éternelle.

Alors, nous voyons bien dans ce texte l’ambiguïté et la difficulté pour nous tous d’accueillir ce mystère. Et selon votre lecture et suivant qui vous êtes, vous pourrez vous reconnaître dans différents personnages, mais entendez bien la parole de Jésus :

« Vous allez tous être exposés à tomber. »

Ambiguïté et incompréhensions…

Parce que si nous ne pouvons pas lire la Passion comme un récit, une histoire, c’est parce qu’elle va agir comme un révélateur.

Il y a donc cette ambiguïté avec toute cette foule qui chante et qui acclame Jésus comme roi, et nous savons combien nous projetons nos désirs et nos idéologies sur les autres et nous le faisons d’autant plus avec Jésus.
Il a donné du pain, Il a guéri, thaumaturge qu’Il est, et c’est extraordinaire : on va en faire notre roi ! Et l’on remet en scène l’entrée du roi traditionnelle sur un ânon, comme l’avait fait Adonias pour se proclamer roi, lui le fils de David, en précipitant d’ailleurs le vouloir de son père.

Mais, ce royaume de Jésus n’est pas à la manière des hommes. Il n’est pas roi dans la succession comme nous l’avons connu dans nos grandes dynasties françaises… Il ne vient pas dans l’histoire, Il est au centre de notre vie, Il agit comme un révélateur.

On voit bien les disciples qui n’arrivent pas, qui s’endorment et ne peuvent pas soutenir l’effort. Et pourtant, ils sont proches de Jésus.

Et cette trahison ? pourquoi survient-elle ? Il y a déjà celle de Pierre, mais Judas, avec sa formation de Zélote, ces radicaux prêts à utiliser la violence et le terrorisme pour chasser les Romains ? Il vont utiliser Jésus car avec cette entrée triomphale dans Jérusalem, ils pensent que l’opinion publique Lui est acquise et que c’est le moment pour Lui de se révéler, de monter un coup d’état… Mais, comme Il n’a jamais voulu le faire, ils ont du mal à le comprendre. Ils ont toujours été en décalage avec ce que Jésus a dit.
Combien de fois, notamment dans Marc, Jésus se plaint en disant : « Ne comprenez-vous pas ? » ou « Jusqu’à quand vous supporterai-je ? »

Et là ici, notre incompréhension de l’Évangile vient s’articuler parce que Jésus vient prendre la place du pécheur pour le relever, et Il nous invite à le faire.

L’importance des signes du récit de la Passion

Le chant du coq

Alors, si tous nous sommes exposés à tomber, Jésus nous montre dans ce texte de la Passion des attitudes qui peuvent être celles de notre cœur.
Rappelez-vous le coq, un des personnages principaux de ce récit… Pourquoi va-t-il chanter ?

Dans la Bible, on en parle une autre fois, dans le livre de Job. Dans la tradition juive ; avec les bénédictions du matin lorsqu’on se réveille, on dit ces mots :

« Tu es béni, Seigneur Dieu de l’Univers, Toi qui as donné au coq le discernement. »

Comme nous le savons, le coq chante pour annoncer le matin. Et là, ce sont encore les pleines ténèbres, et il commence déjà à chanter l’aurore…

C’est extraordinaire car ce passage a lieu avec Saint Pierre qui lui aussi, non pas d’une manière idéologique comme Judas, avec son attitude affective de générosité, n’arrive pas à comprendre Jésus, et ce chant du coq va être le signal que son cœur peut déjà changer.
Quand Jésus va le regarder, il va se convertir. Il ne va pas rentrer dans le désespoir et le catastrophisme, et c’est déjà le premier chemin pour s’ouvrir au Seigneur.

Le parfum versé

Il y a aussi ce geste merveilleux, ce geste prophétique qui met d’ailleurs en colère les disciples, eux qui sont réalistes, et qui s’indignent de ce parfum d’une valeur incroyable – 300 deniers, c’est une année de salaire - répandu alors qu’on pourrait le donner aux pauvres.
Marie-Madeleine, elle, a compris le chapitre 51 du livre des psaumes.

« D’un cœur brisé, broyé, Dieu n’a pas de mépris… »

Pour s’approcher de Jésus et pour comprendre Sa passion, il faut savoir prendre ce vase précieux, ce vase de notre cœur, et le briser, l’offrir, et le donner tout entier au Seigneur, afin de répandre ce parfum.

Le parfum a ici deux sens : c’est à la fois ce nard fait pour l’embaumement, comme le dit Jésus, mais c’est aussi celui cité dans le cantique des cantiques, le parfum de la bien-aimée.

Et dans ce geste, elle est capable d’accompagner le Christ : on la retrouvera d’ailleurs, non pas échappée comme les autres, mais avec quelques femmes au pied de la Croix, cela vient encadrer tout le texte.

Que nous puissions lui donner ce que nous avons de plus cher. Et Jésus l’avait bien dit : « il faut mourir à son moi, mourir à son être que l’on veut construire à nos idées, pour s’ouvrir à ce courant de vie qui vient du Seigneur, qui vient de cette vie qui s’offre.

Une autre remarque : ce geste a tellement d’importance que Jésus nous a dit que dès que l’on parlera de l’Evangile, nous ne devons pas oublier d’en faire mémoire, de le mentionner.
C’est peut-être ce geste que nous avons à faire aujourd’hui : briser notre flacon précieux d’albâtre afin que le parfum que le Seigneur a mis dans notre cœur à notre création puisse se répandre,

Amen


Références des lectures du jour :

  • Livre d’Isaïe 50,4-7.
  • Psaume 22(21),8-9.17-18a.19-20.22c-24a.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,6-11.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,1-72.15,1-47 :

La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. »

Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête.
Or, quelques-uns s’indignaient : « A quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres. »
Et ils la critiquaient. Mais Jésus leur dit :
— « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C’est une action charitable qu’elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement.
Amen, je vous le dis : Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. »

Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. A cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent :
— « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? »
Il envoie deux disciples :
— « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ’Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? ’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »

Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze.
Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara :
— « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. »
Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? »
Il leur répondit :
— « C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. »

Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit :
— « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit alors :
— « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »
Jésus lui répond :
— « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. »
Mais lui reprenait de plus belle :
— « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. »
Et tous disaient de même.

Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples :
— « Restez ici ; moi, je vais prier. »
Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse.
Il leur dit :
— « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. »
S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait :
— « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles.
Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire.
Une troisième fois, il revient et leur dit :
— « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. »

Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva avec une bande armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. »

A peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l’embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l’arrêtèrent.

Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, où j’enseignais ; et vous ne m’avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s’accomplissent. »
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour vêtement qu’un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu.

Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent.
Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu.

Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n’en trouvaient pas. De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas.
Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage :
— « Nous l’avons entendu dire : ’Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme. ’ »
Et même sur ce point, ils n’étaient pas d’accord.

Alors le grand prêtre se leva devant l’assemblée et interrogea Jésus :
— « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? »
Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien.
Le grand prêtre l’interroge de nouveau : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? »
Jésus lui dit :
— « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »
Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit :
— « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? »
Tous prononcèrent qu’il méritait la mort.

Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des gifles.

Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit :
— « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! »
Pierre le nia :
— « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. »
Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l’ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là :
— « En voilà un qui est des leurs ! »
De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient :
— « Sûrement tu en es ! D’ailleurs, tu es Galiléen. »
Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction :
— « Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. »
Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois. Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. »
Et il se mit à pleurer.

Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate. Celui-ci l’interrogea :
— « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus répond :
— « C’est toi qui le dis. »
Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations.
Pilate lui demandait à nouveau :
— « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. »
Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait.

À chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l’émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu’il accordait d’habitude.
Pilate leur répondit :
— « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? » (Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré.)
Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas.
Et comme Pilate reprenait :
— « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? »,
Ils crièrent de nouveau :
— « Crucifie-le ! »
Pilate leur disait :
— « Qu’a-t-il donc fait de mal ? »
Mais ils crièrent encore plus fort :
— « Crucifie-le ! »
Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.

Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée.
Puis ils se mirent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! »
Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage.

Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements. Ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire.
Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas.
Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.

Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ».
Avec lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.
Les passants l’injuriaient en hochant la tête : « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. »
Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient.

Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! »
L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! »

Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.

Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.
Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria :
— « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »
Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.

Déjà le soir était venu ; or, comme c’était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus.
Pilate, s’étonnant qu’il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc.
Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis.