Homélie du premier dimanche de Carême

27 février 2023

En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.

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Texte de l’homélie

Frères et sœurs bien-aimés, avant de rentrer dans la méditation de la parole de Dieu que nous venons d’entendre, je voudrais faire un petit rappel sur le contenu de notre Foi concernant le démon.
Il est fait allusion au diable dans l’Évangile, mais aussi dans le récit de la Genèse avec le serpent qui tente. Et nous savons que si l’Esprit de Dieu plane est au rendez-vous, sur les eaux et inspire toutes les personnes qui suivent le Christ, nous savons aussi qu’il y a un autre esprit. Nous croyons dans notre foi catholique que le démon existe et qu’il est traditionnellement assimilé à un archange qui s’opposerait à Dieu et aurait entraîné à sa suite nombre d’anges pour s’opposer au dessein de Dieu.
La tradition rapporte que c’est probablement face au dessein d’incarnation du Verbe que Lucifer – « celui qui porte la lumière », l’archange des archanges – s’est enorgueilli de sa beauté et de sa gloire, et s’est détourné pour toujours du Seigneur. En effet, c’est un choix définitif, et qu’il n’y a donc pas de miséricorde pour les anges, car ils voient jusqu’aux dernières conséquences de leurs actes.

Il est important de faire ce rappel car on ne parle pas assez du démon. Certes, il vaut mieux parler du Bon Dieu, mais omettre le démon aurait pour conséquence de ne pas parler du combat spirituel et de ce récit de la tentation.

Nous sommes dans le premier dimanche de Carême, celui que l’on appelle aussi le Dimanche de la tentation.

Qu’est-ce qu’une tentation ?

Le mécanisme de la tentation passe par notre imaginaire : le démon s’adresse à nous par notre imagination. Il nous fait désirer des choses, comme la pomme dans le récit de la Genèse où il est dit :

« La femme s’aperçut que le fruit était savoureux et qu’il était agréable à regarder. »

Cela semble bon. Dans la tentation, il y a toujours l’idée de quelque chose qui va être bon, qui va nous rendre heureux et qui va nous combler, quelque chose de chatoyant. Et puis, dès qu’on y cède, c’est un goût amer…

Mais quelle est la différence entre la tentation et le péché ?

Quelle est la différence entre la tentation et le péché ?

La tentation c’est avoir l’idée de commettre tel ou tel acte. Le péché, c’est succomber à la tentation de commettre tel ou tel acte.
La tentation siège dans l’imaginaire. Par exemple s’imaginer se rapprocher d’un groupe de personnes habituées à calomnier… Il est important de débusquer nos point faibles. Cela peut également s’inscrire dans une fragilité psychologique. Le démon peut venir frapper dans ces failles comme par exemple, le besoin d’être rassuré dans l’amour, d’être trouvé aimable, d’être validé et conforté par les autres.

Et le démon vient nous toucher et nous présenter des réalités en nous invitant parfois même à rationaliser. Prenons l’exemple des impôts, avec la tentation de ne pas tout déclarer et, sachant que c’est du vol, relativiser en considérant que le plus grand voleur, c’est l’état.
Plus on est intelligent, plus on est tenté, car plus on est tenté de trouver des stratagèmes pour valider ses choix, alors qu’objectivement, il y a quelque chose qui n’est pas en place.

Et on voit dans ce texte les trois grandes tentations habituelles, car le démon n’a finalement pas tant d’imagination. On trouve dans l’ordre :

  • l’orgueil de la chair avec tout ce qui est de l’ordre des plaisir charnels comme les pierres à transformer en pain,
  • l’orgueil spirituel : le démon tente Jésus avec la parole de Dieu, et veut le mettre plus haut que Dieu, sans parler de la lecture démoniaque de la Parole…
  • l’orgueil du pouvoir, qui est de l’ordre de l’avoir et des richesses.

L’orgueil de la chair, l’orgueil de l’esprit et l’orgueil des richesses sont en nous, d’une manière ou d’une autre. L’un plus que l’autre, nous avons une fragilité
Par exemple, ne pas donner au Seigneur la première place en ne priant pas assez, c’est comme se mettre à la place de Dieu, au sommet du Temple. Prier, c’est accueillir une réalité transcendante en nous-même.

En ce qui concerne les réalités charnelles, c’est tout ce qui concerne les différentes formes d’addiction. Et il faut être vigilent et se demander quel est notre espace de liberté lorsque nous sommes tentés. Par exemple, si l’on sait qu’en contactant telle personne, la relation se terminera par un adultère, comment faire pour ne pas tomber dans ce péché ?

Comment ne pas commettre de péché ?

En un mot, il ne faut pas se mettre dans des situations où le démon va pouvoir se mettre dans nos blessures et nous conduire dans des impasses, des occasions qui conduisent à la tentation et au péché. Sommes-nous assez clairvoyants ? Le péché est bien souvent un aveuglement, et c’est bien là la difficulté.

Nous pouvons nous demander si nous nous laissons bien corriger ? Avons-nous une vie spirituelle assez puissante pour savoir où il ne faut pas aller ? Sommes-nous assez connectés à nous-mêmes ? Savons-nous quel pas éviter de franchir pour ne pas tomber dans l’impasse ?

Et si nous le savons, il y a pourtant quelque chose en nous qui nous pousse à céder à la tentation, parfois par faiblesse psychologique, mais aussi par complicité avec le mal.

Pendant ce temps de Carême, il est important de discerner ce qui en nous est de l’Esprit de Dieu de ce qui est de l’esprit du mal, de l’œuvre de Dieu et de l’œuvre de Satan.
Mais, en même temps que nous affirmons cela, nous ne croyons pas pour autant qu’il y a le dieu du bien et le dieu du mal. Ceci n’est ni de la foi chrétienne, ni de la foi catholique. Et c’est ce que dit Saint Paul :

« Il n’en va pas du péché comme du don de Dieu. »

L’œuvre de Dieu est de toujours à toujours, mais cependant, rentrer dans un combat spirituel, c’est discerner en nous les fragilité dans lesquelles nous pouvons nous engouffrer sous prétexte de bonheur… Vous connaissez la citation du philosophe Pascal :

« L’homme qui va se pendre recherche son bonheur… »

Nous devons discerner nos points faibles. Nous le savons, l’arbre tombe du côté où il penche. Ces points faibles vont faire que je suis plus en fragilité dans certaines circonstances, que je vais devoir éviter car ces fragilités vont me pousser à l’acte.

Quand on se confesse, on confie des péchés et non pas des tentations. Et c’est important de confesser des actes libres. Où ai-je eu une liberté qui fait que j’aurais pu prendre un autre chemin ? Si je sais que si je fréquente telle personne, c’est l’adultère à la clef, que si je vais avec tel groupe de collègues, ça se termine par la critique, je sais que dans telles circonstances, je vais mentir… Il faut s’interroger à quel moment j’avais cette liberté dans ce groupe de collègue, déjà dans la chambre à coucher, ou dans cette situation où je vais devoir mentir. Ma liberté est déjà très restreinte car déjà, pas à pas, comme un effet de domino, je vais directement dans l’impasse et dans le mur !
Où a été mon espace de liberté ?

Il est important de confesser les actes libres, là où notre volonté avait le choix et s’est tourné vers le mauvais côté, vers celui du mur. Parfois, prendre la fuite est l’acte le plus courageux, pour justement éviter d’aller dans le mur !

C’est particulièrement le cas avec les addictions et les plaisirs autour du corps : la personne droguée n’est plus libre face à la cocaïne… Mais, à quelle moment a-t-elle été libre en amont pour se faire traiter, consulter des professionnels ? Nous avons toujours le choix !

Nous avons toujours le choix

Ne prétextons pas une sorte de déterminisme : « mon père était alcoolique, c’est normal que je le sois aussi ». C’est vrai qu’il y a des environnements qui sont plus porteurs que d’autres. Il y a des amitiés qui nous conduisent plus que d’autres vers le Royaume de Dieu ou vers l’impasse. D’où l’importance des amitiés, singulièrement quand on est jeune, car elles vont orienter ensuite la vie d’adulte.

Nous qui sommes pécheurs, faisons mémoire de cette parole de Saint Paul :

« Il n’en va pas du péché comme du don de Dieu. »

Vous le savez, nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et si cette ressemblance de Dieu se travaille, l’image, elle est toujours intacte, quelque soient les actes que l’on puisse poser. Voilà qui est très rassurant.
Cela signifie que la miséricorde de Dieu, le don gratuit de Dieu peut nous restaurer dans cette ressemblance.

Qu’est-ce que la miséricorde

La miséricorde n’est pas un encouragement au mal ou au péché, ce serait une mauvaise interprétation. Au contraire, la miséricorde est un terme, un point final à l’action du démon.

Pendant ce temps de Carême, il vous sera proposé dans vos paroisses - ou dans les retraites que vous pourrez faire – des temps particuliers pour recevoir la miséricorde de Dieu.

Dans notre foi catholique, nous avons la grâce d’avoir ce sacrement de la miséricorde, parce que nous prenons conscience que nous avons notre liberté s’est engagée vers des lieux de ténèbres, des lieux mortifères.

Frères et sœurs bien-aimés, ce sont des choses que nous connaissons par cœur, mais comme c’est important de faire mémoire à la fois de notre fragilité. L’humilité, c’est reconnaître notre vulnérabilité, que nous sommes tentés – les uns et les autres – en esprit, par les richesses et la chair, mais qu’en même temps, il y a un salut. C’est la grande espérance.

Car la dernière arme du démon, c’est la désespérance, c’est se dégoûter de soi-même, c’est perdre confiance dans la capacité d’aimer et d’être aimé. Et face à cette dernière arme, dans notre foi catholique, nous affirmons que c’est la grâce de Dieu qui a le dernier mot sur notre vie et sur notre histoire.

Nous affirmons que la miséricorde, le pardon nous restaurent et nous permettent d’être de plus en plus ressemblants au Seigneur si nous prenons au sérieux notre vie spirituelle.

Alors, demandons au Seigneur - par ces différents efforts de Carême dont nous avons entendu parler depuis mercredi des Cendres : le jeûne, la prière et l’aumône qui sont en miroir des trois tentations – d’accentuer l’un ou l’autre de ces points où nous nous sentons plus fragiles. Acceptons de rentrer dans un combat intérieur.

Selon les mots de Saint Paul :

« Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. »

On le sait bien. Il n’y a que celui qui ne se connaît pas lui-même qui ne peut pas dire cela, qui est complètement aveuglé. Et c’est vrai que quand on n’a plus du tout de vie spirituelle et que l’on est tel le bout de bois porté par le ruisseau, on va au gré du monde, des modes et de nos désirs… Rentre dans un combat spirituel celui qui a la lumière de la finalité, de ce vers où il veut aller. Pour nous, c’est la gloire de Dieu qui est la finalité.

Ainsi, demandons vraiment à Jésus de nous soutenir, le Saint Esprit dont nous sommes les temples est à l’œuvre. Ne perdons pas confiance en nos capacités à suivre le Seigneur. On peut se décourager à cause de nos péchés – pour la ixième fois j’ai menti, j’ai critiqué.
On sait pourtant bien, personne ne nous demande de faire dans la nouveauté dans le sacrement de la réconciliation… certes, nous confessons toujours les mêmes choses, et c’est comme les gestes d’hygiène que nous pratiquons tous les jours.

Ces mots attribués à Saint Benoît le traduisent bien :

« La confession, c’est fracasser la tentation contre le Christ. »

Amen !


Références des lectures du jour :

  • Livre de la Genèse 2,7-9.3,1-7a.
  • Psaume 51(50),3-4.5-6ab.12-13.14.17.
  • Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 5,12-19.
  • Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 4,1-11 :

En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit :
— « Il est écrit : ‘L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.’ »

Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit :
« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : ‘Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.’ »
Jésus lui déclara :
— « Il est encore écrit : ‘Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.’ »

Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire.
Il lui dit :
— « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »
Alors, Jésus lui dit :
— « Arrière, Satan ! car il est écrit : ‘C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte.’ »

Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.